Rénovation des bâtiments tertiaires publics et privés : il n’y a plus de temps à perdre !

Rédigé par

CLER La rédaction

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2089 Dernière modification le 29/11/2018 - 11:04
Rénovation des bâtiments tertiaires publics et privés : il n’y a plus de temps à perdre !

Depuis le Grenelle de l’Environnement, la France annonce qu’elle va réduire la consommation énergétique dans les bâtiments tertiaires publics et privés (responsables du tiers de la consommation totale des bâtiments), mais aucune réglementation n’a été mise en place: il a fallu 8 ans pour adopter un décret, suspendu au bout de quelques semaines par un recours au Conseil d’État. Diverses initiatives ont vu le jour et la loi ELAN adoptée cet automne pose le cadre pour un nouveau texte, en cours de préparation. Que peut-on en attendre ?

2010-2017 : Des objectifs ambitieux, mais pas de réglementation pour les mettre en œuvre

La loi Grenelle de 2010 prévoyait une « obligation de travaux », pour rénover le parc de bâtiments tertiaires (publics et privés) entre 2012 et 2020. Un décret devait venir préciser les modalités de mise en œuvre de cette obligation, en vue de réduire de 25% la consommation d’énergie des bâtiments concernés. Lors de l’adoption de la Loi de Transition Énergétique (LTECV) en 2015, ce décret n’était toujours pas paru. La LTECV maintient cependant l’obligation de rénovation, pour atteindre une baisse de 60% des consommations des bâtiments tertiaires en 2050 (par rapport au niveau de 2010), avec des points de passage intermédiaires (25% en 2020, 40% en 2030, 50% en 2040).

Le décret « tertiaire » pour la mise en œuvre de cette obligation n’est finalement publié qu’en mai 2017. Il exempte 80% du parc tertiaire et impose la remise avant le 1e juillet d’une étude énergétique fixant les consommations de référence, accompagnée d’un programme des travaux à réaliser d’ici 2020. Ces délais de réalisation, jugés trop courts par les acteurs du commerce, de l’hôtellerie et de la grande distribution, motivent largement l’annulation du décret par le Conseil d’Etat en juillet.

Entretemps divers outils et initiatives sont lancés dans le tertiaire comme le « bail vert » (2011) et la « charte tertiaire » animée par le Plan Bâtiment Durable (2013), tandis que d’autres acteurs se concentrent sur la réalisation de rénovations de bâtiments tertiaires au niveau BBC (Effinergie par exemple) .

L’action du nouveau gouvernement pour les bâtiments tertiaires : des travaux de rénovation pour 2020 aux gestes d’économie d’énergie pour 2030

L’arrivée en 2017 du nouveau gouvernement coïncide donc avec la suspension du décret tertiaire, suivie par la réécriture du cadre législatif de réduction des consommations d’énergie pour ces bâtiments. Pendant l’hiver 2017-2018, la consultation sur le « plan de rénovation énergétique des bâtiments » met en avant un certain nombre d’initiatives (dans les centres administratifs, les écoles), de financements (€4,8Mds pour les bâtiments publics de l’État et des collectivités, déjà existants dans le cadre du Grand Plan d’Investissement) et d’outils pour le tertiaire. Des milliards seront ainsi alloués à la mise en œuvre de mesures, souvent présentées comme innovantes, dans l’attente d’un nouveau cadre législatif et réglementaire.

Le projet de loi « portant Évolution du Logement, de l’Aménagement et du Numérique » (ELAN) présenté au printemps 2018 introduit la possibilité de modulation d’effort par type de bâtiment, supprime le point de passage « – 25% en 2020 » pour ne plus cibler que 2030 et remplace l’« obligation de travaux » par des « actions de réduction de la consommation ».  A l’issue du volet législatif (article 175 loi ELAN), le début en octobre des travaux sur un nouveau décret tertiaire, sous le pilotage conjoint des ministères de la cohésion des territoires et de la transition écologique et solidaire, doit permettre de préciser les choses – dans un contexte plus large de bouleversement du code de la construction (loi ESSOC « pour un État au Service d’une Société de Confiance ») et de la réglementation thermique (qui doit devenir « réglementationenvironnementale » en 2020 pour intégrer notamment l’analyse en cycle de vie des bâtiments).

Le décret tertiaire favorise de nouvelles approches des économies d’énergie, dont il doit garantir un suivi efficace et des résultats à la hauteur des objectifs poursuivis

Sans préjuger de l’issue des travaux réglementaires, on peut tout de même craindre que la suppression du terme « travaux » oriente les gestionnaires et occupants de bâtiments tertiaires vers des « actions de réduction des consommations », qui peuvent sembler rentables à court terme mais ne doivent pas se substituer aux investissements dans des travaux de rénovation indispensables pour générer des économies d’énergie massives et durables – comme l’individualisation des frais de chauffage, qui repose entièrement sur la modification des comportements des occupants pour générer des économies d’énergie dans les copropriétés équipées de chauffage collectif, renvoyant à plus tard la rénovation de l’enveloppe.

Il est aussi prévu que les consommations d’énergie finale des bâtiments concernés devront, à compter du 1e janvier 2020, être transmises sur une plateforme informatique gérée par l’ADEME et publiées de manière anonymisée. Il sera alors important que ces données puissent être présentées et discutées de façon transparente chaque année (un colloque national et des journées d’information en région sont envisagées) pour prendre acte du rythme des progrès réalisés, de l’intérêt des solutions mises en œuvre, et de l’éventuelle nécessité de mesures alternatives ou complémentaires.

Compte tenu du retard invraisemblable accumulé par la France en matière de rénovation des bâtiments (tertiaires en particulier) d’une part, et de l’ambition affichée pour lutter contre le changement climatique d’autre part, il sera en effet essentiel de suivre de près les économies réalisées dans le cadre de ce nouveau décret pour vérifier qu’elles permettent d’atteindre l’objectif de 40% de réduction des consommations totales du parc de bâtiments tertiaires pour 2030. On pense particulièrement au patrimoine public, qui représente un peu plus du tiers du parc tertiaire (100Mn m2pour l’État et ses opérateurs, 280Mn m2 pour les collectivités) et devrait montrer l’exemple. 

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