Peut-on estimer combien coûtent les actions de réduction d’émissions de CO2 dans les bâtiments ?

Rédigé par

Amandine Martinet - Construction21

Journaliste

1556 Dernière modification le 11/05/2023 - 09:59
Peut-on estimer combien coûtent les actions de réduction d’émissions de CO2 dans les bâtiments ?

 


Zoom sur une étude relayée par France Stratégies sur les coûts d’abattement dans six secteurs économiques clés, dont le bâtiment résidentiel. Des données qui sont le fruit du travail d’une commission lancée en septembre 2019 et dirigée par Patrick Criqui, économiste et directeur de recherche au CNRS au laboratoire d'économie appliquée de l'Université de Grenoble. 

« Le calcul des coûts de réduction des émissions est nécessaire pour la conduite d’une transition économiquement efficace » comme l’indique le rapport de synthèse de l’étude sur les coûts d’abattement publiée début mai 2023. Dans ce document d’une quinzaine de pages accessible gratuitement en ligne, il est ainsi possible d’en savoir plus sur l’impact financier des actions menées pour lutter contre les émissions de gaz à effet de serre en France, et ce dans cinq secteurs stratégiques du pays : les transports, l’électricité, l’hydrogène, l’industrie et les bâtiments résidentiels. À noter qu’un sixième pôle clé reste encore à étudier, celui de l’agriculture. Ces informations précieuses peuvent notamment « permettre, dans une perspective de planification, de valider les options à engager à di¬fférents horizons de temps sur la trajectoire de neutralité carbone. »

Concernant le BTP, ce n’est un secret pour personne, les enjeux de décarbonation sont colossaux. C’est pourquoi une politique de baisse de la consommation d’énergie des logements est menée depuis plusieurs années en France, avec en tête, la massification des rénovations énergétiques pour éradiquer les cinq millions de passoires thermiques du territoire. Mais il ne s’agit pas de la seule nature d’action menée dans ce secteur, ce qui rend la tâche de la mesure des coûts d’abattement plus ardue. En effet, on pense notamment aussi aux incitations à adopter des pratiques et habitudes moins énergivores au quotidien, tout ce qui ressort de la sobriété énergétique largement mise sur le devant de la scène depuis plusieurs mois. Aussi, comme l’indique la note de synthèse, « l’évaluation des coûts se heurte à des difficultés tenant à la fois à la nature des actions (quels sont les coûts à associer aux changements de comportement ?) et à l’extrême diversité tant des conditions initiales du bâti que de la situation des acteurs impliqués. »

Les résultats obtenus sont donc teintés d’incertitude. À minima peut-on retenir du travail de la commission de Patrick Criqui des recommandations pour optimiser les coûts d’abattement, telles que celle de garder une diversification dans les émetteurs et sources d’énergies décarbonés employés dans les logements français. En outre, il y apparaît qu’un rythme soutenu de rénovations énergétiques dans les dix prochaines années se justifie bel et bien économiquement : en effet, on apprend dans le texte que « dès 2025, une rénovation très performante vers la classe B (type BBC Rénovation) avec électrification serait socioéconomiquement coût-efficace pour près de 6 millions de logements, soit la plupart des logements chauffés au fioul et des logements de classes F et G chauffés au gaz ». 

En revanche, l’enquête démontre que les coûts d’abattement sont moindres lorsque l’on effectue une électrification du chauffage dans un bâtiment résidentiel accompagné de travaux permettant d’aller vers une classe C au DPE : pour ce type de rénovation, le prix serait compris « entre -20 €/tCO2 pour les logements de classe initiale G et 130 €/tCO2 pour ceux de la classe D, contre 70 €/tCO2 à 290 €/tCO2 dans le cas d’une rénovation vers la classe B ». 

Si plusieurs informations sont accessibles dans le rapport de synthèse, on en retient tout de même principalement « l’incertitude radicale à laquelle nous confronte l’objectif extraordinairement ambitieux que constitue la neutralité carbone », ce dernier n’en restant pas moins absolument nécessaire. Pour la commission de Patrick Criqui, cette conclusion amène surtout à se questionner sur d’autres méthodes de calcul des coûts d’abattement, notamment au travers de nouvelles analyses « risques-opportunités ». 

 

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