#11 - RE2020 : quels impacts pour les systèmes énergétiques dans le résidentiel ?

Rédigé par

Emmanuelle Brière

Chef de projet PEP

4512 Dernière modification le 20/06/2022 - 00:00
#11 - RE2020 : quels impacts pour les systèmes énergétiques dans le résidentiel ?

La RE2020 s’applique depuis le 1er janvier 2022 pour les maisons individuelles et le logement collectif. Cette nouvelle réglementation comprend des évolutions importantes et des nouveautés qui ont un impact sur le choix des équipements dans les futurs bâtiments. Cet article présente un tour d’horizon des principales évolutions et des conséquences sur les équipements.

De nouveaux paramètres liés à l’impact Carbone :

C’est la grande nouveauté de la RE2020 : la prise en compte de l’impact en émissions de Carbone sur le cycle de vie du bâtiment, de sa fabrication à sa déconstruction, pour une durée de vie de référence égale à 50 ans. Ces impacts sont de deux types : d’une part les émissions de carbone liées aux consommations d’énergie, d’autre part les émissions de carbone des composants (enveloppe et équipements). Ces deux types d’impact peuvent de niveau de valeur équivalent, ils sont exprimés en kg de CO2/m²

  • Concernant les impacts carbone, ils sont de 2 types ;
  • Ces impacts sont considérés sur la durée de vie du bâtiment : 50 ans ;
  • Ils peuvent être de même niveau selon l’énergie.

L’impact Carbone des consommations d’énergie

Cet impact Carbone, qu’on appelle également « émissions de gaz à effet de serre dues aux consommations d’énergie » s’obtient en multipliant, pour chaque type d’énergie, l’énergie consommée par an par son facteur d’émission.

Avec des consommations d’énergie en kWh/m².an et des facteurs d’émissions en kgCO2/kWh, On obtient des kg CO2/m².an

Les facteurs d’émission sont différents selon le type d’énergie (voir tableau)

À noter : le facteur d’émission de l’électricité a été évalué selon la méthode « mensualisée par usage », il est variable selon l’utilisation (chauffage, ECS, éclairage, …).

Pour avoir les impacts en Carbone de l’énergie sur le cycle de vie du bâtiment, on rapporte le résultat à 50 ans avec une méthode dynamique qui prend en compte le fait que l’impact CO2 diminue avec le temps ; au final on multiplie l’impact annuel par environ 40 pour avoir les impacts sur 50 ans, pour obtenir un impact en kg CO2/m²

Quelles exigences pour les impacts carbone des consommations d’énergie ?

Les exigences sur les impacts Carbone des consommations d’énergie sont applicables depuis le 1er janvier 2022 pour le résidentiel. Elles distinguent la maison individuelle et le logement collectif.

Pour la maison individuelle, du fait qu’il y avait une obligation d’énergie renouvelable en RT2012, les pouvoirs publics ont jugé qu’on pouvait avoir tout de suite une exigence forte : elle est de 4 kg de CO2/m².an dès 2022.

Pour illustrer l’impact sur les équipements utilisables, pour une maison avec une enveloppe conforme RE2020 :

  • PAC Double Service = un peu moins de 2 kg CO2/m².an
  • Chaudière gaz+CET= 6 kg CO2/m².an
  • Chaudière gaz+PV=9 kg CO2/m².an

La chaudière gaz associée avec un chauffe-eau thermodynamique ou à un chauffe-eau solaire ne permet pas de passer l’exigence.

Cela signifie qu’une part importante de chaleur renouvelable doit être utilisée, et pas seulement pour uniquement la production d’eau chaude sanitaire ou le chauffage. On va donc retrouver des pompes à chaleur assurant le chauffage et l’ECS ou du chauffage à base de biomasse (pouvant être l’association d’un poêle et de radiateurs à Effet Joule dans les pièces de nuit) associé à un chauffe-eau thermodynamique. La PAC hybride devrait pouvoir être utilisée avec un apport de la PAC sur le chauffage et sur l’ECS.

Pour le logement collectif, du fait qu’il n’y avait pas d’obligation d’énergie renouvelable en RT2012, deux étapes sont considérées :

  • En 2022 : 14 kg CO2/m².an
  • En 2025 : 6,5 kg CO2/m².an

À titre d’exemple, avec un bâtiment ayant une enveloppe conforme RE2020, les résultats obtenus selon les équipements sont les suivants :

  • chaudières gaz individuelles = 10 kg CO2/hem².an
  • PAC collective double Service = moins de 2 kg CO2/m².an

Il y a donc peu d’impact en 2022 mais un impact important en 2025 où le chauffage gaz seul pour le chauffage et l’ECS, n’est plus possible. 

Quelles conséquences des seuils Carbone-Energie pour les équipements ?
Il est utile de rappeler les moyens d’agir sur l’impact carbone des consommations d’énergie :
- 1ere possibilité : en réduisant les besoins, avec le renforcement la performance de l’enveloppe (du Bbio) on baisse ainsi les besoins et les consommations de chauffage, ce qui baisse les émissions de carbone
- 2e possibilité : via les consommations d’énergie des équipements : selon leur performance et selon le type d’énergie qu’ils utilisent, on peut baisser les émissions de CO2, de manière importante via le recours à la chaleur renouvelable

En maison individuelle : il va être nécessaire de recourir à plus de chaleur renouvelable, que ce soit  uniquement pour la production d’eau chaude sanitaire ou pour le chauffage tout en faisant appel à de l’énergie faiblement carbone en complément. La pompe à chaleur est la solution phare.

