Transition énergétique : quelle place pour les femmes ?

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CLER La rédaction

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484 Dernière modification le 18/11/2020 - 09:38
Transition énergétique : quelle place pour les femmes ?

Atout ou handicap ? Quatre femmes impliquées et inspirantes témoignent de leurs expériences.

Esther Bailleul

Conseillère de la secrétaire d’État à la biodiversité et ex-responsable de projets Énergies et territoires au CLER-Réseau pour la transition énergétique

« Des différences de traitement entre femmes et hommes » 

« J’ai beaucoup réfléchi à cette question. Dans ma pratique professionnelle, je doute régulièrement de ce que je fais et me remets beaucoup en question. Est-ce lié à ma personnalité, mon genre, au fait que je suis jeune, ou pas ingénieure ? Dans les faits, j’ai constaté à plusieurs reprises des différences de traitement entre femmes et hommes, comme cette fois où j’intervenais à la radio pour le CLER-Réseau pour la transition énergétique, sur les questions de rénovation énergétique. L’animateur me coupait systématiquement la parole et me posait des questions personnelles (‘‘mais vous, vous avez déjà rénové une maison?’’), ce qu’il ne faisait pas avec les interlocuteurs masculins. Nous avons besoin de plus de femmes pour penser la transition. Sur les questions du logement, ce sont elles, avec les enfants, qui subissent le plus les désagréments des foyers mal isolés car elles y sont plus présentes, mais en général ce sont les hommes qui vont décider d’éventuels travaux. Il faut donc absolument qu’elles soient mieux au courant des programmes d’aides à la rénovation auxquels elles pourraient accéder et qu’on tienne compte de leur expérience. »

Célia Blauel

Adjointe à la maire de Paris en charge de la Seine, de la Prospective Paris 2030 et de la Résilience

« D’abord un handicap, ensuite un atout et une force »

« Être une femme lorsque l’on travaille sur les questions de transition et que l’on fait face aux gros du secteur, c’est d’abord un handicap puisque l’on n’est pas prise au sérieux. Je me suis souvent retrouvée dans des réunions où l’on me snobait. Il faut alors prouver que l’on s’y connaît, que l’on sait de quoi on parle. J’ai déjà entendu, de la part d’un homme : ‘‘c’est bien tu comprends les questions techniques’’. Ça devient ensuite un atout et une force, puisque l’on devient encore plus redoutable. Sur la question des élues aux postes de responsabilité, on n’est pas encore à la hauteur – Paris reste pour cela une exception. Il y a une difficulté pour les femmes jeunes à se lancer en politique, elles doivent parfois faire le choix entre carrière et maternité. Pour ma part, j’ai eu deux enfants ces trois dernières années et cela n’a pas posé de problèmes quant à mes fonctions, mais parce que j’ai eu la chance d’être soutenue par Anne Hidalgo. Même dans ce contexte favorable, la pression autour de moi a été forte, pour m’inciter à reprendre rapidement le travail notamment. Si l’on veut des femmes en responsabilité, il y a donc encore un travail important à mener autour de cette question dans notre pays !»

Claire Roumet

Directrice d’Energy cities

« Une ville résiliente sera plus vivable pour les femmes »

« Si l’on constate qu’il y a de plus en plus de femmes à des postes de management de la transition énergétique dans la fonction publique, c’est beaucoup moins le cas chez les acteurs privés de l’énergie, ce qui est problématique. Il n’y a pas assez de femmes dans les cursus d’ingénieur et on a besoin aussi de politiques proactives au niveau des entreprises pour s’assurer que les femmes accèdent à des postes de managers, et ne soient pas stoppées net par exemple au retour d’un congé maternité, ce que l’on voit souvent ici en France et qui paraît impensable dans d’autres pays comme la Suède ! Je crois que les réseaux sont importants, comme le Women Energy Club et le Women in Renewable Energy, qui rassemblent des femmes du secteur de l’énergie et leur permet d’être plus visibles. Par ailleurs, les politiques de transition énergétique peuvent participer à l’égalité de genre : une ville plus résiliente sera nécessairement plus vivable pour les femmes (avec tout à proximité, avec des infrastructures vélo pensées autrement qu’en termes de couloir de vitesse…), mais c’est aujourd’hui une question encore peu portée au niveau politique. »

Emmanuelle Wargon

Ministre déléguée auprès de la ministre de la Transition écologique, chargée du Logement

« Pour se lancer dans ce secteur, les femmes ont besoin de modèles »

 ll y a  de plus en plus de femmes dans les métiers de la transition énergétique. Et qui plus est des femmes à des postes à haute responsabilité. On peut citer Carole Le Gall, Virginie Schwarz, et bien d’autres encore … C’est important de le souligner, car il est vrai que c’est encore un secteur très masculin. Et pour se lancer dans les études d’ingénieurs et ces métiers, les femmes ont besoin de modèles. L’existence et la valorisation de ces modèles est essentielle. Les femmes ont leur place et un rôle à jouer mais il faut leur montrer que c’est possible. Et c’est d’ailleurs le cas dans tous les secteurs, et également en politique.  Au sein de mon cabinet, la parité est respectée. Je suis particulièrement attentive à ce point. Plus tôt dans ma carrière, quand j’ai été nommée secrétaire générale d’un ministère, il m’est arrivé de me retrouver seule femme au milieu de 40 hommes en réunion. Quand on est membre du gouvernement, et que l’on traite de sujets pointus comme la rénovation énergétique des bâtiments, c’est une raison de plus de montrer qu’une femme est capable, aussi bien qu’un homme, de porter des dossiers techniques."

Propos recueillis par Claire Baudiffier, journaliste et Stéphanie Cayrol, rédactrice en chef; et publiés dans Notre Énergie 129.

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