Observatoire National des CPE : enseignements et typologies de 500 CPE publics et privés sur 6 ans

Rédigé par

pascal LEBRETON

2484 Dernière modification le 06/04/2023 - 12:00
Observatoire National des CPE : enseignements et typologies de 500 CPE publics et privés sur 6 ans


Le Contrat de Performance Énergétique (CPE) est un outil en plein essor, adapté à l’atteinte d’objectifs d’économies d’énergie dans le bâtiment. L’Observatoire National des CPE qui analyse les conditions de ce développement depuis 6 ans désormais, présente ici une synthèse de ses travaux et l’état du marché national du CPE public comme privé.

Un observatoire pour étudier le marché national du Contrat de Performance Énergétique

Depuis 2016, l’ADEME, le CSTB et le Cerema se sont réunis au sein de l’Observatoire National des Contrats de Performance Énergétique pour conduire une analyse du marché français du CPE et valoriser les retours d’expérience. L’ensemble des données citées dans cet article ainsi que les documents produits par l’observatoire sont librement téléchargeables sur le site « observatoirecpe.fr ».

Un panel de plus de 500 CPE

Les analyses de l’observatoire reposent notamment sur un panel d’environ 400 CPE publics issus d’une veille des publications obligatoires au BOAMP (Bulletin officiel des annonces de marchés publics) et complétée par nos partenaires ainsi que par certains maîtres d’ouvrages volontaires. A partir de 2020, l’Observatoire de l’Immobilier Durable (OID) a intégré l’Observatoire National des CPE, ce qui a permis de compléter ce panel avec plus de 120 CPE privés mis en œuvre essentiellement sur le parc immobilier tertiaire. La richesse de cette base de données permet aujourd’hui de dresser une image non exhaustive, mais toutefois assez représentative de l’état du marché national des CPE. Cette approche chiffrée est également complétée par la rédaction d’études de cas portant sur quelques opérations significatives. 

Des CPE publics dynamisés par l’introduction de nouveaux marchés globaux

Il ressort de cette étude que le nombre de CPE publics recensés a connu une progression lente mais continue depuis les premières opérations identifiées. Compte-tenu de l’importante représentation des collectivités au sein du panel, cette progression a connu de nombreux incidents que l’on peut facilement attribuer aux influences des différents cycles électoraux ainsi qu’aux évolutions du droit de la commande publique. Sur ce dernier point, les événements les plus marquants semblent être, à partir de 2015, une disparition des CPE réalisés en partenariats publics privés et la très rapide émergence, à partir de 2011, des marchés dit « CREM » remplacés par les marchés globaux de performance à partir de 2016. Ces nouveaux marchés globaux, introduits par le décret du 25 août 2011 pour offrir un outil spécifiquement adapté à la contractualisation de CPE, ont donc été plutôt bien accueillis par les acheteurs publics.

Une bonne représentation des grosses collectivités

Parmi les maîtres d’ouvrages publics qui ont recours aux CPE, les collectivités territoriales sont logiquement les plus représentées avec 63 % des dossiers. A noter que les CPE des Conseils Régionaux et Départementaux sont généralement de grande taille car ils regroupent souvent plusieurs sites portant notamment sur plusieurs collèges ou lycées. Les communes apparaissent également très nombreuses ; toutefois leur représentation (presque 19 % du panel) reste très inférieure à ce que l’on pourrait attendre compte-tenu de leur poids relatif au sein du paysage institutionnel français. Il semble donc que la mise en œuvre de CPE semble encore considérée comme trop complexe par de nombreuses collectivités de petite taille. Concernant l’Etat, ce sont les services des armées qui constituent les plus gros utilisateurs des CPE avec notamment de nombreuses opérations d’envergure portant sur la réhabilitation énergétique globale de casernes, de camps ou de bases militaires.

L’importance du rôle des acteurs locaux pour le développement des CPE des petites communes

On peut observer une inégale répartition du nombre de CPE publics sur le territoire français. Avec 27 % des CPE publics recensés, la région Auvergne Rhône Alpes occupe la première place du podium loin devant l’île de France, les Hauts de France et l’Occitanie. Cette prédominance n’est pas due au hasard mais illustre parfaitement l’importance des politiques locales d’aide et d’assistance à la mise en œuvre de CPE. En effet, les efforts conjugués de l’ADEME régionale pour le financement des études préalables, d’Auvergne Rhône Alpes Energie Environnement (AuRA-EE) pour l’animation du réseau d’acteurs et de la Société Publique Locale OSER pour l’assistance opérationnelle, ont permis de rendre le CPE accessible à de nombreuses petites collectivités de cette région.

