Quartier Citadelle : un projet démonstrateur de la ville durable

Rédigé par

Hélène MEYER

Responsable communication et marketing

910 Dernière modification le 29/06/2022 - 09:49
Quartier Citadelle : un projet démonstrateur de la ville durable

L’aménagement du quartier Citadelle à Strasbourg est un des lauréats de l’AMI “démonstrateur de la ville durable”, de France 2030 : Citadelle, un quartier bas carbone, résilient, accélérateur de transitions. Gestion de l’eau, construction vertueuse, changement des pratiques, etc. : le projet se positionne sur de nombreux thèmes essentiels pour la ville de demain. Rencontre avec Thalie Marx, chargée de mission économique, filière bâtiment et habitat, à la direction développement économique et attractivité de l’Eurométropole de Strasbourg. L’opération Citadelle sera présentée lors du colloque Build & Connect, les 22 et 23 novembre 2022.

En quoi consiste l’opération d’aménagement du quartier Citadelle ? 

Thalie Marx : L’opération Citadelle consiste en l’aménagement par la SPL Deux Rives, d’une friche industrialo-portuaire en un quartier bas carbone à Strasbourg, sur 13,5 hectares. Elle tire son nom du des halles Citadelle, au cœur du projet. Le quartier aura pour vocation de répondre à de nombreux enjeux des villes de demain. Le quartier accueillera des équipements publics (des bâtiments socio-culturels, une école, etc.), des logements (pour environ 1900 habitants), des commerces, des infrastructures de mobilité douce, etc. Il bénéficiera également de grandes halles, grâce à l’aménagement de bâtiments industriels déjà existants.

Le projet Citadelle s’inscrit dans le cadre d’un aménagement plus large : celui de la ZAC des Deux-Rives. Il intègre les objectifs bas carbone du plan air énergie climat de la Métropole de Strasbourg. L’opération est lauréate de l’Appel à Manifestation d’Intérêt (AMI) "Démonstrateurs de la Ville durable" de France 2030. Sur la durée du démonstrateur pouvant aller jusqu’à 10 ans, elle pourra bénéficier ainsi d’un accompagnement financier de 10 millions d’euros maximum de la part de la banque des territoires, opérateur pour le compte de l’Etat de France 2030 (dont environ 500 000 euros de France 2030 durant les 3 ans de préfiguration du quartier pour financer des missions d’ingénierie ). Nous sommes actuellement en phase de conception.

Le quartier Citadelle est un “démonstrateur de la ville durable”. Quels sont les enjeux principaux de ce démonstrateur ?

Thalie Marx : Ce démonstrateur comprend trois axes de travail majeurs:

  • Anticiper et accompagner les pratiques écologiques de l’ensemble des acteurs. Il s’agit d’amener les acteurs et en particulier les habitants à diminuer l’empreinte carbone de leurs comportements (alimentation, déplacement, biens de consommation, déchets, etc.). Il sera nécessaire d’établir un benchmark des bonnes pratiques sur d’autres projets, de choisir les actions les plus pertinentes et de les décliner sur le projet. D’autre part, cela consiste à former et informer les acteurs, dont les usagers, aux pratiques vertueuses à aborder. Cela nécessite un grand travail sur les usages.
  • Assurer la transition des modes et des filières de construction. Nous allons recourir à des systèmes constructifs mettant en œuvre du bois , des matériaux biosourcés afin d’assurer le plus faible bilan carbone des bâtiments. Nous allons faire appel à des entreprises locales qui adoptent des pratiques durables, développer l’usage de matériaux bas carbone, etc. L’opération s’inscrit dans la stratégie bois et biosourcés de la Métropole, mise en place il y a quatre ans.
  • Développer les potentiels de la ressource en eau. La proximité de l’eau est une véritable opportunité. Cela permet de mettre en place une logistique fluviale pour gérer l'approvisionnement du chantier, voire pour la vie du quartier. De plus, une fois le quartier aménagé, l’eau a un impact positif sur le rafraîchissement urbain et le cadre de vie. Bien entendu, nous réfléchissons aux moyens de protection de la ressource eau et d’infiltration des eaux de pluie, de sa réutilisation.

Cette opération va demander de revoir complètement le rôle de l’aménageur. Jusqu’ici, ce dernier choisissait l’opérateur immobilier, vendait un terrain aménagé et réalisait des espaces publics. Dans le projet Citadelle, il aura également pour mission de concevoir avec la collectivité et les acteurs partenaires des solutions en amont (accès et approvisionnement de matériaux), d’intégrer les habitants. Le champ d’intervention de l’aménageur s’agrandit ainsi fortement ! Le démonstrateur nous permettra de voir concrètement comment ses nouvelles missions s’articulent.

L’enjeu est de mener en concordance des innovations organisationnelles et techniques du démonstrateur, tout en garantissant l’avancement opérationnel du projet d’aménagement.

Comment comptez-vous limiter l’impact carbone du quartier Citadelle ?

Thalie Marx : Nous avons décidé de suivre la démarche BBCA Quartier dans la conception du projet d’aménagement. Nous visons ainsi un objectif de 4,1 tonnes de consommation de CO2 par an par habitant du quartier au lieu des 11 en moyenne à l’heure actuelle. Cela demande un grand travail d’accompagnement des acteurs, ainsi que la mise en place d’outils d’évaluation intégrant les usagers pour regarder l’évolution des comportements et de l’impact carbone. Ce suivi sera assuré par la Métropole en partenariat avec l’aménageur.

