[Dossier Quartiers Bas Carbone] #3 - Saint-Julien-en-Genevois : premier quartier bas carbone de Haute-Savoie

10731 Dernière modification le 17/01/2020 - 12:02
[Dossier Quartiers Bas Carbone] #3 - Saint-Julien-en-Genevois : premier quartier bas carbone de Haute-Savoie

UrbanEra, la direction des Grands Projets Urbains de Bouygues Immobilier a remporté l’aménagement du quartier bas carbone de Saint-Julien-en-Genevois en Haute-Savoie, en proposant le 1er quartier avec cette caractéristique dans le Genevois Français. Ce projet ambitieux sur le plan environnemental s’inscrit dans une opération d’aménagement plus vaste : le projet de territoire Grand Genève 2016-2030. Astrid Rigout, Responsable du projet Urbain de Saint Julien en Genevois chez Bouygues Immobilier UrbanEra, et Bastien Chambéry, Directeur UrbanEra Grand Genève, mettent en lumière un projet novateur à l’échelle d’une ville dont la population ne dépasse pas les 16 000 habitants.

En quoi consiste l’opération que vous menez à Saint-Julien-en-Genevois ?

Il s’agit d’un projet tout récent, puisque nous avons appris notre désignation comme aménageur du quartier fin novembre 2019. L’opération, qui se déroulera sur 12 ans, consiste en la transformation du quartier attenant à la gare SNCF de la ville et du parking « Perly » situé un peu plus loin à la frontière suisse. Ce sont un peu plus de 6,5 hectares de terrains en friche qui vont être utilisés pour construire 60 000 mètres carrés plancher de bâtiments. 51 000 m2 sont destinés au logement, le reste se répartit entre un hôtel, un pôle médical, une crèche, des bureaux, des commerces, etc.

L’un des enjeux majeurs est de créer un quartier et par extension une ville où le poids de la voiture est en nette diminution, alors que, par définition, une gare est un lieu de convergence de ce mode de transport. La gestion du stationnement est donc essentielle, d’autant que l’opération prévoit de délocaliser le principal parking de la ville, situé sur le secteur Perly vers le Pôle d’Echange Multimodal en devenir situé dans le quartier de la gare. 

 En tant qu’aménageur, nous avons fixé quatre priorités programmatiques :

  • La mobilité pour laquelle nous avons travaillé avec l’AREP et TRANSITEC
  • La mixité à l’échelle des usages, mais aussi des types de logement. Le quartier offrira ainsi des logements libres, des logements en locatif social et du logement à prix maîtrisé. Sur ce dernier point nous allons notamment profiter des avancées du nouvel outil BRS qui permet de dissocier la prise en charge du foncier et celle de la construction.
  • Une architecture qualitative : sur le plan des matériaux, mais aussi du confort et des services offerts aux usagers
  • L’aspect bas carbone

Pour ce faire, nous nous sommes inspirés de la démarche BBCA, en analysant comment nous pouvions réduire l’empreinte carbone des habitants du quartier de 40% à l’horizon 2030 comme le préconisent les Accords de Paris. Cela implique de définir comment nous pouvons agir sur le déplacement des personnes et des marchandises, l’impact des bâtiments sur l’ensemble de leur durée de vie et les modes de consommation des biens.

La mobilité est un aspect important de ce projet, comment construit-on un quartier bas carbone avec une présence aussi forte de la voiture et des infrastructures qui en découlent ?

Le quartier bas carbone de Saint-Julien-en-Genevois est à la fois un lieu de vie et un pôle d’échange de mobilités. Sur ce dernier point l’enjeu est important puisque le quartier s’articule autour de la mobilité et participe à la refonte de l’offre à l’échelle du territoire. La première phase des travaux est d’ailleurs liée à l’arrivée du tramway fin 2023. Celui-ci permettra de rejoindre Genève en 30 minutes et sera complémentaire à la gare de ferroviaire, la gare routière, aux mobilités douces et amène nécessairement une réflexion autour de la voiture. Le choix de la municipalité a été de créer un quartier et une ville où les mobilités douces seront privilégiées. La ville est en effet un point de passage pour le trafic automobile. La création d’un pôle mobilité permettra d’éviter la traversée et, à l’échelle du quartier, nous avons donc travaillé sur les cheminements menant aux stationnements. La première proposition était de créer des parkings en silo sur la place qui sera créée proche du pôle d’échange multimodal. Finalement l’option retenue est que ce bâtiment participe davantage à la vie du lieu avec un hôtel et des commerces et que la plupart des places de stationnement soient souterraines. 500 d’entre elles seront destinées au pôle mobilité et le reste concernera du stationnement résidentiel. Afin de limiter les infrastructures routières et privilégier les espaces arborés, nous avons notamment relié la plupart des nappes de stationnement pour réduire le nombre d’entrées. Ces parkings proposent aussi des options de mobilité douce comme le vélo qui peuvent venir en relais.

