Rénovation énergétique performante : un levier pour agir sur le long terme

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CLER La rédaction

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703 Dernière modification le 15/11/2022 - 10:29
Rénovation énergétique performante : un levier pour agir sur le long terme

 

Sociologue chargée de la prospective du bâtiment et de l’immobilier à l’ADEME, Albane Gaspard décrypte les enjeux de la rénovation énergétique performante et nous explique pourquoi et comment elle doit accélérer. Elle co-signe, avec Andréas Rüdinger de l’IDDRI, l’étude « Réussir le pari de la rénovation énergétique », parue en mai 2022.


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La crise énergétique que nous traversons va-t-elle durer ?


Albane Gaspard : Il est difficile de prédire les évolutions géopolitiques et leurs impacts sur le prix de l’énergie. Ce qui est en revanche certain, c’est que le changement climatique exige à la fois de décarboner l’énergie et de réduire les consommations. Le dernier rapport du GIEC comme les scénarios de l’ADEME, du Shift Project, de négaWatt l’indiquent clairement. C’est également la direction que prennent la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) en cours de révision, ou le paquet de mesures européennes « Fit for 55 ». Qu’il s’agisse de réduire nos émissions de CO2 ou de sortir des énergies fossiles, la première étape est bien la réduction de nos besoins énergétiques. Et cela passe par la rénovation énergétique performante du bâtiment. La flambée des prix de l’énergie en souligne cruellement la nécessité, d’autant qu’elle frappe le plus durement les ménages les moins bien logés. 

 

Quel est le bilan des politiques publiques de rénovation énergétique ?


A.G. : Il est nuancé. D’après les conclusions de l’enquête TREMI qui dresse le bilan des travaux et des aides à la rénovation énergétique des logements entre 2016 et 2019, la plupart des ménages ayant rénové sont satisfaits de leurs travaux. Mais à regarder de près ces travaux réalisés dans les 3,1 millions de maisons, soit 19 % du parc de maisons individuelles, on réalise que les gains de performance sont très inégaux, et surtout que ces travaux portent majoritairement sur des changements de système de chauffage. Même dans l’habitat collectif social, où une étude de l’Agence nationale de contrôle du logement social indique que 10% du parc a fait l’objet d’une rénovation ces 5 dernières années, le bilan est à pondérer. Seul un quart de ces rénovations a abouti à des étiquettes de diagnostic de performance énergétique (DPE) A ou B.

On le voit, il est difficile à l’heure actuelle de tenir le double défi de la « massification » de la rénovation : volume et performance. L’ordre dans lequel on rénove est crucial, et rénover par mono-geste (par exemple changer d’abord sa chaudière avant d’isoler) peut finalement s’avérer inefficace et plus onéreux que de viser le niveau de performance BBC-rénovation en bénéficiant d’accompagnement et en planifiant les travaux. 

 

Quels sont les principaux freins ?


A. G. : Il y a trois freins à lever : la représentation de ce qu’est un logement performant, la mobilisation des volumes de financement à engager et enfin la structuration d’une filière de travaux et d’accompagnement de ces travaux.

La question de la représentation est une bataille culturelle. Les médias doivent davantage évoquer les questions d’énergie, de performance mais aussi de sobriété. Sur les volumes de financement, les travaux d’I4CE montrent que la trajectoire de référence de la SNBC prévoit un besoin d’investissement de 13,7 milliards d’euros annuels entre 2019 et 2023,  et de 30 milliards d’euros en 2023, pour atteindre un parc de logements bas carbone à l’horizon 2050. Les dépenses actuelles, de l’ordre de 15 milliards par an semblent répondre à ce scénario. Mais elles correspondent à des travaux de toutes natures et menés en ordre dispersé. Pour atteindre le niveau basse consommation indispensable à l’atteinte de l’objectif, il faudrait un budget annuel de 24 milliards par an ! L’investissement annuel  de la rénovation énergétique performante est aujourd’hui de 500 millions d’euros. Nous sommes très loin du compte.

Enfin, nous n’avons pas de chiffrage sur les besoins en équivalents temps plein d’une rénovation d’une ampleur compatible avec les scénarios bas carbone. Nous ne savons pas quantifier les formations nécessaires. Il faut mobiliser les organisations professionnelles pour aider à l’acquisition de nouvelles compétences de rénovation globale et surtout disposer des ressources pour accompagner les ménages. 

Le sujet des copropriétés est aussi un enjeu important. La loi Climat et Résilience va interdire les passoires thermiques à la location. Il faut donc imaginer rapidement des dispositifs permettant à leurs propriétaires de pouvoir les isoler efficacement, par exemple avec une isolation extérieure, ce qui nécessite aujourd’hui l’approbation d’une assemblée générale parfois compliquée à obtenir… 

 

Comment accélérer ?


A.G : Il faut transformer les trois freins en leviers : parvenir à changer le regard sur la performance énergétique, être en capacité de financer la rénovation énergétique performante et disposer de professionnels pour accompagner les ménages et mener des travaux efficaces. Alors qu’aujourd’hui la plupart des aides sont accordées pour des gestes qui ne conduisent pas nécessairement à une rénovation énergétique performante, il faudrait également les réorienter vers une rénovation globale, planifiée et accompagnée. La création d’une garantie de performance sur une rénovation labelisée BBC serait sans doute de nature à rassurer les ménages et à les inciter à réaliser des travaux. 

Enfin, il faut désormais relier, dans le cadre de rénovations énergétiques les questions d’adaptation au changement climatique et d’atténuation de ses effets. Les instrumentations effectuées dans le projet Perf in Mind sur des maisons individuelles rénovées BBC ont montré une bonne performance en terme de confort d’été, mais le changement climatique a d’autres impacts sur le bâti, comme, par exemple, les retraits/gonflements d’argile. On ne peut pas mener de rénovation ambitieuse sans prendre en compte tous ces aspects. 

 

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