Ré-énergiser villes et territoires

1970 Dernière modification le 25/04/2022 - 09:39
Ré-énergiser villes et territoires

Passer de spectateurs à acteurs de la transition énergétique

Aujourd’hui, la simplicité technique d’acheter des panneaux solaires PV chez Ikea, de fabriquer sa micro éolienne avec des tutoriels vidéos ou de remplacer son barbecue par un cuiseur solaire thermique, contraste trop souvent avec un cadre juridique et fiscal freinant le développement des ENR, particulièrement en ville. Dans un monde qui ne tourne plus si rond, les principes de l’économie circulaire appliqués à l’énergie deviennent pourtant plus que jamais une réalité. Le futur de l’énergie s’inscrira dans la généralisation de circuits courts où chaque territoire, pour développer sa résilience et son développement économique, voudra maximiser l’exploitation de son potentiel de production en déployant des boucles locales multi énergies. Cet appétit des citoyens, des entreprises et des collectivités s’inscrit dans une volonté pour tous de se réapproprier la question énergétique, et de rendre concret sa volonté d’être un acteur et non plus un spectateur de la transition énergétique. 

Faire des énergies renouvelables des étendards de l’engagement des territoires 

Les énergies renouvelables ont cette puissance symbolique de rendre palpable et visible cette transformation de nos systèmes énergétiques plus fortement que nos nécessaires et complémentaires actions de sobriété et d’efficacité énergétique. Ce développement des ENR devra se faire en cohérence avec des démarches de transition ambitieuses plus larges. Une ville ou un village bas carbone c’est rénover nos bâtiments, réinventer nos mobilités, repenser nos mix matériaux, manger mieux et se fournir en énergies renouvelables, autant que possible d’origine locale. Nos enfants dessinent plus facilement dans leurs cahiers des panneaux solaires ou des poêles à bois que des plaques d’isolants ou des thermostats... Les ENR sont un élément essentiel des nouveaux imaginaires urbains et des projets réels dans de plus en plus de territoires engagés. Développons des centrales énergétiques urbaines, tout comme nous développons aujourd’hui des fermes urbaines :  la production énergétique comme agricole est de retour en ville, elle donne à voir de façon tangible les transformations que nous souhaitons engager à tous. Comprendre et consommer ce que l’on a soi-même produit : consommer demain les électrons et calories que l’on a soit même produit se fera avec la même la satisfaction que celle de manger les légumes de son propre potager.

Penser de façon urbanistique nos futurs énergétiques citadins et se questionner

Promouvoir les énergies locales ne doit pas s’improviser, mais doit s’intégrer dans une vision globale, centrée sur un nécessaire équilibre de l’offre (production) et de la demande (consommation) à l’échelle des territoires. Planifions ce développement de la même façon que l’on structure d’un point de vue urbanistique l’emplacement des zones de logements, d’activités économiques et les infrastructures de transport. Mettre en œuvre une stratégie énergétique locale soulève néanmoins de nombreuses questions complémentaires auxquelles collectivités et aménageurs doivent répondre avec rigueur, méthode, vision long terme et considérations économiques. 

Comment apprécier et réduire efficacement les besoins énergétiques du territoire ? Comment évaluer les consommations locales : immédiates et futures ? Par quels moyens organiser physiquement et contractuellement ces circuits courts des énergies (réglementaires, économiques, gouvernance) ? Quel développement coordonné des différents vecteurs énergétiques : gaz, chaleur, froid, électricité, hydrogène, pour optimiser leurs réseaux les uns en regard des autres ? Quels rôles pour les acteurs publics, acteurs privés et citoyens ? Quel partage de responsabilités entre collectivités locales à différents échelons et Etat ? Comment passer de « freiner » à « cadrer » le développement des ENR en ville pour qu’il soit cohérent et harmonieux ? Les défis sont nombreux et passionnants pour passer du « projet symbolique » à des « projets nombreux » contribuant à un territoire qui auto-produit / auto consomme une part très significative de ses besoins.

Combiner production énergétique et mobilisation citoyenne pour revitaliser les territoires

Beaucoup de ces projets ont des co-bénéfices qui dépassent très largement les questions énergétiques. Celui de créer de nouveaux liens entre les habitants, qui se mobilisent autour de ces actions concrètes reconnectant leurs immeubles, l’école de leurs enfants, des commerces ou des bureaux pour revitaliser un quartier ou un village. Les territoires qui s’y engagent, ruraux ou urbains, sont de plus en plus nombreux à expérimenter des modes de faire nouveaux impliquant mieux les citoyens comme consomm’acteurs d’énergies. Le village de Prats-de-Mollo dans les Pyrénées-Orientales, une commune de 1000 habitants, a ainsi fait le pari de devenir autonome en énergie d’ici 2022 avec ses habitants. Plus de 80 citoyens se sont mobilisés au sein d’une Société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) et détiennent des parts de Prats’ENR, la SEM en charge de la réalisation de ce projet d’autonomie énergétique. Les possibilités offertes par l’autoconsommation d’énergie renouvelable, individuelle ou collective, aujourd’hui d’électricité photovoltaïque et demain de biométhane, viennent renforcer l’envie et l’intérêt des habitants à participer à ce type de projet. 

La Métropole de Dijon vise à transformer tout un quartier à énergie positive d’ici 5 ans, l’une des plus vastes opérations d’autoconsommation collective en France. Le succès des projets de rénovation à énergie zéro EnergieSprong en est une autre illustration : les citoyens sont sensibles à l’idée de quartiers à énergie positive où l’on combine rénovation et production d’énergies renouvelables locales. Demain, lorsque le cadre réglementaire sera clarifié, les communautés d’énergie renouvelable offriront des possibilités encore plus vastes : les citoyens pourront s’unir à bien plus d’acteurs (collectivités, acteurs économiques locaux) pour produire, consommer, stocker ou vendre de l’énergie renouvelable dans un cadre plus stable et moins restreint.

Imaginer de nouveaux équilibres entre urbain, périurbain et rural 

De nouvelles solidarités énergétiques vont aussi être à imaginer entre territoires. Les zones rurales sont riches en ressources énergétiques (soleil, vent, biogaz, bois) et en foncier, les zones périurbaines sont riches en infrastructures et en friches à reconvertir et les zones urbaines sont riches en revenus et en consommateurs. Le futur du développement des ENR en ville passe par une coopération avec ses territoires adjacents ruraux et périurbains. Des solutions pour répondre à cet enjeu de nouvelles péréquations ou de rééquilibrages volontaires entre territoires sont à imaginer, au-delà du financement des infrastructures de distribution, avec des coordinations nouvelles entre bloc communal, départements et régions. 

Le temps n’est plus à s’interroger s’il faut ou non maximiser la production énergétique locale, c’est le sens de l’histoire, le souhait des citoyens et l’intérêt des collectivités et des acteurs économiques. Il s’agit maintenant de mieux imaginer les façons de coordonner efficacement ces initiatives décentralisées pour passer de sympathiques démonstrateurs à un véritable changement d’échelle, en sortant de façon de faire habituelle. A vos idées, à vos projets : beaucoup reste à faire !

 

Un article signé Sébastien Delpont, directeur associé chez Greenflex,
Laura Guignard, consultant EnergieSprong chez Greenflex,
Thibault Perraillon, directeur conseil chez Greenflex.  

Crédits photos : Science in HD on Unsplash

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