Quel avenir pour le gaz vert dans le secteur du bâtiment ?

Rédigé par

Ludovic GUTIERREZ

Responsable Grands comptes

5003 Dernière modification le 27/04/2021 - 10:39
Quel avenir pour le gaz vert dans le secteur du bâtiment ?

Le gaz vert est un véritable levier de la transition énergétique : il présente un fort potentiel de production et la filière est en plein essor. Cependant, la politique énergétique de l’administration française encourage l’électrification massive des bâtiments, notamment à travers la stratégie nationale bas carbone et la future RE2020. Le gaz vert doit donc se réinventer pour rester dans la course. Rencontre avec Bernard Aulagne, président de Coénove, une association qui regroupe les acteurs de la filière gaz et défend la complémentarité des énergies.

 

Est-ce que vous pouvez nous faire un état des lieux du gaz en France ?

Bernard Aulagne : La part du gaz dans le mix énergétique français se situe entre 15% et 17%. Elle est stable depuis plusieurs années. Le gaz est présent dans tous les secteurs : bâtiment, industrie, mobilité, etc. Coénove se concentre essentiellement sur la place du gaz dans le bâtiment, où il joue un rôle important dans la satisfaction des usages thermiques.

 Le gaz a un rôle véritablement essentiel dans la couverture de nos besoins énergétiques. Coénove a mené une étude sur la puissance globale, toutes énergies confondues, nécessaire pour satisfaire les besoins du pays sur une année complète, semaine par semaine. Nous pouvons tirer deux enseignements de cette étude. D’une part, ce n’est pas une surprise, il y a une grande amplitude entre les besoins en hiver et en été (un facteur de 1 à 4). D’autre part, pour répondre à tous les besoins en puissance nécessaire (donc assurer la sécurité d’approvisionnement), il faut mobiliser toutes les énergies. Or, on constate qu’en période de pointe, toujours toute énergies confondues, l’électricité ne satisfait que 30% des besoins en puissance, alors que le gaz en satisfait 45%. Au-delà des chiffres globaux sur le mix énergétique, on voit bien l’importance du gaz et des problématiques qu’impliquerait le fait de se passer de cette énergie.

Comme les autres énergies, le gaz doit relever le défi de la transition et, pour cela, faire face à deux enjeux majeurs : d’abord la recherche de l’efficacité énergétique, puis le verdissement de l’énergie. Sur le premier point, la filière gaz s’est fixée comme objectif de réduire la consommation de gaz par 2 d’ici 2050, soit de passer de 460 TWh à 250 TWh environ. Sur le verdissement, l’objectif est que 100% du gaz consommé en 2050 soit renouvelable. Nous en sommes loin, car aujourd’hui le gaz vert ne correspond qu’à 1% de la consommation de gaz en France, mais la filière est mobilisée et les projets à venir nous donne raison d’être optimistes.

 

Dans quel mesure le biogaz peut compléter le gaz naturel dans la transition énergétique ?

B. Aulagne : La question serait plutôt « dans quelle mesure le biogaz DOIT compléter le gaz naturel ». L’objectif de la filière est donc d’atteindre le 100% renouvelable d’ici 2050. Pour cela, nous comptons sur 3 catégories de gaz : 30% des besoins seront assurés par le biogaz issu de la méthanisation, 40% par des gaz de synthèse – syngas – (biométhane ou hydrogène) issus de la pyrogazéification et de la gazéification hydrothermale et 30% par l’hydrogène, produit par électrolyse.

Même si le gaz renouvelable est encore limité aujourd’hui, nous sommes convaincus de son fort potentiel que l’Ademe a d’ailleurs estimé à 460 TWh (la similarité du chiffre avec la consommation actuelle est une coïncidence), soit une valeur largement supérieure à la consommation estimée à horizon 2050. Nous pourrons donc compter sur le gaz vert dans les années à venir. La méthanisation est la filière la plus opérationnelle pour le moment, mais les trois autres commencent à se développer.

