[Cycle événement] Retour sur la conférence "Vers une sobriété énergétique : de gré ou de force ?"

Rédigé par

Leonard / Matthieu Lerondeau

Head of Communications & Communities, Leonard

2213 Dernière modification le 08/04/2020 - 10:01
[Cycle événement] Retour sur la conférence

À l’occasion du sixième volet de son cycle Transition environnementale qui se tenait - confinement oblige – en numérique, Leonard rassemblait quatre intervenants autour de la question fatidique : « La sobriété énergétique, de gré ou de force ? ». Parmi eux, Marc-Antoine EYL-MAZZEGA, directeur du Centre Energie et Climat de l’IFRI, Antoine DE BROVES, responsable technique et innovation d’OMEXOM, Stéphane BALY, membre de la Compagnie des NegaWatt, mais aussi conseiller aux énergies de la Mairie de Lille, et Benjamin TINCQ, fondateur et CEO du Good Tech Lab.

Le constat sonne désormais familier : nos modes de consommation, doublés de scénarios de développement linéaires, ne font pas bon ménage avec la crise écologique mondiale. En témoigne la hausse des émissions de GES liées à l’activité humaine et au recours généralisé aux énergies fossiles. En témoigne également l’accès devenu stratégique à ces mêmes ressources qui, chaque jour, s’amenuisent et favorisent les inégalités et tensions à l’échelle géopolitique.

C’est pourquoi, ces dernières décennies, les initiatives pour infléchir le cours du changement climatique vers une trajectoire d’1,5°C à 2°C se sont développées. Pour faire advenir « la transition énergétique », elles en appellent à une refonte des modèles d’offre, mais aussi de demande d’énergie et à une réflexion sur les infrastructures et les usages. En somme, la transition énergétique ne se fera pas seulement par le recours plus conséquent aux énergies renouvelables dans le mix énergétique mondial, mais aussi par des progrès en matière d’efficacité et par la sobriété énergétique, qui incite individus et entreprises à modifier leurs comportements.

« L’efficacité énergétique va jouer un rôle majeur »

L’Union Européenne s’est fixée un objectif ambitieux : celui de la neutralité carbone à l’horizon 2050. Pour y parvenir, il lui faudra accélérer ses efforts en matière de transition et faire baisser d’au moins 50% la consommation énergétique finale européenne d’ici 2050. C’est précisément sur ce point que l’efficacité énergétique peut beaucoup.

Comme le note Marc-Antoine EYL MAZZEGA, « En réalité l’efficacité énergétique est quelque chose de dilué, de relativement invisible et, pourtant, il s’agit d’une étape essentielle. Le problème des dirigeants réside dans le fait qu’il est beaucoup plus facile de mettre en place des politiques du côté de l’offre et bien plus complexe de les développer du côté de la demande, puisque cette dernière est très décentralisée. »

Il est également difficile d’évaluer avec précision quelle sera la demande en 2050. Un point sur lequel l’efficacité énergétique est essentielle puisqu’elle favorise le dimensionnement au plus juste du système productif, limitant ainsi les risques de sous- ou de sur-investissements dans les capacités de production et les réseaux de transmission et de distribution. Même constat pour le stockage dont les technologies, très coûteuses, gagneront à être optimisées.

Marc-Antoine EYL MAZZEGA souligne ainsi que si « depuis 1990, l’UE est parvenue à économiser l’équivalent de la consommation annuelle d’énergie de l’Allemagne grâce aux politiques d’efficacité énergétique, il faudra faire beaucoup plus dans les années à venir et doubler les investissements et les efforts » en matière de transport, notamment, mais aussi au sein des bâtiments.

Ces technologies qui portent la transition

Et ces effort et investissements se concentrent principalement sur trois leviers. Le premier consiste à favoriser la diversification des sources d’énergies décarbonées et leur généralisation. Benjamin TINCQ, auteur de l’étude Emerging Trend de Leonard sur les « CleanTech » le constate : « Si les énergies renouvelables – hors hydroélectrique – restent minoritaires, leur développement semble proche d’un point d’inflexion. En effet, les coûts de l’éolien et, surtout, du photovoltaïque, ont chuté drastiquement ces 10 dernières années. Les installations de capacités suivent une courbe exponentielle, laissant entrevoir un déploiement accéléré dans la prochaine décennie, notamment dans les régions où le mix électrique est très carboné. »

Autant d’innovations stratégiques en matière de production d’énergie décarbonée dans un contexte où, comme le rappelle Marc-Antoine EYL-MAZZEGA, « la rivalité géo-économique entre les Etats-Unis, la Chine et l’UE est très forte sur les technologies bas-carbone à l’heure où les Chinois sont les champions incontestés du déploiement du solaire et de l’éolien on-shore et, les Européens, de l’éolien off-shore, voire demain de l’éolien off-shore flottant ».

