Quelle place pour les Régions dans la transition énergétique ?

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CLER La rédaction

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862 Dernière modification le 31/08/2021 - 10:09
Quelle place pour les Régions dans la transition énergétique ?

Membre du Haut conseil pour le climat, associé fondateur de Carbone IV et président de la fondation Nicolas Hulot, Alain Grandjean porte un regard sans concession sur le rôle et la place des Régions dans la transition écologique, soulignant leur manque de moyens et la fragilité des articulations avec les territoires.

Quel est le rôle des Régions dans la mise en œuvre de la transition énergétique ? 

Les actions en faveur du climat doivent se faire à tous les niveaux ! De la plus petite collectivité locale aux organisations supranationales, chaque échelon a un rôle à jouer. Les Régions ont une place prépondérante : celle d’impulser et de coordonner l’action dans les territoires.

Depuis la loi relative à la transition énergétique et à la croissance verte de 2015, elles sont en effet les cheffes de file officielles pour le climat. Avec un pouvoir direct sur plusieurs leviers d’action clé, en particulier dans les trois secteurs les plus émetteurs en France : les transports, l’agriculture et le bâtiment. Elles disposent également de compétences transversales pour agir en faveur de l’adaptation au changement climatique. Notamment en matière de forêt, de gestion de l’eau ou d’aménagement des territoires.

Sur quels dispositifs s’appuient t-elles ?

En matière de climat, les transferts de compétences de l’État aux Régions remontent aux lois Grenelle. La deuxième d’entre elles a instauré l’obligation de se doter d’un Schéma Régional climat air énergie (SRCAE). Celui-ci décline à l’échelle régionale une partie du contenu de la législation européenne sur le climat et l’énergie. Ces documents cadres constituaient des éléments clés d’organisation de la contribution des politiques territoriales aux objectifs climatiques de la France. Ils venaient en outre s’ajouter – sans toujours s’articuler – à d’autres outils programmatiques. Par exemple : les schémas régionaux dédiés aux infrastructures et aux transports, à la cohérence écologique ou encore à l’aménagement et au développement du territoire.

Dans une volonté de rationalisation louable, la loi NOTRe de 2015 a créé un nouvel outil ensemblier de planification. Le SRADDET, Schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires fusionne les documents préexistants. À travers lui, les Régions fixent les objectifs de moyen et long terme en matière d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre (GES) et d’adaptation aux changements climatiques. Ce document permet en outre de préciser comment atteindre les objectifs de la stratégie nationale bas-carbone.

De la théorie à la pratique… Notez-vous des écarts entre leurs missions et la réalité sur le terrain ?

Disons-le franchement : les investissements régionaux en faveur du climat ne sont pas à la hauteur des enjeux. Cette situation s’explique en partie parce qu’elles ont une faible maîtrise de leurs recettes financières. Pas d’autonomie fiscale. Elles ne peuvent pas créer d’impôts nouveaux pour alimenter leur budget. Pas de possibilité de fixer le taux ni l’assiette des recettes fiscales. Elles sont par ailleurs soumises à un certain nombre de règles budgétaires qui contraignent leur capacité d’emprunt. Et même lorsque l’emprunt est autorisé, les différentes règles d’équilibre budgétaire et l’impossibilité de maîtriser leurs recettes limitent à leur tour l’investissement régional.

Enfin, il ne me semble pas anodin de remarquer que la fiscalité des Régions repose en partie sur des bases qui vont à l’opposé de la transition climatique. Par exemple, la consommation de carburant ou la cylindrée des véhicules. Cela constitue des incitations économiques nuisibles au climat. Il sera nécessaire de les revoir  afin que les Régions aient un intérêt budgétaire à lutter contre le réchauffement climatique. Aujourd’hui, au regard de cette situation, je souhaiterais que les dépenses des Régions consacrées au climat soient rapidement « sanctuarisées ». Nous n’avons pas d’autre choix si nous voulons être à l’heure des engagements pris pour 2050.

Que pensez-vous des outils de pilotage des politiques régionales ?

J’ai l’impression qu’elles manquent d’outils adaptés, ne serait-ce que pour mieux diagnostiquer les émissions sur leurs territoires et ainsi mieux cerner les enjeux prioritaires, identifier les potentiels d’atténuation et les besoins d’adaptation. Cette question des données et des indicateurs est stratégique pour suivre l’évolution des émissions de GES et mesurer les effets des actions décidées par les acteurs territoriaux. Les Régions n’ayant pas les compétences pour créer les méthodes et définir les normes communes, un appui de l’État apparaît indispensable.

Quel regard portez-vous sur l’articulation avec les autres échelons ?

Je constate qu’il y a encore une marge de progrès considérable à ce niveau là… Quand on parle de la France on évoque souvent son mille-feuille administratif, mais en ce qui concerne l’action pour le climat, je qualifierais plutôt la situation d’imbroglio de compétences. Et cela n’est pas sans conséquences sur l’efficacité des politiques publiques.

Dans le secteur du transport, par exemple, les Régions sont autorités organisatrices de la mobilité et s’occupent à ce titre de toute la chaîne du transport… sauf dans les agglomérations. Elles ne sont donc pas en charge du développement des transports collectifs urbains, ni des pistes cyclables qui reviennent aux communes et à leurs regroupements. Ce ne serait pas un problème si l’articulation entre les deux échelons était parfaitement fluide, mais c’est rarement le cas.

De même les Régions sont victimes d’une double injonction qui peut être paralysante. En qualité de cheffes de file sur le climat, on attend d’elles qu’elles jouent un rôle important dans la coordination entre les différents échelons territoriaux et dans la gouvernance climatique territoriale. Mais parallèlement, le principe constitutionnel de non-tutelle limite leur capacité à organiser les actions… C’est là l’un des nombreux paradoxes qui freinent à mes yeux l’efficacité des stratégies mises en œuvre sur les territoires français.

Pour aller plus loin

Retrouvez la transitiothèque “Régions en action” dans le Centre de ressources du CLER-Réseau pour la transition énergétique. [...]

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