Outils juridiques et stratégie de mise en conformité au dispositif Éco Énergie Tertiaire

Rédigé par

Justine Bain-Thouverez

Avocate Associée chez LLC & Associés | Docteur en Droit Public Responsable du Pôle Affaires / Energie | Experte en droit de l’Energie et de l’Environnement

1495 Dernière modification le 07/04/2023 - 12:00
Outils juridiques et stratégie de mise en conformité au dispositif Éco Énergie Tertiaire

 

Face à une accélération du calendrier réglementaire, les obligations énergétiques résultant notamment du dispositif Éco Énergie Tertiaire (DEET), influencent de manière croissante la valeur des actifs immobiliers qui doivent suivre une trajectoire conforme pour répondre aux nouveaux standards de marché, mais également maintenir la qualité d’usage de ce bien face au risque climatique et la hausse des prix de l’énergie. 

C’est la pérennité de cette qualité d’usage qui garantit la valeur verte. 
Cette stratégie de « durabilité » conditionne l’élaboration de nouveaux modèles juridiques visant à garantir que la performance environnementale et financière ne soit pas constatée qu’à la réception du bâtiment ou à sa rénovation, mais soit régulièrement renouvelée. 
C’est dans ce contexte et face à ces exigences nouvelles de marché et de durabilité que de nouveaux modèles juridiques et financiers émergent plaçant en leur cœur les outils juridiques pour garantir cette valeur verte.

Quels sont les outils juridiques de répartition des responsabilités au titre du DEET ?

Beaucoup expriment leur incompréhension voire une forme de fatalisme dans le cadre de l’application de ces textes relatifs au DEET qui n’organisent pas la répartition des obligations entre bailleur et preneur. 
En effet, la répartition des obligations est déterminée par la relation contractuelle entre bailleur et preneur ce qui implique de manière indispensable une analyse des baux qui conduit à identifier deux situations contractuelles. D’une part, les baux soumis à la loi PINEL imposant des obligations d’information (inventaire des travaux prévus et à venir, inventaire et répartition des charges notamment multi occupation, etc) et d’autre part, les baux conclus avant la loi Pinel, pour lesquels il conviendra d’appliquer la clé de répartition de droit commun selon une dichotomie directrice : l’entretien est à la charge du preneur et les grosses interventions sont à la charge du bailleur (article 606 et 1719 du code civil). Il en ressort des présomptions de responsabilité dans les baux concernant la partie qui a pris la responsabilité des actions de performance énergétique. 
Ces éléments exposés permettent de souligner que nous ne sommes donc pas démunis face à l’application du décret. Il faut s’intéresser aux baux et les auditer car ils vont être une source d’informations importantes sur la répartition des obligations et des responsabilités. 
Cette analyse doit notamment, directement ou indirectement, permettre de déterminer qui a la charge des obligations de reporting, de la réalisation et du financement des travaux de performance énergétique, mais également la répartition de la valeur en résultant en termes d’économies d’énergies et financières. 

Une fois cette analyse contractuelle établie, comment concrètement mettre en œuvre les actions ? Quels sont les outils contractuels que l’on peut déployer ?

Les entités assujetties disposent d’abord d’outils contractuels de mise en conformité de leurs situations via l’adoption de clauses contractuelles visant à la répartition des ou encore l’usage d’une annexe environnementale établi sur le modèle existant. 
L’usage de l’annexe environnementale aux fins d’application du décret éco énergie tertiaire présente en effet un double intérêt : (1) la facilitation de la négociation des services envisagés et (2) possibilité de contractualiser ensuite plus facilement des actions de performance énergétique entre le bailleur et le preneur. A cet égard, l’annexe environnementale est un outil contractuel pertinent en vue de la contractualisation de contrats de performance énergétique qui permet de prévoir des engagements pour une durée dépassant la durée du bail commercial et de contribuer à cette stratégie de durabilité qui conditionne elle-même la valeur verte de l’actif immobilier.

Comment utiliser ces leviers contractuels de performance sans faire augmenter les coûts de ses exploitations ? 

Les actions de performance énergétique impliquent fréquemment des investissements de long terme pour des valeurs actuelles nettes et des taux de rentabilité interne très variables. Les obligations réglementaires (en particulier celles du DEET) obligent notamment les acteurs concernés à mettre en œuvre à court terme des économies d’énergie conséquentes (-40% d’ici 2030) et imposent donc dans une large mesure de mobiliser des investissements importants .
La disparité des contraintes d’investissement invite généralement les porteurs de projets à les prioriser en fonction des gisements d’économies d’énergies identifiés, et par conséquent en fonction de la libération de valeur économique que ces gisements permettront. Ainsi, les gisements permettant la réalisation marginale d’économies d’énergie la plus haute par euro investi seront priorisés par rapport à ceux à la rentabilité moindre. Cette « libération » de valeur générée par les économies d’énergie (les bénéficiaires des actions de performance énergétique disposent d’une espace budgétaire plus important du fait de la réduction de leurs dépenses de fonctionnement) permet également en tout ou partie d’amortir les investissements et sous certaines circonstances de constituer des mécanismes de financement. En cela l’intracting constitue une bonne illustration de cette approche.

La rénovation énergétique apportant une nouvelle valeur à l’actif, comment la répartir entre les bailleurs et les locataires ?

Le texte ne définit pas de clé de répartition des responsabilités bailleur/preneur d’une part parce que la répartition est contractuelle sur le fondement du régime des baux et du Code civil (travaux entretien courant/grosses interventions), d’autre part parce que la valeur ajoutée, l’économie d’énergie en découlant profite de manière variable aux bailleurs ou aux preneurs: si les biens incorporés par le preneur à l’immeuble objet d’un bail deviennent la propriété du bailleur, cela incluant les économies d’énergie générées, la valeur en résultant doit être intelligemment répartie entre parties pour tenir compte de la durée des baux et du bénéfice réel de cette valeur, du degré de performance énergétique réalisé ou de la stratégie patrimoniale globale à travers la notion d’unité fonctionnelle et la compensation des sites entre eux. En fonction de la stratégie d’investissement projetée, les parties pourront répartir cette valeur, au travers d’une modulation des loyers par exemple, ou de tout autre levier contractuel permettant de compenser les efforts réalisés et tenir compte des économies d’énergie. 

 

Un article signé Justine Bain-Thouverez, LLC & Associés


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