Les deux autres leviers technologiques de la transition énergétique sont ceux de la maîtrise du stockage d’énergie et de la flexibilisation du réseau pour gérer l’intermittence du solaire et de l’éolien mais aussi adapter l’offre plus efficacement les variations de la demande. Du stockage de longue durée par voie thermique, chimique ou mécanique aux nouvelles générations de batteries, sans omettre les super-condensateurs et les solutions Grid Edge qui font entrer dans la réalité l’idée d’un réseau électrique décentralisé, distribué et transactionnel, les avancées sont nombreuses.

Un dynamisme palpable d’ailleurs chez les intégrateurs de solutions comme OMEXOM, qui accompagnent un marché de plus en plus dynamique. Interrogé sur ce point, Antoine DE BROVES note le recours accru aux Energy Management Systems, « en droite ligne avec le sujet de l’efficacité énergétique, nos actions permettent à nos clients de consommer une énergie plus verte au moment où le système électrique est le plus à même de supporter cette consommation ». Pour ce faire, OMEXOM propose clé en main un service d’étude et d’optimisation à l’échelle d’un quartier, d’une collectivité ou d’une zone en voie d’électrification en s’appuyant sur un dimensionnement au plus juste des énergies renouvelables, l’introduction de technologies de stockage pour pallier l’intermittence des ENR, l’amélioration et le pilotage des systèmes pour réduire les consommations et, enfin, l’optimisation des différentes briques techniques.

Et côté demande : que peut la sobriété ?

Comme le souligne Stéphane BALY, « pour infléchir la demande d’énergie, l’efficacité énergétique qui consiste à réduire la quantité d’énergie nécessaire à la satisfaction d’un même besoin, et la sobriété énergétique qui, elle, priorise les besoins énergétiques essentiels, sont tout à fait complémentaires et ces deux leviers permettent d’exploiter le plein potentiel de réduction de nos consommations énergétiques ». Le ton est donc donné : on résistera à la tentation de renvoyer les deux notions dos-à-dos pour explorer plutôt leurs complémentarités au service de la transition énergétique.

Marc-Antoine Eyl-Mazzega indique que l’UE, en passe d'atteindre ses objectifs 2020 en matière de décarbonation, doit à présent installer un leadership global pour lutter contre le changement climatique

En matière d’énergie, la sobriété se conjugue au pluriel et vise l’échelle individuelle comme celle des territoires. Sobriété dimensionnelle, mais aussi sobriété d’usage et sobriété coopérative ont pour ambitions respectives d’adapter les comportements en favorisant le juste dimensionnement des équipements et systèmes, mais aussi leur niveau et durée d’utilisation et d’exploitation, tout comme de développer l’organisation collective et la mutualisation des espaces.

« On sort ici du cadre de l’ingénierie et du recours exclusif aux technologies, car la société qui est engagée dans la sobriété tend à modifier ses normes sociales, ses besoins individuels, voire même ses imaginaires collectifs au profit d’une réduction volontaire et organisée », relève Stéphane BALY.  Des changements profonds qui sont pour la plupart régis par les choix collectifs instaurés à l’échelle nationale, mais aussi des collectivités et des entreprises. Et Stéphane BALY de souligner d’ailleurs en conclusion, « on voit la sobriété aujourd’hui comme quelque chose de subi. On réalise en réalité que c’est la précarité qui est subie et empêche souvent le passage volontaire à une sobriété choisie. Sur le territoire de Lille par exemple, un tiers des ménages sont en situation de précarité énergétique et la question de l’injustice de la répartition des consommations énergétiques est en ce sens incontournable».

Une donnée à méditer.

Crédit photo: Matthew Henry via Unsplash

Article publié sur Leonard - Vinci
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