Santé et sécurité au travail : les métiers du BTP à l’épreuve du changement climatique

Rédigé par

Amandine Martinet - Construction21

Journaliste

2233 Dernière modification le 27/04/2023 - 10:41
Santé et sécurité au travail : les métiers du BTP à l’épreuve du changement climatique

 


En 2023 est paru le nouveau rapport santé et sécurité au travail commandé par VINCI à sa plate-forme de prospective Leonard. Appelé « Santé, sécurité, prévention : risques émergents dans les métiers de la construction et de la gestion d’infrastructures », il alerte notamment sur un danger qui impacte les acteurs du secteur du bâtiment de façon croissante : le changement climatique. Le point sur la question avec Pierre-Yves Bigot, coordonnateur santé/sécurité du Groupe VINCI. 

Comme le rappelle le rapport d’une trentaine de pages élaboré par Leonard, les métiers de la construction sont soumis au plus haut niveau de risque d’accidents du travail. Cela représente à ce jour une moyenne de 56 incidents enregistrés pour 1 000 salariés, quand ce chiffre se situe autour de 34 accidents pour 1 000 salariés tous secteurs confondus. Surdités professionnelles, chutes de hauteur, maladies liées à l’amiante… Les dangers ne manquent pas dans des corps de métiers manuels, soumis au quotidien aux éléments extérieurs. Et depuis plusieurs années, une nouvelle tendance favorise l’émergence et l’accélération des risques : le changement climatique. 
 

Le changement climatique représente-t-il un facteur de risque pour les secteurs de la construction aujourd’hui ?

Pierre-Yves Bigot : Le changement climatique va entraîner des transformations à long terme pour toutes les organisations, et cela est particulièrement vrai pour le secteur du bâtiment. Notons qu’il faut tenir compte à la fois des aléas climatiques ponctuels — inondations, ouragans, etc. —, mais aussi des évolutions lentes comme la hausse des températures. C’est par une meilleure anticipation de ces effets que nous arriverons à adapter nos missions, et équiper nos salariés afin qu’ils évoluent sereinement dans leur travail. 
 

Pouvez-vous préciser de quels risques parle-t-on ? 

PYB : Le marché se dirige aujourd’hui vers la zéro artificialisation nette, ce qui va nous amener à travailler de plus en plus sur des projets de réhabilitation et de rénovation. Cela accélère l’exposition à certains risques que sont la méconnaissance et le manque de moyens pour identifier tous les éléments pouvant présenter des risques au départ d’un chantier (matériaux, réseaux, etc.), mais aussi une exposition accrue aux tensions sociales et incivilités auxquelles peuvent faire face les équipes dans certains projets de réhabilitation et rénovation énergétique. 

Nous devons également protéger nos collaborateurs contre les impacts potentiels des nouvelles ressources arrivant rapidement sur le marché et sur nos sites opérationnels. Aussi, il faut savoir intégrer en toute sécurité les nouvelles énergies avec l’identification des risques liés à l'utilisation de celles-ci et par la même occasion le développement d'une formation et d'un protocole adaptés. De la même manière, notre impact carbone nous pousse à faire évoluer nos pratiques, et notamment dans le développement et l'intégration en toute sécurité de nouveaux matériaux/produits. Il faut donc être vigilant quant aux nouveaux matériaux et s’assurer qu’ils ne sont pas nocifs sur le long terme.

Enfin, l’un des principaux facteurs de risque dans les métiers de la construction est la cohabitation sur une même plateforme d’engins et de personnes. La mécanisation va se poursuivre, avec la robotisation et des dispositifs de démultiplication de force qui apporteront des risques de cohabitation nouveaux.
 

Quels sont les différents leviers pour anticiper ces risques ?

PYB : Cela passe notamment par :

  • La mise en place d'outils de protection spécifiques des employés lors d'aléas climatiques, que ce soit les EPI, mais également l’équipement de certains outils digitaux qui peuvent aider à prévenir certains états comme les coups de chaleur, l’adaptation des horaires et une amélioration de la prévention avec une meilleure maîtrise de son environnement et de la prédiction des évolutions climatiques.
  • Un cadre réglementaire, technique et assurantiel sur les questions liées au réchauffement climatique, des normes sur les vêtements de chantier, des clauses contractuelles et assurantielles pour tout ce qui est radiation solaire et canicules. Ces facteurs doivent pouvoir, en France, être traités en intempéries.
  • Accepter qu’un chantier puisse être arrêté en cas de températures extrêmes.
  • Intensifier également les exigences sur les fiches données sécurité des matériaux en intégrant les effets combinés. En liaison avec les fournisseurs et les laboratoires bien sûr.
     

Pensez-vous que le secteur est aujourd’hui assez conscient de ces facteurs de risques ?

PYB : La prise de conscience est là, avec des actions aujourd’hui conduites notamment avec des plans d'aléas climatiques, notamment sur les canicules et les niveaux de radiations. Il y a également de larges études qui sont menées pour anticiper et contrer les problématiques qui pourraient être liées aux matériaux et aux poussières. Le travail réalisé permet de faire un état des lieux des sujets, pour être sûr que chaque risque est identifié et travaillé. Nous restons optimistes pour l’avenir. 

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