Pour les bâtiments, nous misons sur l’usage de biosourcés, pour la structure, les isolants. De plus, nous allons recourir à la préfabrication des bâtiments, pour un chantier plus rapide et plus propre. Au niveau énergétique, le quartier sera équipé d’un réseau de chaleur bois, permettant aux bâtiments de bénéficier d’une énergie renouvelable et propre. 

Nous mènerons également un travail poussé sur la mobilité douce. Le quartier est entouré par des voies d’eau, il n’existe qu’une seule voie routière pour y accéder. La voiture y sera donc peu présente. Le stationnement sera géré par deux parkings silos pour éviter la circulation d’automobiles. A l’inverse, Citadelle bénéficie d’un arrêt de tramway, sur une ligne transfrontalière avec l’Allemagne, ce qui encourage ce mode de déplacement.

Enfin, nous souhaitons solliciter le circuit court tout au long de la vie du quartier. Nous avons commencé un travail de repérage des différents matériaux pour le chantier, en nous associant à des entreprises de la filière. L’objectif est d’identifier les quantités et qualité de matériaux le plus tôt possible. Nous allons également favoriser le circuit court dans les usages, une fois le quartier livré. Par exemple, les halles Citadelles pourraient accueillir des marchés locaux, des AMAP, etc. Ce levier est essentiel à mobiliser.

L’opération comprend de multiples partenaires. Comment s’articule ce travail ? Quelle sera la gouvernance du projet ?

Thalie Marx : Effectivement, ce projet est le fruit d’un travail entre de nombreux partenaires.

A l’origine, le projet était porté par l’Eurométropole de Strasbourg et la SPL Deux-Rives. Petit à petit, nous avons intégré d’autres acteurs en fonction des besoins et des axes de l’opération. Nous avons construit le cahier des charges ensemble et nous avons soumis notre candidature à l’appel à manifestation d’intérêt après ce travail de réflexion et d’identification des acteurs clefs.

Pour la partie bâtiment, nous avons sollicité le pôle Fibre-energivie, la Fédération Française du Bâtiment et Fibois Grand Est. Pour la gestion de l’eau, nous nous sommes tournés vers le Port Autonome de Strasbourg, Voies Navigables de France et le pôle Hydreos. Nous travaillons avec l’Université de Strasbourg pour bénéficier d’une approche pluridisciplinaire. Enfin, sur la question des usages, nous avons pris contact avec l’association Ecoquartier Strasbourg, qui a une expertise très forte dans ce domaine comme assistant à maîtrise d’usage, mais aussi pour accompagner des projets d’habitat participatif. 

Notre objectif est de mettre en place une gouvernance tournée vers les échanges de compétences et de savoirs. Le consortium d'acteurs aura pour rôle de mener la phase de préfiguration du démonstrateur avec une vingtaine de missions d’ingénierie  puis d’accompagner la phase de réalisation de l’opération. Nous allons instaurer un comité de pilotage pour le démonstrateur avec la banque des territoires qui se réunira plusieurs fois par an afin que les acteurs puissent se rencontrer, faire part de l’avancement des sujets d’innovation, et capitaliser sur leurs enseignements. Cette gouvernance devra également s’articuler avec celle plus globale de la ZAC des Deux-Rives, dont l’aménagement est géré par une équipe projet spécifique.

Comment comptez-vous impliquer les habitants ?

Thalie Marx : C’est un enjeu très important de l’opération : comment construire un aménagement avec des résidents qui ne sont pas encore là ? En effet, ces derniers arriveront au fur et à mesure de la livraison des programmes. Pour ce faire, nous allons observer d’autres quartiers afin de tirer des enseignements pour l’opération Citadelle. Nous avons également pris contact avec des associations locales.

Nous nous posons également la question de la place des habitants dans la gouvernance : quel impact ils peuvent avoir ? Que peuvent-ils prendre en charge ? Il nous faudra former et informer les nouveaux résidents, pour leur faire prendre conscience de comment on construit un quartier et des usages vertueux à suivre. Cependant, je ne pense pas qu’il soit pertinent de confier toute la gouvernance aux habitants. Le retrait de l’aménageur et de la collectivité post livraison est un écueil récurrent des projets d’aménagement. Ce qui fait la réussite des écoquartiers, c’est l’implication de ces derniers dans la vie du quartier une fois livré, pour que les initiatives et les axes mis en place perdurent sur le long terme, soient compris et intégrés par les habitants.

Quels éléments du projet pourront être réplicables ailleurs ?

Thalie Marx : La réplicabilité est centrale dans notre démarche. Il est important pour nous de regarder comment le démonstrateur va pouvoir se déployer. Ce n’est pas habituel dans les projets d’aménagement : cela demande de passer assez de temps à observer, à évaluer le projet et en tirer des enseignements, pour ensuite pouvoir le dupliquer ailleurs. La réplicabilité demande des politiques publiques précises, avec par exemple des productions de guides pour aider les autres collectivités, la mise en réseau.

Le projet ne sera pas réplicable dans son intégralité. L’enjeu est de réussir à identifier ce qui est propre au contexte du quartier et ce qui peut être généralisé. Par exemple, nous essayons de bien renseigner les systèmes constructifs que nous allons mettre en place (type de matériau, usages, quantités, etc.) afin d’avoir un modèle précis à partager avec les autres collectivités, les autres porteurs de projets. Nous réfléchissons également à la réplicabilité de notre organisation, de la répartition des compétences et des missions entre les acteurs. Ainsi, d’autres aménageurs, opérateurs immobiliers et collectivités pourraient s’inspirer de nos process. Là encore, cela demande de bien évaluer les impacts de nos modes d'organisation et de nos méthodologies.

Propos recueillis par Manon Salé

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