Versailles Quartier de Gally : faire, apprendre et capitaliser – Apprendre par l’expérimentation

Rédigé par

Linda CHanussot

CMO

2626 Dernière modification le 23/11/2022 - 09:00
Versailles Quartier de Gally : faire, apprendre et capitaliser – Apprendre par l’expérimentation


Faire, apprendre et capitaliser. Voilà les trois mots qui peuvent résumer le déroulement de l’opération de réhabilitation de la halle Pion à Versailles.

Le maitre d’ouvrage, ICADE, a souhaité mettre en œuvre une démarche d’économie circulaire sur le projet du Quartier Gally qu’il développe à Versailles à l’emplacement d’une ancienne caserne militaire dans le cadre d’une concession d’aménagement avec la Ville. Les travaux visent la remise en état sommaire d’une halle existante afin qu’elle puisse abriter un local « maison du projet » et des expositions ponctuelles. Cet usage sera temporaire d’une durée d’environ 3 ans.

L'usage temporaire, l’échelle modeste, et la faible complexité du projet en font le candidat parfait pour lancer une opération pilote sur l'intégration des matériaux de réemploi à la construction. Icade et son architecte Atelier +1 se lancent donc dans la démarche sans à priori ni restriction sur les matériaux à réemployer pour concevoir la future salle de réunion et aménager la halle. Du côté des contraintes, le projet doit être réalisé en moins de 5 mois, pour pouvoir accueillir à temps l’exposition dont Michel Desvignes est le commissaire dans le cadre de la Biennale d'Architecture et de paysage de Versailles (BAP).

César Bazin (Atelier +1), évalue dans un premier temps le potentiel du projet en identifiant tous les matériaux qui pourrait être approvisionnés depuis d’autres chantiers. Cycle-Up   est consulté en amont pour donner son retour d'expérience sur la récurrence des gisements et la disponibilité des ressources sur le territoire. Pour certains matériaux, les gisements sont récurrents et l'approvisionnement ne devrait pas présenter de difficultés. Certaines solutions présentent un réel défi. Afin de n'écarter aucune d'entre elles, la fourniture neuve de certains produits est prévue en option dans le marché de l'entreprise générale. Au total, ce sont 7 lots et 43 typologies de matériaux qui sont visées par le réemploi.

L'architecte met la barre un peu plus haut encore, en considérant que la géométrie de l'édicule en ossature bois pourra être adaptée à la ressource. L’ambition est que l’artisan dessine les plans d'exécution en adaptant l’ouvrage au futur gisement (bois, isolant, revêtements).

Afin de sourcer, de préparer et d'assurer la requalification des matériaux avant leur pose, Cycle up est missionné pour exécuter le marché de travaux du lot réemploi :  elle activera son réseau de fournisseurs via la plateforme Cycle-up.fr pour approvisionner les matériaux. Enfin, elle coordonnera la livraison et les travaux de préparation à la remise en œuvre qui seront exécutés par les opérateurs d’Ares 93, entreprise d’insertion par l’emploi.

Côté logistique, Icade met à disposition une partie de la halle qui n’est pas inclue dans le périmètre des travaux, pour servir d’atelier de reconditionnement et de lieu de stockage. Dès la notification du marché, les matériaux pourront être acheminés et stockés sur place. Ce lieu permettra aux opérateurs d'Ares 93 de travailler sereinement à la préparation des matériaux pendant que le début des travaux démarrera.

Les grandes lignes du projet, sa logistiques et le rôle des acteurs sont définis, c'est parti. L’entreprise chargée du lot Réemploi doit habilement sourcer les matériaux afin de ne pas démultiplier les livraisons tout en respectant les délais d'approvisionnement. Les travaux de reconditionnement sont planifiés en deux temps, en fonction du planning du chantier. Côté Architecte, il faut chaque semaine se pencher sur les nouvelles propositions de gisements, et veiller à la bonne coordination entre le lot réemploi et l'entreprise générale. Cette dernière doit quant à elle veiller aux délais d'approvisionnement pour prévoir un basculement éventuel sur une fourniture en neuf. Elle doit aussi coordonner ses équipes afin que chaque corps d'état valide les travaux de préparation effectués par Ares avant de remettre en œuvre les matériaux.

