Taxe carbone, REPowerEu, COP15 : quelles avancées environnementales en cette fin d’année ?

Rédigé par

Amandine Martinet - Construction21

Journaliste

1246 Dernière modification le 22/12/2022 - 10:51
Taxe carbone, REPowerEu, COP15 : quelles avancées environnementales en cette fin d’année ?

Renforcer l’autonomie énergétique de l’Europe, préserver la biodiversité de la planète ou encore taxer le passage des produits les plus polluants aux frontières internationales : 2022 s’achève sur plusieurs décisions inédites se voulant en faveur de la transition écologique en Europe et dans le monde. Décryptage.

 

Un nouveau pas européen pour sortir du joug énergétique russe 


Ce n’est pas définitif, mais c’est en bonne voie. Mercredi 14 décembre au matin, les 27 pays membres de l’Union européenne – via les négociateurs du Parlement et du Conseil européen – ont trouvé un accord provisoire pour financer REPowerEU, un plan stratégique commun pour assurer l’approvisionnement de l’Union en énergie tout en se passant des importations de gaz, pétrole et charbon russes. 


Trois points cruciaux sont en ligne de mire de REPowerEU : diversifier les approvisionnements énergétiques de l’Europe, notamment en augmentant le recours aux énergies renouvelables pour se passer des énergies fossiles largement fournies par la Russie, mais aussi améliorer l’efficacité énergétique et la résilience des sociétés européennes pour optimiser l’usage des ressources, et enfin augmenter la capacité de stockage énergétique de l’UE. 


L’accord trouvé mercredi concerne le financement des mesures à adopter pour poursuivre les trois buts cités précédemment. La somme qui sera allouée aux Etats membres a été fixée à 20 milliards d’euros, répartis entre les différents pays en fonction “de leur taux de dépendance énergétique et de la part des combustibles fossiles dans la consommation intérieure brute d’énergie”* Les négociateurs se sont mis d’accord pour désigner les fonds qui fourniront les ressources nécessaires : 

  • Le Fonds pour l’innovation à hauteur de 60%, soit 12 milliards d’euros 
  • La concentration en début de période de la mise aux enchères des quotas du SEQE (Système d'échange de quotas d'émission de l'Union européenne) à hauteur de 40%, soit 8 milliards d’euros 

Nul besoin de préciser que les membres de l’UE devront utiliser ces fonds à bon escient. Concrètement, au moins 30% des fonds alloués devront servir à financer des projets énergétiques transfrontaliers : le transport de ressources vertueuses d’un pays à l’autre, par exemple. Le communiqué du Parlement indique également que toute nation souhaitant faire appel à des fonds supplémentaires devra le faire dans le but "d'inclure des mesures visant à économiser l'énergie, à produire de l'énergie propre et à diversifier les approvisionnements énergétiques". La transparence est également de mise, puisque chaque pays sera tenu de rendre publiques les 100 premiers bénéficiaires des investissements au titre de REPowerEU. 


Le Conseil et le Parlement européen doivent désormais donner leur accord et un vote en plénière devra ensuite être organisé pour que le texte convenu par les négociateurs soit adopté formellement et puisse entrer en vigueur. Chose qui devrait avoir lieu au début de l’année 2023. 


*Communiqué de presse du Parlement européen 

 

Réinventer le marché carbone de l’Europe


D’autres grands changements pour l’énergie ont eu lieu au niveau européen au cours de ces dernières semaines. En effet, il existe aujourd’hui des quotas d’émissions de gaz à effet de serre sur un marché dédié au niveau européen, appelé ETS, sur lequel les grandes entreprises énergivores achètent des sortes de "droits à polluer" à l’année. Une réforme du marché carbone conclue le 18 décembre dernier entend que ces quotas vont progressivement disparaître, forçant par la même occasion les industriels à baisser leurs émissions. Plus précisément, au moins 48,5% des "droits à polluer" seront supprimés d’ici à 2030, et leur arrêt total est prévu pour 2034. C’est le principe du pollueur-payeur qui est renforcé !


Ces fameux quotas seront remplacés par une une taxe carbone aux frontières des pays de l’UE, qui concernera les produits importés de pays extérieurs à l’Union et issus des secteurs les plus polluants tels que l'acier, le ciment, l'engrais, l'aluminium, l'hydrogène ou l'électricité, mais aussi les énergies fossiles. Les ménages français y verront une répercussion sur leurs dépenses plafonnée à 45 euros par tonne de carbone de 2027 à 2030 (ce surplus pourra être reporté à 2028 si la hausse des prix de l’énergie se poursuit). 


Ces mesures s’insèrent dans le fameux Pacte vert pour l’Europe ou "Green deal", le plan pour atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050. Là encore, les textes concernés doivent être approuvés par le Conseil et le Parlement européen d’ici au mois de février 2023 avant d’entrer officiellement en vigueur. 

 

Un accord historique pour conclure la COP15 ? 


La COP15 biodiversité à Montréal s’est achevée lundi 19 décembre sur "l’accord Kunming-Montréal", une entente de 195 Etats sur une vingtaine de mesures visant à protéger l’environnement. Parmi elles, on retient notamment les suivantes :

 

  • La création d'aires protégées sur au moins 30% de la planète, tant pour les surfaces marines que pour les surfaces terrestres. Actuellement, seuls 17% des terres et 8% des mers sont placés sous un tel statut de protection.
  • Une attention portée sur le fait que ces aires protégées ne soient pas préjudiciables aux peuples autochtones de la planète
  • Un accord sur le fait de restaurer 30% des écosystèmes mondiaux dégradés par l’Homme
  • L’objectif de réduire de 50% les impacts des pesticides sur la planète
  • Augmenter les investissements pour la protection de la nature en les portant à 20 milliards de dollars par an à partir de 2025 puis 30 milliards d’euros par an à partir de 2030 – cette année, ce montant était égal à 10 milliards d’euros. 
  • En finir avec les extinctions d’espèces animales et végétales menacées par l’activité de l’Homme. Aucun objectif chiffré n’a cependant été décidé à ce jour sur ce point. 

Il s’agit d’engagements sans précédents – et relativement inattendus à ce stade – en faveur de la préservation de la nature. Si certains ont choisi de saluer franchement cet accord, à l’image d’Ursula von der Leyen pour qui il représente "une feuille de route pour protéger et restaurer la nature" venant compléter l’Accord de Paris ou le ministre Christophe Béchu l’ayant qualifié "d’ambitieux" et "pas au rabais", d’autres soulignent qu’il reste insuffisant au regard des enjeux environnementaux actuels. C’est notamment le cas du président de l’association Avaaz, Bert Wander. Enfin, il n’est pas inutile de rappeler que l’ensemble de ces décisions ne correspondent qu’à des incitations et non des obligations juridiquement contraignantes pour les Etats. La pression sera grande quant à leur bonne mise en œuvre, surtout après le cuisant échec des objectifs fixés pour la décennie précédente – les objectifs d’Aichi (2010-2020) – qui avaient permis d’atteindre seulement 6 critères de réussite sur 60.

 

Article rédigé par Amandine Martinet pour Construction21

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