Des objectifs d’amélioration de la performance qui s’échelonnent de 17 à 40 %

Pour les besoins de l’analyse, l’Observatoire a réparti les opérations en trois catégories distinguant les CPE services, essentiellement structurés autour d’une amélioration du pilotage, les CPE équipements qui comprennent l’amélioration et le pilotage des équipements, et les CPE globaux qui ajoutent aux deux premiers des travaux sur l’enveloppe. Si les CPE globaux affichent logiquement un objectif moyen d’amélioration de la performance de 39,7 %, les CPE plus légers offrent déjà un niveau d’objectif non négligeable avec une moyenne de 16,7 % pour les CPE services et de 23,3 % pour les CPE équipements.  

De grandes différences entre CPE publics et privés

Même si la définition du CPE est commune aux maîtres d’ouvrages publics et privés, les différences de contexte ont conduit à des pratiques professionnelles très différentes.
Ainsi, et contrairement aux maîtres d’ouvrages publics, les gestionnaires de patrimoine privé ont rarement une vue de long terme sur la composition de leur patrimoine car les durées de détention des biens sont courtes (comprises entre 5 à 12 ans environ). Il s’ensuit que les CPE privés ont une durée moyenne plus faible (entre 1 et 4 ans) que les CPE publics (entre 8 et 10 ans). La durée plus faible des CPE privés a des conséquences directes sur leur nature puisque 92 % du panel de CPE privés est composé de CPE services (contre seulement 10 % des CPE publics). Fort logiquement, les objectifs énergétiques affichés par les CPE privés sont moins ambitieux que pour les CPE publics puisque l’amélioration des consommations énergétiques estimées s’élève à 13 % (cependant, cette mesure a été faite en période COVID et sera à confirmer lors d’analyses ultérieures).
Autre différence fondamentale, les CPE privés sont essentiellement mono site afin de faciliter une éventuelle transaction des biens sous CPE alors que les CPE publics sont le plus souvent multi-sites (pour 65 % du panel). 

Une influence indirecte sur tout le secteur de la construction publique

Globalement, le nombre de CPE recensés par l’Observatoire reste faible au regard du volume total des réhabilitations thermiques et énergétiques réalisées sur la même période. Cela s’explique en grande partie par les difficultés de recensement de contrats dont la qualification de CPE est rarement mentionnée explicitement dans les documents de consultation. Le nombre réel de CPE doit ainsi être bien supérieur au seul panel recensé.
Cependant, l’influence réelle des CPE sur la transition énergétique du bâtiment public déborde très largement le cadre de leur seule importance numérique. En effet, si l’article 5 de la loi du 3 août 2009 demandait à modifier le droit de la commande publique afin de créer de nouveaux marchés adaptés aux CPE, ces derniers ont rapidement débordé l’objectif initial.  Ainsi les REM/CREM ont, dès l’origine, embarqué d’autres performances que celles liées à l’énergie. Plus tard, les marchés globaux de performance, qui leur ont succédé en 2016, ont étendu la logique contractuelle et la méthodologie du CPE au secteur de la construction neuve.
De fait, les CPE ont ainsi suscité une profonde mutation du secteur de la construction et de la rénovation publique. Celle-ci s’est traduite par un rapide développement des marchés globaux de performance qui se sont multipliés jusqu’à devenir des outils majeurs de la transition énergétique du bâtiment.
Juridiquement, ces marchés ne peuvent pas toujours être qualifiés de CPE car ils ne sont pas systématiquement conformes à la définition qu’en donne la Directive européenne de 2012. Toutefois, marchés globaux de performance et CPE partagent toujours le même ADN fondé sur la contractualisation d’une obligation de résultat portant sur une performance globale et mesurable en conditions réelles de fonctionnement.



Article signé Pascal Lebreton, ONCPE


Article suivant : DEET : optimiser ses installations pour atteindre l’objectif 2030 - Pierre Murie 


Retour à la page d'accueil du dossier

 

Partager :