Prise en compte des milieux humides dans les documents d'urbanisme

792 Dernière modification le 26/08/2020 - 09:54
Prise en compte des milieux humides dans les documents d'urbanisme
La préservation de la ressource en eau et de la biodiversité sont des enjeux majeurs. Les zones humides, longtemps détruites, sont des réservoirs de biodiversité, qui contribuent à la qualité de l'eau et à la lutte contre les inondations.
De plus en plus, les pratiques en matière d'aménagement doivent intégrer ces espaces et leurs fonctions dès la conception des projets. A partir des retours d'expériences de nombreuses collectivités dans le domaine de la préservation et de la gestion des zones humides en milieu urbain, le Cerema a réalisé le guide pratique "Milieux humides et aménagement urbain : dix expériences innovantes". Cet article porte sur la première partie du guide, sur la prise en compte des milieux humides dans les documents d'urbanisme. 

Des espaces aux multiples fonctions qu'il faut préserver

 

Les milieux humides sont parfois mal identifiés par les acteurs de l'aménagement urbain, ils ont longtemps été asséchés au profit de l'urbanisation et des activités humaines, et peuvent encore être menacés par de nouveaux projets.

Pourtant, les milieux humides assurent de nombreuses fonctions:

  • Hydraulique : régulation naturelle des inondations, soutien des cours d'eau en période sèche, réduction des forces d'érosion, régulation du niveau des nappes...
  • Filtration de l'au qui entre dans la nappe phréatique,
  • Réservoirs de biodiversité,
  • Espaces de loisirs, de découverte.

Les politiques publiques visent à préserver ces espaces. La Stratégie Nationale de Gestion des Risques d’Inondation de 2014 prévoit par exemple de s’appuyer sur les zones humides pour prévenir les inondations. 

Par ailleurs, les milieux humides sont protégés et les politiques d’aménagement doivent répondre au principe "éviter, réduire, compenser" : si on ne peut éviter d’atteindre aux milieux humides, on doit réduire l'impact sur eux et compenser l’impact environnemental du projet. Pour cela, une Méthode nationale d'évaluation des fonctions des zones humides a été mise au point.

A travers les documents d'urbanisme, les collectivités doivent préserver les espaces naturels, notamment par la conservation, la restauration et la création de continuités écologiques.

La prise en compte des milieux humides dans les documents de planification est un enjeu fort pour les politiques territoriales. Il s'agit d'assurer un développement équilibré des territoires qui garantit la préservation des espaces sensibles.

A travers les exemples de la préservation du marais audomarois dans le SCoT du Pays de Saint-Omer et la prise en compte des milieux humides dans le PLU de Vimines en Savoie, deux démarches de préservation des ces milieux sont développées. 

Vimines : Préserver les milieux humides au travers du PLU et de la gestion

Suite à des conflits d'usage entre développement urbain et préservation des zones humides, la commune de Vimines a sollicité la communauté d'agglomération de Chambéry Métropole pour mettre en oeuvre un programme de préservation des zones humides.

Aujourd'hui, 115 zones humides ont été identifiées et 35 zones humides prioritaires du territoire sont dotées d’une notice de gestion.

L'agglomération de Chambéry métropole, aujourd'hui le Grand Chambéry, se situe dans un territoire naturel remarquable borné par les massifs de la Chartreuse et des Bauges, sur le bassin versant du lac du Bourget.

Vimines est une commune de 1800 habitants incluse dans le parc national de la Chartreuse qui possède 635 hectares de forêt et fait face à une pression foncière. Elle possède aussi un site Natura 2000 et une ZNIEFF ( zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique) de type 2. La commune a seulement 14 hectares de zones humides répartis en 13 sites. 

Sur le bassin versant du Bourget, 50 % de la surface des milieux humides  a disparu depuis le début des années 70.

Prise en compte des milieux humides dans le PLU suite à la menace sur une zone humide

En 2005, le développement d'un parc d'activités artisanales à Vimines a été étudié. Le conservatoire d'espaces naturels de Savoie (CEN) a relevé que ce projet risquait d'endommager ou de faire disparaître un milieu humide et qu'une mesure de compensation devait être prévue. La réglementation sur l'eau a aussi évolué, amenant la DDT à s'opposer à l'aménagement et à demander des mesures compensatoires plus contraignantes.

Le projet d'aménagement a donc été repensé en intégrant la protection des milieux humides dans les documents d'urbanisme. La révision du Plan Local d'Urbanisme (PLU) en 2010 a permis de lancer un plan d'ensemble pour préserver et gérer les milieux humides avec l'aide de Chambéry Métropole.

Cette démarche portait sur deux échelles:

Communale: inventaire des zones humides et réalisation des notices de gestion préconisant les opérations de restauration et prise en compte des milieux humides dans le règlement et le zonage du PLU.

  • Bassin-versant: conception d'un plan d'action en faveur des milieux humides. La démarche de Vimines a été précurseur dans ce plan d'actions.

La commune de Vimines est maître d'ouvrage des actions menées sur le territoire et a sollicité Chambéry métropole pour sa compétence "milieux aquatiques". Chambéry Métropole a formé un comité de pilotage associant la DDT73, le CEN, le Comité intersyndical pour l'assainissement du lac du Bourget, un bureau d'études et les élus de Vimines qui intervenaient en fonction de leurs compétences.