Finalement, ce sont 19 typologies qui seront réemployées sur le projet au sein de 6 lots différents. Vasques, sanitaires suspendus et mitigeurs ont été approvisionnés sans difficulté. La fourniture de luminaires, des chemins de câbles, des prises et de vitrages a été aisée. Les BAES et les extincteurs ont tous été fournis en réemploi et leur pose a été validé par une entreprise agrée (PFI). Pour le doublage de l'édicule, des plaques de contreplaqué déclassées ont été utilisées, et l'architecte a fait appel aux produits de Cycleterre pour l'enduit des murs (terre crue réemployée).



A l'issue de l'opération, les différents acteurs ont souhaité se réunir pour croiser leurs regards sur le déroulement de l'opération et capitaliser sur cette expérience pour les projets futurs. Cet échange a permis de mettre en avant les points suivants :

  • Une coopération étroite est nécessaire entre le lot réemploi et les corps d'état en charge de la pose des matériaux. Pour cette échelle de projet avec une quantité importante de lots de fournitures mais peu d’unités fournies par élément, il est primordial que l’entreprise dialogue directement avec le fournisseur de matériaux, en l’occurrence CycleUp pour identifier tous les sujets qui risqueraient de poser des difficultés. L'entreprise restant sachante sur les sujets techniques qui touche les équipements, il est difficile de se passer de son avis lors de la préparation des matériaux. A fortiori parce qu'elle est responsable de leur mise en oeuvre, elle a tout intérêt à repérer les défauts éventuels en amont. Au début du chantier, il faut préciser les rôles de chacun, et la coopération qui est attendue entre l'entreprise de pose et celle qui prépare les matériaux s'il ne s'agit pas du même acteur. Tout au long du projet, Cycle Up a tenu par exemple à ce que l'entreprise Roche valide les gisements qu'elle proposait : caractéristiques techniques, métrés etc… Le chef de chantier a fait appel à ses différents corps d'état pour valider les gisements à la commande, ainsi que prodiguer des conseils sur les travaux de réparation sur le matériau. Si les entreprises sont peu investies ou novices, une bonne stratégie peut être de réduire la diversité des lots concernés par l'approvisionnement en réemploi
     
  • Les délais pour sourcer les matériaux doivent être à la mesure de la rareté ou de la récurrence des gisements. Plusieurs typologies de matériaux n'ont pas pu être approvisionnées sur le chantier, comme l'ossature bois par exemple. Pourtant,  deux gisements ont été identifiés, mais aucun ne permettait de livrer les matériaux dans les temps. En effet, le bois de charpente était en attente de dépose, afin de ne pas engendrer de coût supplémentaire de travaux pour le vendeur, qui ne possède généralement pas de solution de stockage. Ce type de matériaux doit être sourcé au minimum 6 mois à l'avance. Idem pour l'isolation en laine minérale : il s'agit d’un gisement répandu, mais spécifique. Les plaques ne correspondent pas toujours aux dimensions du projet de destination et il s'agit d'une ressource peu inventoriée par les diagnostiqueurs. Augmenter la durée du sourcing, c'est aussi alerter sur le besoin, et augmenter les chances de croiser un gisement qui corresponde à la demande.
     
  • Les métiers de la dépose soignée, un chainon indispensable : Les travaux de préparation à la remise en oeuvre sont quoi qu'il arrive nécessaires afin de remplacer les pièces d'usure comme les siphons pour les sanitaires ou bien les ampoules des luminaires. Sur le chantier, des dégradations anormales ont été constatées sur les matériaux livrés, liées à une dépose peu soigneuse, engendrant des travaux supplémentaires. Une véritable montée en compétence est attendue du côté des acteurs de la démolition, qui doivent être pleinement intégrés dans la chaîne de valeur des matériaux de réemploi si l'on souhaite aboutir à une massification de la pratique.

Le niveau d'ambition porté et ces quelques mois de chantier   ont été l'occasion pour Icade, Atelier+1, Cycle Up, Ares, et l'entreprise Roche d'acquérir un savoir-faire propre aux opérations intégrant du réemploi. Ce type d'expérimentation, qui donne une place importante à l'innovation montre qu'un consensus émerge parmi les acteurs de la construction qui peuvent s'appuyer sur des partenaires pour les accompagner dans ce nouveau processus. Par ailleurs, elle démontre aussi que certaines solutions simples à mettre en œuvre existent d'ores et déjà, et devraient être adoptées plus systématiquement dans la conception des ouvrages. Cette démarche est importante pour que, le plus vite possible, un maximum des matériaux de second œuvre destinés à devenir des déchets aujourd'hui soit considérés comme des ressources demain.

Article signé Olivia COLLE, Cheffe de projet économie circulaire - Cycle Up 


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