Panorama retours d’expérience : 3 exemples de projets locaux et une diversité de leviers actionnés pour massifier le réemploi

Rédigé par

Damien ORCEL

3550 Dernière modification le 02/12/2022 - 09:05
Panorama retours d’expérience : 3 exemples de projets locaux et une diversité de leviers actionnés pour massifier le réemploi


Les initiatives de réemploi se déploient partout sur le territoire et à toutes les échelles. Les acteurs sont de plus en plus nombreux à proposer, organiser, capitaliser sur des démarches de réemploi. 

Dans cet article, nous vous proposons trois REX de projets locaux : 

  • La restructuration du Pôle Léonard de Vinci dans les Hauts-de-Seine, présentée par Ginger Deleo : un projet ambitieux sur lequel un premier chantier test est en cours afin d’anticiper au mieux la conception du marché principal de travaux.
  • La reconversion de la friche tertiaire Eclosia Parc en Vendée, expliquée par Wigwam : une opération d’envergure portée par un aménageur et qui met en exergue les enjeux du réemploi à l’échelle urbaine.
  • Le réemploi des gisements issus de la déconstruction d’un bâtiment de 5 500 m² à Vannes, présenté par l’association Economie Circulaire 56 : un projet qui met en avant la force de la collaboration entre des acteurs locaux. 

I. La restructuration du Pôle Léonard de Vinci

Le contexte

Le Département des Hauts-de-Seine souhaite restructurer le Pôle Léonard de Vinci afin de répondre à ses besoins propres et valoriser une partie du site. L’ensemble immobilier, composé de 5 bâtiments en superstructure, repose sur un socle commun de sept niveaux dont trois de sous-sols et représente une surface de 86 000 m2 SHOB.

Le site est occupé par des établissement d’enseignement supérieurs, ainsi que par des services du Département des Hauts-de-Seine. Ce dernier a souhaité organiser la libération des espaces en plusieurs phases afin de lancer un chantier global ambitieux et de longue durée de réemploi, réutilisation, recyclage et valorisation. Un chantier test a été initié sur des locaux libres et représentatifs du complexe afin de peaufiner la rédaction du cahier des charges des phases opérationnelles du chantier. 

L’objectif pour le département est de s’acculturer au sujet et d’innover en termes de gestion circulaire des Produits Equipement Matériaux Déchets (PEMD) issus des travaux. 

La démarche 

L’équipe en charge de l’organisation des travaux est la suivante : 

  • MOA (Département des Hauts-de-Seine)
  • AMO (SETEC)
  • MOE (GINGER DELEO)

Le chantier test a été lancé sur un périmètre restreint dans le cadre d’un marché à procédure adaptée qui, dans la limite d’un montant de travaux plafond, permet une souplesse dans la consultation des entreprises et la négociation. Cela donne aux différents acteurs consultés dans un temps limité la possibilité de proposer un panel de prestations le plus complet et varié possible.

Cette première opération vise à tester une gestion circulaire ambitieuse et innovante des PEMD issus des travaux et d’étudier la reproductibilité sur l’ensemble du site. Les missions du chantier test seront multiples : travaux de vidage, recherche de repreneurs et organisation des évacuations, organisation d’un showroom et d’ateliers pédagogiques. Ces prestations seront réalisées à l’échelle du chantier test.

Au sein des locaux mis à disposition (bureaux / amphithéâtres / sanitaires…), un premier catalogue a été dressé et mis en ligne. Les matériaux identifiés correspondent à des éléments de mobilier (bureaux / sièges…), des éléments de second œuvre et équipements associés.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Résultats attendus (et potentiel de réplication du projet)

Cette phase test a été initiée courant septembre et à son issue, un retour d’expérience sera réalisé afin d’anticiper la conception du marché principal de travaux quant à la gestion circulaire des PEMD : Méthodologie de dépose soignée, Gestion de la coactivité, Analyse du marché des filières et exutoires, Définition d’objectifs de circularité ambitieux et réalisables.

Ce REX profitera à l’ensemble des interlocuteurs concernant des travaux à l’échelle de l’ensemble du site qui seront enclenchés en 2023 et sera également diffusé à l’ensemble des équipes pour le pilotage des opérations de travaux de l’ensemble des 1,4 M m² SHOB du Département.

Un article signé par Damien ORCEL (référent économie circulaire - GINGER DELEO) et Nicolas DE MAISTRE (Directeur de Projet - Direction des Bâtiments – CD92).


II. La reconversion de la friche tertiaire Eclosia Parc

Activer les filières locales grâce à un projet d’envergure de reconversion de friche tertiaire, c’est le défi que se lance le Groupe Duret, aménageur vendéen. 

