Pas de jumeau numérique sans une dynamique collaborative

Rédigé par

Cap Digital

2833 Dernière modification le 27/09/2022 - 09:30
Pas de jumeau numérique sans une dynamique collaborative

En pleine transformation numérique, le secteur de la construction scrute de près les questions relatives au développement du jumeau numérique. À l’aide de l’IA (intelligence artificielle), du machine learning et des technologies IoT (Internet des Objets), ces répliques numériques permettent de communiquer en temps réel avec leurs modèles physiques, pour réaliser des simulations et choisir les meilleures adaptations de l’ouvrage tout au long de leur cycle de vie. Depuis octobre 2021, le collectif Cap Digital réunit des acteurs du secteur pour partager la connaissance et l’expertise dans ce domaine ainsi essayer de la structurer. Nous avons invité Vincent Maret, délégué spécial Jumeaux numériques pour la construction, la rénovation et l’environnement & membre de la Gouvernance de Cap Digital et Directeur Innovation pour le Groupe Bouygues, à répondre à nos questions et nous expliquer en quoi l’intelligence collective est aujourd’hui primordiale pour avancer sur ces questions. 

Est-ce que le jumeau numérique est un sujet nouveau au sein de Cap Digital ? Comment l’avez-vous intégré ?

Pour la petite histoire, le concept de jumeau numérique n’est pas si nouveau. Le fait d’utiliser un jumeau numérique comme moyen d’étudier un objet physique est une démarche technologique qu’on pouvait déjà observer dans les années 1960, à la NASA, dans la préparation des missions d’exploration spatiale. Le terme en lui-même est quant à lui apparu dans les années 2000 grâce au travail du Dr Michael Grieves, alors professeur à l’Université du Michigan.  

Aujourd’hui, c’est un concept en pleine évolution, investi par plusieurs secteurs industriels, dont la construction. Chez Cap Digital, nous avons en octobre 2021 fait de la question du jumeau numérique appliqué à la construction, la rénovation et l’environnement un des enjeux clés de notre collectif. Dans cette optique, nous avons créé une délégation spéciale qui s’est donnée comme première mission de cartographier – de manière non exhaustive – les acteurs présents sur ce marché en pleine croissance. Cinq catégories d’acteurs clés ont été identifiés par nos équipes, que vous pouvez retrouver ci-dessous et dans notre note de veille publiée en mars 2022. 

Les premiers travaux réalisés au sein de cette délégation spéciale, réunissant nos adhérents engagés sur cette thématique et d’autres acteurs pertinents de l’écosystème, nous ont amené à faire le constat que les collaborations se sont initialement cristallisées autour de projets de R&D ou de consortia répondant aux premiers appels d’offres publics sur le sujet. 

On peut citer par exemple le projet FUI Terra X, labelisé par Cap Digital à la fin des années 2000, avec pour objectif de mettre au point de nouveaux processus automatisés de création et de mise à jour de cartes 3D de voirie urbaine ; ou le projet FUI Callisto Sari, lancé avec Bouygues Construction, pour construire une salle immersive – appelée CALLISTO - d’usage grand public et industriel pour la visite 3D de bâtiments.

 

D’après vous, en quoi est-ce nécessaire que cette innovation naisse de l’intelligence collective et au sein de projets collaboratifs ? 


Lorsqu’il est appliqué à la construction, à la rénovation et à l’environnement, le jumeau numérique couvre un nombre important d’acteurs qu’il est d’après nous fondamental d’embarquer dès les phases exploratoires de développement. L’impact sur les métiers traditionnels causé par l’adoption du jumeau numérique, la complexité de l’espace numérisé, la gestion des données issues du domaine public sont un aperçu des d’enjeux clés dont la résolution passe par une approche collective. 

Il faut donc vraiment le voir comme un outil de pilotage collaboratif et une interface privilégiée entre les différents acteurs concernés. C’est encore plus vrai dans le secteur de la construction, où il est nécessaire de réunir autour de la table celles et ceux qui font la ville et les territoires de demain, des maitres d’œuvres et des constructeurs au citoyen en passant par les collectivités territoriales. A cela s’ajoute la dimension politique liée au développement du jumeau numérique : un fort portage politique est nécessaire pour encourager l’expérimentation et le déploiement de ces technologies. 