Cependant, il nous faut développer le gaz renouvelable sans tarder si nous voulons respecter la trajectoire jalonnée dans les programmations pluriannuelles de l’énergie (PPE). Le premier jalon, fixé par la loi de 2015, prévoit que le gaz renouvelable représente 10% de la consommation de gaz d’ici 2030. C’est, pour nous, un minimum.

 

La RE2020 chasse le chauffage au gaz de la maison individuelle et du logement collectif neuf. Qu’est-ce que cela implique pour le gaz vert ?

B. Aulagne : De manière générale, nous rencontrons deux obstacles au développement du gaz vert dans le neuf :

  • D’une part, on nous dit qu’il n’y aura pas assez de gaz vert pour faire face à la demande, donc qu’il faut choisir où il sera consommé. Les estimations de l’Ademe montrent que cela est une vision très pessimiste de l’avenir !
  • D’autre part, rappelons que les énergies renouvelables électriques ont été largement subventionnées pour rattraper leur retard. Nous ne demandons pas de répliquer les erreurs du passé avec le biogaz, mais de se pencher sur le potentiel avant de poser des limites.

Ces obstacles s’expliquent par la volonté partisane d’électrification massive des usages de la part de l’administration, au détriment du gaz. La Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC), par exemple, qui fixe des objectifs de réduction carbone à horizon 2050, fait la part belle à l’électricité. C’est également le cas de la RE2020. Cependant, les discours évoluent. Au début, le gaz dans son ensemble était chassé du neuf, sans distinction. Le risque étant que, sans système et équipement adaptés, il ne soit plus possible d’effectuer un retour au gaz ultérieurement. Après discussion avec la Ministre, des ouvertures sont apparues. C’est pourquoi les derniers ajustements de la RE2020 devraient permettre d’introduire des technologies et systèmes hybrides dans le collectif neuf. Par exemple, installer une pompe à chaleur et une chaudière gaz dans le même habitacle. Cela pourrait permettre au gaz vert d’être présent dans le neuf et de répondre à la problématique de la pointe électrique.

 

Quelles perspectives pour le gaz vert à présent ?

B. Aulagne : Le gaz vert a toute sa place dans le mix énergétique. Une autre voie est possible que l’électrification massive pour atteindre la neutralité carbone. Il faut miser sur la complémentarité des énergies, ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier. Cela permettra de laisser le choix à l’acquéreur d’un bien sur l’énergie qu’il souhaite consommer et de diminuer la dépendance de notre pays à un type unique d’énergie. De plus, l’intérêt de la méthanisation va au-delà de l’énergie. Elle présente de nombreuses externalités positives et répond également à des enjeux agricoles et territoriaux. L’administration doit soutenir financièrement le gaz, au même titre que l’électricité.

De notre côté, nous nous concentrons sur deux projets majeurs.

  • Le premier doit permettre de répondre à la question de la traçabilité du gaz vert dans les logements. Nous travaillons actuellement sur la mise en place de Certificats Verts, qui attesteront de l’origine du gaz. Cela permettra aux fournisseurs de proposer des offres vertes en gaz, à l’image des contrats électricité verte.
  • Nous avons également un projet en cours, Méthaneuf, qui vise à faire le lien entre la construction neuve et la filière biométhane. Méthaneuf propose aux promoteurs de préfinancer une production de biométhane équivalente à 30% ou 50% de la consommation de chauffage et d’eau chaude sanitaire pour un logement neuf sur 15 ans. Cela leur permettrait de remplir leurs obligations sur les énergies renouvelables et les émissions carbone, sans pour autant changer radicalement de mode constructif.

 

Crédits photo : Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license, chaudière à gaz Brötje EcoTherm Plus WGB 28 C, vue de l'extérieur.

Propos recueillis par Manon Salé - Construction21, la rédaction

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