Eclosia Parc est un ancien lycée technique avec 11 000 m² de bâtiments existants et un futur quartier de plus de 600 logements. Au programme : rénovation, déconstruction, reconditionnement de matériaux sur site, réemploi et réutilisation dans les projets neufs (soit 1 200 tonnes de CO2eq évitées), recyclage et ouverture d’une matériauthèque sur le site. Ce projet d’aménagement a démarré en 2019 lors d’un hackathon regroupant plus d’une centaine d’étudiants sur le thème de l’économie circulaire. Il est aujourd’hui dans sa première phase de déconstruction sélective et sera entièrement livré en 2027.

Les objectifs : développer la filière, promouvoir les métiers du bâtiment et embarquer les habitants du quartier, les associations professionnelles et les professionnels du secteur pour faire de ce projet un activateur du réemploi à l‘échelle régionale. #AgirAvecImpact

Un effet d’échelle pour massifier

L’économie circulaire à l’échelle d’une friche urbaine offre de nouvelles opportunités. Elle permet de proposer des marchés suffisamment importants pour encourager le développement et la structuration des entreprises locales autour de l’économie circulaire (industrie développant de nouvelles solutions à partir de recyclage, entreprises de travaux de déconstruction et de requalification de matériaux, etc.). Elle rend pertinente la création d’une matériauthèque éphémère et ouverte à tous. Elle simplifie et intensifie le réemploi sur site en proposant une banque de matériaux à disposition des concepteurs. 

Des missions spécialisées et des acteurs engagés 

Cette démarche novatrice a entrainé un changement des habitudes de travail sur le projet en donnant toute leur place aux AMO (Stratégie environnementale et économie circulaire par WIGWAM, Lean et logistique par LEAN NOV). En particulier, des études spécifiques ont été menées pour garantir la pertinence du projet : diagnostic PEMD, étude réemploi, étude logistique, développement d’un outil de gestion, …

Le diagnostic PEMD couplé à une étude réemploi a permis d’identifier et de caractériser les matériaux du site : quantité, propriété technique, état et description esthétique, issues possibles et environnementalement pertinente en cas de déconstruction. En parallèle, l‘étude logistique a mis en avant les conditions nécessaires de stockage pour chaque typologie de matériaux déconstruits et a fait le lien avec le planning général de l’opération et les surfaces disponibles sur le site. 

Ces études complémentaires ont par exemple permis de questionner les stratégies de réemploi pour les matériaux dont le stockage sur site dans des conditions peu optimales (bâtiments non chauffés, risques d’humidité) pourraient nuire à leur bonne conservation. Les dalles de faux plafond, disponibles en quantité importante et dont le réemploi est facilité sur cette opération par le prestataire,  seront ainsi réemployées en partie sur d’autres opérations pour éviter leur dégradation lors du stockage sur de trop longue période. Les dernières opérations du site ne bénéficieront donc pas de dalles de faux plafond du site mais de dalles réemployées provenant d’autres déconstructions. Cet exemple met en avant le besoin important du développement des filières de réemploi et des plateformes d’achat et de vente pour optimiser les échanges et le stockage des matériaux. 

Une méthode de travail collaborative

Le réemploi étant un sujet multidisciplinaire, il est nécessaire de l’aborder à travers des méthodes de travail collaboratives. Le Processus de Conception Intégré (PCI), menée par Wigwam sur le projet, permet de réunir l’ensemble des parties prenantes du projet lors de temps fort de co-conception et de travailler en intelligence collective avec l’ensemble des expertises nécessaires à la résolution de problèmes complexes. Le défi : comment faire pour massifier l’économie circulaire localement et activer les filières autour du projet tout en prenant compte des contraintes techniques, économiques, règlementaires, environnementales, sanitaires et logistiques du projet ? 

Cinq Workshops ont eu lieu sur le site entre janvier et juin 2022 avec l’équipe projet (comprenant MOA, entreprises de travaux et de déconstruction, AMOs, MOE, contrôleur technique) et certains partenaires de la filière locale en développement. Ces temps de travail collaboratif ont permis de définir 3 scénarii de réemploi et de proposer une phase test de déconstruction pour estimer plus finement le coup de la déconstruction de chacun des matériaux. A la fin de cette phase test, la MOA sera en mesure de choisir le scénario le mieux adapté aux ambitions environnementales et aux enjeux économiques du projet. L’étude logistique, introduite par LEAN NOV sur le projet, a permis d’anticiper les flux (humains, véhicules, matériaux, …) de l’ensemble des acteurs pour garantir un fonctionnement de chantier optimisé. 

L’influence du projet dépassant ses propres limites foncières, les habitants du quartier élargi ont également été intégrés à travers une démarche participative. 

