Sécheresse hivernale : 4 chantiers prioritaires pour sauver l’eau

Rédigé par

Olivier Lamarie

Président Directeur Général France / BeLux

1235 Dernière modification le 22/03/2023 - 10:22
Sécheresse hivernale : 4 chantiers prioritaires pour sauver l’eau

Nous vivons un hiver sans précédent, avec déjà plusieurs départements en alerte sécheresse renforcée depuis mi-février, et des niveaux de précipitations historiquement bas. De quoi susciter une inquiétude généralisée sur l’été 2023 à attendre, quand on sait que plus de 100 communes avaient déjà dû être approvisionnées par citerne en eau potable l’été dernier en raison de la sécheresse.

De quoi également nous faire prendre conscience, qu’en France aussi, l’eau n’est plus un acquis, et qu’il nous faut de toute urgence apprendre à mieux la gérer pour mieux la préserver. Le gouvernement y travaille, avec un plan de sobriété pour l’eau attendu d’ici quelques jours.

Mais d’un point de vue plus structurel, le secteur de l’eau doit également accélérer sa transformation, à travers 4 chantiers prioritaires :

1. Lutter contre les fuites

Aujourd’hui en France, le rendement moyen du réseau d’eau potable est d’à peine 80%, c’est-à-dire qu’1 litre d’eau potable sur 5 en moyenne n’arrive jamais jusqu’au robinet de l’usager. Une perte estimée à environ un milliard de mètres cube d’eau par an, et une situation qui risque malheureusement de se dégrader encore dans les années à venir, notre réseau national étant largement vieillissant.

Les pouvoirs publics l’ont bien compris, et les Assises de l’eau ont permis, dès 2018, de porter une ambition forte de rénovation des réseaux d’eau, avec 41 milliards d’euros d’investissement envisagés sur la période 2019 – 2024. Plus récemment, le plan de relance, dans son volet écologie – biodiversité, prévoit, lui, d’affecter 220 millions d’euros vers l’eau1.

Mais au-delà de ces engagements, et dans un contexte général de forte pression sur les finances publiques, les collectivités doivent également interroger la rentabilité de leurs investissements pour la rénovation de leurs réseaux. Par exemple, pourquoi continuer à remplacer du tuyau au kilomètre, quand les dernières technologies permettent de repérer une fuite au millimètre près, ou même d’anticiper les points de rupture, pour agir en priorité sur les tronçons les plus fragiles ?  

2. Améliorer la performance énergétique des infrastructures

L’énergie consommée pour prélever, traiter et distribuer l’eau potable et pour collecter et traiter les eaux usées représente aujourd’hui 30 à 40 % des factures d’énergie des collectivités2.

Avec la flambée des prix de l’énergie, les collectivités devront également couvrir les coûts plus élevés de l’approvisionnement public en eau. La FNCCR s’alarmait déjà il y a un an du risque lié à la hausse des prix des réactifs et de l'énergie nécessaires à la potabilisation de l'eau et à la dépollution des eaux usées3. Avec l’amplification à moyen voire long terme de la crise de l’énergie, la situation risque de devenir de plus en plus critique.

Il est donc urgent de rendre les infrastructures moins énergivores. En modernisant les équipements des stations d’épuration et en adoptant les technologies dites « intelligentes », pour ajuster leur fonctionnement aux besoins réels du réseau en temps réel, les collectivités pourraient facilement gagner jusqu’à 30% d’économies d’énergie dans leur réseau d’eau4.

3. Développer la REUSE

Puisqu’il nous faut prendre conscience que désormais, chaque goutte d’eau compte, nous devons aussi étudier très sérieusement les solutions de réutilisation des eaux usées (REUSE), pour troquer notre modèle linéaire de consommation de l’eau – production / consommation / rejet – contre un modèle plus circulaire, qui permette de diminuer la pression sur la ressource.

Une démarche qui implique elle aussi un geste politique fort, car la France, en raison d’une règlementation très contraignante, ne réutilise aujourd’hui qu’à peine 1% de ses eaux traitées, contre 14% pour l’Espagne ou 90% pour Israël5.

Sur ce sujet, une opportunité majeure s’offre aux pouvoirs publics, avec la révision en 2023 au niveau européen de l’UWWTD (Urban Waste Water Treatment Directive), d’établir, dans la continuité de la directive sur l’eau potable, une feuille de route ambitieuse et de favoriser l’accès à ces solutions innovantes et durables.

4. Renforcer le numérique de l’eau

Les « Smart Technologies », basées sur les modèles de données et l’intelligence artificielle, sont en train de devenir des outils d’aide à la décision incontournables pour les acteurs de l’eau, comme ils le sont déjà dans beaucoup d’autres secteurs.

En France, si les infrastructures de production de l’eau sont pour partie déjà connectées et pilotées avec le numérique, les réseaux eux, ne le sont à ce stade que de manière très marginale. Or, l’équipement en capteurs de tous ces réseaux et des infrastructures associées, combiné au traitement de cette masse d’information (instantanée et historique), va à l’avenir nous aider à piloter en temps réel le système, tout au long du cycle de l’eau : prélèvement, traitement, transport, distribution, recyclage et restitution.

Ces quatre enjeux stratégiques pourraient se résumer en une bonne résolution que nous devrions tous prendre en 2023 : consommer moins et mieux l’eau. A la clé, aider les collectivités à réussir ce qui se présente comme l’un des plus grands défis des prochaines décennies : sauver l’eau.

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