En logement collectif :

  • En 2022 : pas ou peu d’impact sur les équipements, le niveau retenu est assez élevé pour permettre, la plupart du temps, aux solutions de chaudières gaz seules qui étaient prépondérantes en RT2012, d’être toujours éligibles
  • En 2025 : il y a obligation de recourir à de la chaleur renouvelable. Ainsi, des solutions hybrides qui couplent chauffage gaz et PAC pour l’ECS sont nécessaires ; les solutions PAC pour le chauffage et l’ECS, respectent largement les exigences en Carbone Energie.

De nouvelles solutions PAC sont développées par les industriels pour répondre à ce besoin en logement collectif. Elles comprennent :

  • Des PAC collectives air/eau ou géothermiques : pour la production d’ECS seule, pour le chauffage ou pour les deux ; les PAC peuvent être installées en cascade afin d’obtenir la puissance requise
  • Des solutions individuelles PAC air/air ou PAC air/eau ; on trouve alors des solutions gainables ou des unités extérieures pour lesquelles il faudra être attentif à leur intégration.
  • Des solutions mixtes collectif/individuel : avec une boucle de chaleur collective à basse température et des PAC eau/eau par appartement pour relever le niveau de température pour le chauffage et l’ECS

L’impact Carbone des composants du bâtiment (produits de construction et équipements)

La réglementation impose le calcul de l’impact carbone construction qui regroupe l’impact Carbone des composants et l’impact Carbone du chantier.

L’évaluation de l’impact Carbone des composants nécessite une ACV (analyse de cycle de vie) du bâtiment (voir schéma), sur la durée de vie de référence du bâtiment (50 ans), pour les produits de construction et les équipements.

Cela implique d’utiliser des données environnementales pour les composants et les équipements du bâtiment.

Les impacts Carbone des composants sont répartis en lots selon le type de matériaux ou d’équipement. Les équipements du génie climatique sont dans le Lot8 dédié aux équipements CVC (Chauffage Ventilation Refroidissement ECS).

Le Lot 8 est décomposé en sous-lots :

  • 8.1 : production de chaleur/froid (générateur et ballon)
  • 8.2 : Systèmes de cogénération
  • 8.3 : Systèmes d'émission
  • 8.4 : Traitement de l'air et éléments de désenfumage
  • 8.5 : Réseaux et conduits
  • 8.6 : Stockage (de combustibles)
  • 8.7 : Fluides frigorigènes

Certains sous-lots doivent obligatoirement être détaillés : il s’agit des sous-lots 8.2 à 8.4 et de 8.7

D’autres peuvent être forfaitisés. Il s’agit du lot 8.1 pour les équipements CVC. Toutefois, l’utilisation d’un forfait est pénalisante par rapport à des valeurs détaillées par équipement.

Ensuite, pour les valeurs détaillées, il y a 2 possibilités :

  • Soit l’équipement dispose de données environnementales (= d’un PEP) : ce PEP peut être collectif, c’est-à-dire commun à plusieurs industriels pour des produits de même type ; soit il est individuel, propre à un fabricant
  • Soit l’équipement ne dispose pas de PEP, alors il faut utiliser une Donnée Environnementale par Défaut (DED) qui est pénalisante par rapport par rapport à un PEP

Les données environnementales sont présentes dans la base Inies, qui est la base de référence pour la RE2020.

Les exigences sur l’impact Carbone des composants sont progressives et se renforcent tous les trois ans : 2022, 2025, 2028, 2031.Elles sont également modulées selon le nombre de DED utilisées. Ainsi, à partir de 2028, l’utilisation de valeurs par défaut sera pénalisée, obligeant à utiliser des PEP pour les équipements CVC.[AD1] 

Les règles d’extrapolation pour disposer des données environnementales pour tous les produits d’une gamme.
Qu’ils soient individuels ou collectifs, les PEP proposent pour la plupart des équipements des règles d’extrapolation. Le PEP étant produit pour un produit moyen dans une gamme, les règles d’extrapolation permettent de calculer les impacts pour les autres produits de la gamme, via des coefficients d’extrapolation.

Ces règles d’extrapolation sont actuellement disponibles via un fichier Excel mais seront prochainement mises à disposition au format xml dans la base Inies.

Des sortes de configurateurs, plutôt appelés « extrapolateurs », sont à l’étude pour faciliter la disponibilité des données environnementales.

L’impact des fluides frigorigènes pour les équipements thermodynamiques :

Les fluides frigorigènes utilisés dans les équipements thermodynamiques ont un impact non négligeable, que l’on mesure avec leur PRP (pouvoir de réchauffement planétaire). A titre d’exemple, pour une maison individuelle équipée d’une PAC assurant le chauffage et l’ECS, l’impact Carbone-composant du fluide peut atteindre 35 kg CO2/m² avec le R410a, très largement utilisé actuellement pour ce type de PAC. Cela représente environ 20% de l’impact de tout le lot CVC. Cet impact peut être réduit à 12 kg CO2 (soit 8% du lot CVC) en utilisant un fluide à impact moyen, voire proche de 0 avec un fluide à faible impact.

Les industriels développent peu à peu des solutions avec des fluides à plus bas PRP,  comme le R32, qui est déjà majoritaire pour les PAC air/air ou le propane qui commence à se développer.

 

Valérie Laplagne, responsable chaleur renouvelable et chef de projet PEP à Uniclima


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