L’enjeu est de concevoir une offre de stationnement qui corresponde à la réalité d’aujourd’hui tout en anticipant les usages de 2030. Ainsi, nous prévoyons que d’une voiture et demie en moyenne par foyer, nous passerons à une seule à cet horizon, ce qui permettra de mutualiser les places de stationnement résidentiel et celles destinées à l’activité du pôle mobilité. L’expérience suisse montre en effet qu’avec une forte présence du train, du tramway et des mobilités douces, les usages sont très différents de ce que l’on peut trouver en France actuellement.

A l’échelle du quartier l’aspect bas carbone passe aussi par le retour de la biodiversité.

Un cours d’eau existe déjà sur l’emplacement du futur quartier. Nous avons donc choisi de le renaturer et d’en transformer les usages. L’Arande est aujourd’hui destinée à réguler les flots lors de la fonte des neiges. Avec In Situ, l’agence en charge de la conception  des aspects paysage et biodiversité du projet, nous avons décidé d’en transformer les berges pour des usages récréatifs, de jardinage et de réintroduction de la biodiversité. Partant de là, la nature s’étale dans le quartier et l’axe prioritaire a été de conserver un parc ouvert au public, plutôt que de créer des jardins privés.

A Saint-Julien-en-Genevois, nous ne sommes pas dans un espace à forte densité, l’aspect ilot de fraicheur n’est donc pas primordial. L’important était de créer un espace propice à la balade dans un lieu renaturé qui fait suite aux aménagements destinés aux mobilités douces. Les négociations lors de la phase de consultation avec les collectivités ont permis de valider la réalisation d’un parking PEM totalement enterré, afin de faire revenir la nature dans une secteur qui est par ailleurs très minéralisé autour des espaces d’habitations.

Quant aux bâtiments, comment avez-vous géré l’aspect bas carbone ?

Ils feront appel au bois que ce soit dans la structure des planchers, murs ou façades et la recherche de matériaux biosourcés sera un plus. Néanmoins, nous voulions que cette démarche fasse sens dans la région et ne pas construire en bois pour construire en bois. Ce choix est le résultat de notre travail avec le Pôle Excellence Bois. Ce centre de ressources regroupe de nombreux acteurs de la filière en Savoie et Haute-Savoie, qu’ils soient exploitants, menuisiers, architectes et, dans une moindre mesure, maitres d’ouvrage. Ils ont participé à l’élaboration du projet avec nous et nous avons adapté les exigences aux caractéristiques du bois et aux compétences que l’on trouve sur place. Nous aurons donc des bâtiments avec de très bonnes performances environnementales, issues de filières courtes.

Sur l’aspect énergétique, la collectivité souhaite un large recours aux énergies renouvelables. Des projets ambitieux seront donc les bienvenus au sein des appels d’offres que nous allons lancer pour la construction des ilots.

Ce type de démarche est-elle reproductible ailleurs ?

Lorsque l’on s’intéresse à un quartier la question est toujours difficile. Néanmoins, il s’agit d’une démarche initiée par une municipalité de 15 000 habitants et il y a un grand nombre de villes de ce type en France. Il ne faut en revanche pas oublier que Saint-Julien-en-Genevois bénéficie de son intégration au sein du Grand Genève. Avoir la possibilité de construire un quartier autour d’un pôle mobilité dans une ville de 15 000 habitants qui bénéficiera d’un tramway est rare. D’autres aspects sont en revanche plus faciles à mettre en œuvre, comme les mobilités douces ou la biodiversité. Enfin, nous n’avons pas évoqué le réemploi de certains matériaux de déconstruction, qui ne sont pas nombreux à Saint-Julien-en-Genevois, ou celui des déblais. Cela nous parait aujourd’hui une évidence pour la voirie notamment ou le terrassement. Mais il est vrai que ce n’est pas toujours la règle. Dans sa globalité, Saint-Julien-en-Genevois se positionne donc comme un exemple à suivre dont les fortes ambitions pourront être reproductibles.

                          

Astrid Rigout, Responsable du projet Urbain de

Saint Julien en Genevois chez Bouygues Immobilier UrbanEra

Bastien Chambéry, Directeur UrbanEra Grand Genève

 
Propos recueillis par Clément Gaillard, Construction21 La Rédaction 

 

 crédit photo: AREP

 

Consulter l'article précédent :  #2 - « BBCA Quartier » : la voie vers le quartier bas carbone


           

Dossier soutenu par

Quartiers Bas Carbone

 

Quartiers Bas Carbone

Retrouvez tous les articles du dossier

 Quartiers Bas Carbone

Partager :