Le premier plan d'actions a été signé pour la période 2012-2017. Un inventaire prenant en compte la faune et la flore ainsi que la propriété foncière et les fonctionnalités, et une cartographie des milieux humides destinée à être intégrée aux PLU ont été réalisés. Ce qui a aussi permis de recenser trois nouvelles zones humides. Des notices de gestion pour douze sites ont été rédigées pour donner les préconisations en matière de gestion. Elles sont organisées en 5 parties: caractéristiques stationnelles, caractéristiques foncières, valeur patrimoniale, rôles fonctionnels, objectifs et propositions de mesures de gestion.

Les actions menées à Vimines sur le bassin-versant

La phase d'étude de sol a débouché sur une augmentation de 65% des surfaces de zones humides de la commune. Le PLU a pris en compte les 13 zones humides du territoire, classées en zone Nh. L'objectif est de prendre en compte la spécificité des milieux humides, notamment en termes de fonctionnement naturel: maintenir leur alimentation, un espace de divagation, un volume de stockage suffisant.

Dans les cas où un milieu humide se superpose à des zonages U ou AU, des adaptations ont été faites et sont expliquées dans l'ouvrage. 

Chambéry métropole a mené la réflexion sur les 115 milieux humides recensés, et en a identifié 38 comme dégradés et devant être restaurés, dont quatre à Vimines. Des travaux ont été engagés pour restaurer puis entretenir ces espaces afin d'améliorer leurs fonctionnalités. Le plan d'actions impose la non-dégradation des 19 zones humides identifiées comme étant d'intérêt remarquable. 

Il anticipe l'évolution du développement urbain pour protéger les milieux humides. Ce plan vise à inciter les communes à profiter de la révision du PLU pour renforcer la protection des milieux humides. Enfin, un accompagnement est proposé pour les projets d'aménagement pour la mise en oeuvre d'éventuelles mesures compensatoires. 

Saint Omer: preserver des marais à l'aide du SCOT

Le pays de Saint-Omer comporte 3.731 hectares de terres d'eau, habités et façonnés par l'homme. Le marais a été reconnu zone humide d'intérêt national au titre de la convention Ramsar et du programme de l'UNESCO Man and Biosphere, comprend 2 sites Natura 20000, une réserve naturelle nationale de 103 hectares, est sur une ZNIEFF de type II et comprends 7 ZNIEFF de type I. 

Le marais abrite 400 espèces de plantes et une flore aquatique qui représente un tiers de la flore aquatique nationale. 

L'activité y est aussi très présente, notamment avec l'élevage et les exploitations maraîchères. Près de 4000 propriétaires sont concernés par la gestion du marais. 

Un groupe marais amène à prendre en compte le site dans les documents d'urbanisme 

En 2001 un groupe de travail "marais" a été mis en place par le parc naturel régional et la communauté d'agglomération de Saint-Omer pour en améliorer la gestion. Sa première mission a été de dresser un bilan des facteurs susceptibles de menacer l'équilibre du marais.

Suite à ce constat, un premier contrat d'objectifs pour 5 ans a défini 16 actions pour la sauvegarde du milieu humide. En 2007 un bilan a été réalisé, et a permis d'affiner le second contrat d'objectifs, de 36 mesures en 6 axes priorisés. Ce travail a permis la concertation de nombreux acteurs, de dessiner un projet de territoire et une vision commune de l'avenir du marais.

Le Schéma de cohérence territoriale du pays de Saint-Omer a été approuvé en mars 2008. Il a été l'occasion d'élaborer un véritable projet d'aménagement et de développement partagé de ce territoire de près de 120.000 habitants, en soulignant la nécessité de développer l'urbanisation en priorité sur les secteurs à caractère urbain.

Le contrat d'obectifs du marais décliné dans le SCOT

La prise en compte de la zone humide dans le SCoT répond aux objectifs du SDAGE ( schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux) qui souligne la nécessité de renoncer à l'urbanisation pour préserver les zones humides et leurs fonctionnalités.

La prise en compte du marais est déclinée dans les trois pièces maîtresses du SCoT:

  • L'état initial de l'environnement décrit les caractéristiques de la zone humide et les protections réglementaires présentes.
  • Le projet d'Aménagement et de Développement Durable (PADD) reprend les orientations concernant le marais, avec des objectifs tels que la maîtrise de l'occupation du sol, l'entretien et la restauration du marais, la préservation des activités économiques et traditionnelles de maraîchage et d'élevage, valoriser le marais, ou encore mettre en place une politique de trame verte et bleue et de biodiversité au niveau du marais. 
  • Le document d'orientations générales (DOG) reprend les prescriptions sur la gestion du marais, sur la base du contrat d'objectifs. Il prescrit ainsi le principe d'inconstructibilité sur le site du marais et encadre le développement urbain autour. Le DOG précise aussi la nécessité d'intégration de la trame verte et bleue et d'équilibre environnemental du marais. 

Le SCoT sera ensuite mis en oeuvre à travers les PLU. Le groupe de travail "marais" assure le suivi et la coordination des actions entreprises par les acteurs locaux et leurs partenaires. 

Un "contrat marais" a été élaboré pour la période 2014-2025.

Pour accéder au guide "Milieux humide set aménagement urbain"

Article publié sur Cerema Actualités
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