Une vision systémique des enjeux environnementaux

Le sujet de l’économie circulaire est avant tout un levier permettant de limiter grandement l’impact carbone du projet. Un niveau « compatible pour 2040 » (selon les objectifs 2030 et 2050 pour atteindre la neutralité carbone) est visé pour l’ensemble du quartier. Cela suppose donc de traiter la problématique environnementale de manière systémique, au-delà de la question des matériaux. D’autres thématiques ont donc été étudiées de manière poussée sur le quartier comme la décarbonation de la mobilité, la génération de biodiversité ou la dépollution des sols sur place grâce à la phytoremédiation. 

Un article signé par Célia Mailfert, responsable de pôle Stratégie Environnementale Urbaine chez WIGWAM Conseil


III. Le réemploi des gisements issus de la déconstruction d'un bâtiment 

Face à la production importante de déchets du BTP, la dépose sélective et la vente de matériaux de réemploi sont des solutions qui profitent à tous. Grâce à une coopération entre différents acteurs locaux, un 1er chantier de déconstruction sélective s’est déroulé à Vannes avec succès.

Une association vannetaise s’attelle aux déchets du BTP

L’association Economie Circulaire 56 a pour vocation de développer des projets d’économie circulaire dans le Morbihan et de fédérer les entreprises et associations du territoire qui œuvrent sur ces sujets.

Face à l’ampleur des déchets du BTP, l’association a souhaité développer des projets autour du réemploi des matériaux de construction.

En fin d’année 2021, le groupe Legendre Immobilier a publié un marché de déconstruction d’un bâtiment tertiaire de 5 500m² à Vannes. La société Tri’n’Collect (spécialiste du tri des déchets de chantier) a souhaité se positionner sur le lot curage, en y ajoutant une prestation de dépose soignée. La CRESS (Chambre Régionale de l’Economie Sociale et Solidaire) a permis la mise en relation de la société Tri’n’Collect avec l’association Economie Circulaire 56, à ce moment en développement sur le sujet de la dépose sélective et de la coordination des filières de réemploi, dans le bassin vannetais. Le Groupe Néo 56, acteur local majeur de l’insertion, a rejoint le groupement pour la partie emploi.

La réponse conjointe de ces 3 acteurs au lot de curage a permis de proposer au groupe immobilier une prestation complète et novatrice, alliant dépose sélective, tri fin sur chantier et insertion. Cette coopération entre acteurs locaux autour de ce chantier de déconstruction a été un facteur majeur de réussite du projet.

Des ressources utiles à tous

Ce bâtiment de 5 500m² a nécessité 10 semaines de chantier pour la dépose sélective (d’avril à mai 2022), à une moyenne de 15 employés. Cette prestation a consisté à démonter de manière soignée tous les matériaux pouvant être valorisés (parquet, faux plafond, luminaires, sanitaires…) puis d’organiser les filières de réemploi de ces matériaux.

Parmi les 750 tonnes de matériaux déposés sur le chantier, 95% ont pu être valorisés dont 33% ont pu être réemployés.

Une partie est réemployée par le groupe immobilier pour de futurs chantiers de construction. L’autre partie a été proposée, de manière complémentaire, sur le site en ligne de la start-up vannetaise Ty Waste, et en physique lors d’une vente éphémère ouverte à tous, qui s’est déroulée en extérieur, sur le site du chantier.

Le reste des matériaux a été stocké en prévision de l’ouverture d’une recyclerie de matériaux de construction, portée par l’association Economie Circulaire 56 et qui ouvrira à Vannes en décembre 2022.

Communiquer pour essaimer les pratiques

La communication qui a été faite sur ce 1er chantier de déconstruction sélective, via des articles de presse, relayés sur les réseaux sociaux, a mis en évidence l'intérêt du grand public et des collectivités pour ce sujet.

Un petit-déjeuner inter-acteurs a également été organisé sur le site du chantier, afin de mettre en avant cette prestation collaborative innovante et amorcer le dialogue entre différents acteurs : groupe immobilier, élus, maîtres d'œuvre, entreprises de recyclage, organisations professionnelles du BTP, bailleurs sociaux…

D’autres chantiers de dépose sélective sont déjà prévus dans le Morbihan, notamment à la demande de bailleurs sociaux, déjà proactifs sur ces sujets.

La communication autour de ces chantiers de dépose sélective et du réemploi de matériaux se crée progressivement dans les différents réseaux professionnels et de l’économie sociale et solidaire. Cela amène des communes, collectivités ou opérateurs régionaux à manifester leur intérêt et leur souhait de contribuer à cette nouvelle manière de déconstruire.

Un article signé Elena GUEGAN (EC-56 - bénévole) et relu par Laëtitia PAMART (EC-56 - cofondatrice et coordinatrice des chantiers de déconstruction) 


Article suivant : La logistique et le foncier : des enjeux clefs pour la réussite des démarches territoriales d’économie circulaire


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