Les territoires sont d’ailleurs déjà en train de prendre le sujet en main, notamment suite aux derniers développements du CIM (City Information Modeling) ou du TIM (Territory Information Modeling). Et si on regarde du côté des chiffres, une récente étude souvent citée, d’ABI Research, estime que le nombre de jumeaux numériques des villes en 2025 sera supérieur à 500 contre seulement quelques exemples à l’heure actuelle.

 

Quels sont les enjeux collectifs, à l’échelle locale, nationale et européenne, qui se jouent derrière les technologies des jumeaux numériques dans la construction ? 


Le jumeau numérique d’un bâtiment, d’un chantier, d’une ville permet d’intégrer à une maquette numérique 3D classique des données statistiques et dynamiques (autrement dit en temps réel). Il constitue donc un système d’information et de visualisation 3D facilitant la compréhension des données urbaines et leur contextualisation.

A ce titre, la transition écologique et le changement climatique sont parmi les principaux éléments moteurs du développement de technologies de jumeaux numériques. L’exploitation des données produites et les marges d’optimisation pressenties, notamment au niveau énergétique, promettent une meilleure intégration des enjeux environnementaux dans le secteur et suscitent, dès lors, un vif intérêt. 

Cette ambition se heurte néanmoins à un ensemble de verrous technologiques qu’il reste encore à lever pour totalement débrider le potentiel du jumeau numérique, à commencer par les questions tournant autour des données, des normes et des standards : quid du recours à l’open source, de la mise à jour des bases de données, des normes 3D en temps réel ou encore de l’interopérabilité ? Plusieurs initiatives, dont les IFC4.3 portés par buildingSMART International et le CityGML de l’OGC (Open Geospatial Consortium), voient justement le jour pour répondre à ces questions et déployer le jumeau numérique sur la base de règles communes en openBIM et openSIG

A noter aussi qu’il existe depuis 2020 un Digital Twin Consortium, écosystème mondial d'utilisateurs – dont les principaux industriels internationaux - qui orientent les meilleures pratiques pour l'utilisation des jumeaux numériques et définissent des exigences claires pour les normes à venir. Aussi, les majors du secteur ont récemment annoncé la création d’un Metaverse Standards Forum, qui promet des avancées majeures en la matière.

Enfin, le dimensionnement des jumeaux numérique représente en soit une question centrale et ouverte. Quelle est la « bonne » échelle pour déployer un projet de jumeau numérique ? Plusieurs projets sont en cours, à différentes échelles, mais il est encore trop tôt pour identifier des conclusions : Rennes Métropole et la Région Île-de-France sont citées comme acteurs pionniers en France, alors qu’à l’international on évoque souvent le projet de Singapour. Par certains aspects, le projet OnDijon fait également figure de précurseur. 

 

Quelles actions permettraient de structurer cet écosystème balbutiant pour gagner en efficacité ?  


Adopter une approche collaborative et collective sur un enjeu industriel aussi majeur que celui du jumeau numérique permet d’identifier et de surmonter les obstacles plus aisément. Les travaux de notre Délégation Spéciale, ont permis d’identifier les points bloquants les plus saillants. 
Trois d’entre eux ressortent largement de cette première enquête : 

  • Mieux identifier les apports concrets du jumeau numérique et se structurer pour y répondre ; 
  • Répondre au besoin de formation, aussi bien initiale que continue ; 
  • Standardiser les formats et leur interopérabilité pour faciliter le développement et la croissance du secteur. 

En tant que collectif d’innovateurs du numérique et de la ville durable, Cap Digital occupe une position centrale et neutre dans l’écosystème. Celle-ci nous permettant de rassembler des acteurs très variés, parfois concurrents, pour faire émerger des projets innovants de grande qualité, ambitieux et structurants pour la filière des Jumeaux Numériques.    


Entretien avec Vincent Maret : Délégué Spécial Jumeaux Numériques de Cap Digital


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