R&D sur les matériaux locaux, l'avenir de la construction en climat chaud

Rédigé par

Madiana Hazoume

Ingénieur Génie Civil - Enseignante - Chef de Projets

9700 Dernière modification le 31/01/2017 - 17:12
R&D sur les matériaux locaux, l'avenir de la construction en climat chaud

Le bâtiment africain doit, à partir d’une tradition bioclimatique séculaire et d’influences culturelles venues d’ailleurs, se construire une nouvelle identité afin de répondre aux usages et exigences de notre siècle. Depuis des décennies déjà, architectes, entrepreneurs, ingénieurs et organismes internationaux se penchent avec passion sur cette question et tentent de relever le challenge.

La R&D qui a un rôle déterminant à jouer dans cette recherche de l’ADN du bâtiment en Afrique est pour l’instant bien discrète sur ses avancées.

Qu’ont en commun, Hassan Faty[1], Francis Kéré[2],  Kunlé Adéyemi[3] et David Adjaye[4]?

Ils sont architectes, célèbres, et tous travaillent à l’émergence d’un bâtiment africain fier et bien dans sa peau.

Mais ils ne sont que la face visible de l’iceberg des acteurs qui se penchent sur ce sujet. Ils sont nombreux ceux qui dans l’anonymat, démontrent inlassablement par leur travail chacun à son échelle et à sa manière, qu’on peut (contrairement à ce qui se passe depuis des décennies), construire des bâtiments mieux adaptés au climat chaud, confortables thermiquement, à base de matériaux locaux, abordables économiquement, respectueux de l’environnement et, pourquoi pas, esthétiques et modernes.

Ingénieurs et chercheurs contribuent dans l’ombre à cette vaste mission en recherchant notamment les matériaux de construction les plus adaptés et les plus résistants.

C’est déjà grâce à leur travail qu’aujourd’hui tout le monde est d’accord pour dire, tests à l’appui, que le béton, bien qu’utilisé pour quasiment 100% des constructions urbaines en Afrique n’est pas adapté aux conditions climatiques locales, est source de beaucoup d’inconfort thermique et en conséquence, d’une consommation excessive de climatisation.

D’autres recherches ont aussi montré que la terre, matériau traditionnel de construction en Afrique, est certes propice au climat et disponible en abondance mais possède une piètre résistance mécanique. En plus de traîner (injustement) une réputation de « matériau du pauvre » qui la dessert.

Une fois ces constats posés, le défi aujourd’hui est de trouver une vraie alternative satisfaisante pour construire les bâtiments de demain. D’autres matériaux donc.

Il faudrait tester et caractériser de nouveaux matériaux. Ou associer divers matériaux aux propriétés complémentaires.

Chercher, se tromper, recommencer, sans oublier d’observer et de tenir compte du bon sens des pratiques populaires.

En effet, si les bétons de ciment ont été inventés par des ingénieurs, l’idée de rajouter de l’acier pour créer le fameux béton armé si résistant a été trouvée par… un jardinier.

Chercher donc, jusqu’à trouver le matériaux adapté, nouveau ou issu de l’amélioration de l’existant, qui aura les capacités mécaniques du béton armé, les caractéristiques thermiques et hygrométriques de la terre, dont l’impact écologique et énergétique sera faible, le coût abordable et qui répondra à la quête de modernité qui, par défaut, fait aujourd’hui la gloire du béton en Afrique !

La recherche sur les matériaux existe bien sur dans les universités et écoles d’ingénieurs, de nombreuses thèses ont été réalisées sur la question depuis des décennies et d’autres sont en cours.

Des éco matériaux[5] aux matériaux à changement de phase[6] qui capturent l’énergie, les sujets d’études sont nombreux. Sur le papier et les paillasses de quelques laboratoires.

Par contre, pas de prototype, de démonstrateur, aucun développement d’envergure annoncé.

Pas de nouvelles de cet éventuel matériau révolutionnaire qui permettra en 2030 aux habitants de Bamako, 40 degrés sous le soleil d’avril, de profiter de leur maison bioclimatique non climatisée sans étouffer littéralement.

S’agit-il simplement d’un défaut de communication et de disponibilité de l’information?

Ou peut-être faut-il sortir d’une recherche fondamentale pure et se donner les moyens de mettre en application les avancées ?

Existe t’il des pistes sérieuses de matériaux innovants pour la construction de bâtiments en milieu urbain et rural en Afrique ? Si oui il conviendrait de donner plus de visibilité à cette information pour stimuler des recherches connexes ou complémentaires, et pourquoi pas initier des vocations.

Si non, il est grand temps de faire quelque chose.

En 2050, un quart de la population mondiale, soit 2,5 milliards de personnes habiteront sur le continent africain. Il faut se préparer à les loger…



[1] Architecte, précurseur de la construction en terre crue

[2] Architecte, spécialiste de la construction en terre, www.kere-architecture.com

[3] Architecte, urbaniste, chercheur, concepteur de l’école flottante de Makoko au Nigéria

[4] Architecte, auteur de Africa Architecture, www.adjaye.com

[5] Matériau de construction qui répond aux critères de performances techniques et fonctionnelles requises pour la construction mais aussi à des critères environnementaux

[6] Matériaux qui ont la capacité de stocker de l’énergie avant de la restituer

Partager :