Mobilité aérienne et maritime : vers un nouvel âge décarboné

Rédigé par

Leonard / Matthieu Lerondeau

Head of Communications & Communities, Leonard

1578 Dernière modification le 16/09/2021 - 09:35

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Après une conférence dédiée à la place de l’hydrogène dans la mobilité terrestre et ferroviaire, la 5ème conférence du cycle hydrogène, organisé par Leonard en partenariat avec la Société d’Encouragement pour l’Industrie Nationale et la Fondation Energy Observer, s’est tournée vers la mobilité aérienne et maritime. L’occasion de revenir sur le contexte, les enjeux et les projets autour de l’intégration de l’hydrogène dans ces secteurs.


Animée par Jean-Pierre Cordier, Vice-président de la Société d’Encouragement pour l’Industrie Nationale, la conférence a donné la parole à Éric Delobel, Directeur technique chez VINCI Airports, Christophe Arnold, New Energies Infrastructure Manager chez Airbus et Victorien Erussard, fondateur et capitaine de l’Energy Observer, premier bateau à hydrogène du monde.

Les secteurs aérien et maritime face au défi de la transition bas carbone


Tout comme les autres secteurs de la société, les transports aérien et maritime font face au défi de la transition bas carbone. Ils doivent répondre aux attentes des politiques publiques à l’échelle mondiale, mais aussi des citoyens, qui demandent des engagements environnementaux de plus en plus poussés (tels que le Green Deal Européen ou encore le plan neutralité carbone de la Chine, cités par Éric Delobel). Or, « les secteurs aériens et maritimes sont des secteurs polluants », constate Christophe Arnold. Par exemple, illustre Victorien Erussard, le transport maritime émet « environ 1 gigatonne de carbone par an ». Ce dernier représente en effet « 10,7 milliards de tonnes de fret chaque année, soit 85% du commerce mondial ». En plus d’être « très consommateur de carburant », ce secteur émet également une pollution sonore qui peut perturber les écosystèmes marins. Il en va de même pour l’aviation, qui consomme du carburant, produit du carbone et impacte la faune aérienne.

Ainsi, ces deux secteurs ont entrepris leur transition, notamment établissant des objectifs bas carbone sur le long terme. Pour le maritime, détaille Victorien Erussard, l’Organisation Maritime Internationale (OMI) a fixé un objectif de réduction de 50% des émissions de gaz à effet de serre du trafic mondial d’ici 2050 (par rapport à celles de 2008). Les entreprises du secteur prennent également leurs responsabilités. VINCI Airports, par exemple, a axé sa politique environnementale sur trois piliers : carbone et énergie, économie circulaire et valorisation des ressources naturelles. Le Groupe souhaite atteindre la neutralité carbone à horizon 2050, précise Éric Delobel.

Les leviers du bas carbone


Les secteurs maritimes et aérien peuvent compter sur trois leviers principaux afin de se tourner vers le bas carbone : la conception et la logistique autour des appareils, l’énergie utilisée et enfin les liens entre les acteurs des filières.

Conception et logistique


Les intervenants ont tous souligné l’importance de travailler sur le renouvellement de la flotte des avions et des bateaux en circulation. En effet, le design des appareils permet de diminuer leurs besoins énergétiques. Par exemple, selon Christophe Arnold, les industriels travaillent sur des « avions plus légers, qui consomment 20% à 30% de moins de kérosène ». Victorien Erussard, de son côté, insiste sur la nécessité d’innover « sur le design de la coque des bateaux ».

La maîtrise des processus de circulation des appareils permet également de jouer sur leurs émissions carbone. Pour les avions, il faut « faire attendre les avions moins longtemps en l’air avant l’atterrissage » et « travailler sur le temps de roulage », expliquent respectivement Christophe Arnold et Éric Delobel. Pour le transport maritime, il est nécessaire de « réduire la vitesse des bateaux » complète Victorien Erussard.

Changer de modèle énergétique : vers l’hydrogène


Le modèle énergétique des secteurs de l’avion et du maritime est au cœur de leur transition bas carbone. Les intervenants ont particulièrement mis en avant la nécessité de développer le recours aux carburants durables et l’amélioration du rendement énergétique des appareils.

Plusieurs sources de carburants alternatifs ont été passées en revue lors de la conférence. Christophe Arnold a notamment évoqué « les biofuels » (dont l’usage pour l’aviation demeure limité « parce qu’ils entrent en concurrence avec d’autres secteurs comme l’agriculture »), « les carburants de synthèse » et bien entendu « l’hydrogène », qui apparait comme l’avenir du transport bas carbone. Dans l’aviation, ce dernier pourrait être valorisé de deux façons :

  • Soit en produisant du kérosène de synthèse bas carbone « grâce à l’hydrogène créé à partir d’électricité bas carbone ».
  • Soit un utilisant l’hydrogène « comme carburant direct dans les avions ».

Victorien Erussard, pour sa part, confirme le rôle de l’hydrogène dans la transition bas carbone du maritime. Il conseille également de s’intéresser à l’ammoniac. Enfin, il met en garde contre l’utilisation du GNL, dont le processus de production et de distribution est encore source de pertes de méthane importantes.

Parmi les différentes formes que peut prendre l’hydrogène, les intervenants penchent plutôt pour le liquide. En effet, selon Christophe Arnold, « l’hydrogène liquide prend moins de place, ce qui permet d’en stocker plus dans un avion pour un trajet ». Cependant, précise Éric Delobel, « nous pensons qu’il faudra passer par l’hydrogène gazeux d’abord pour ensuite être au point sur l’hydrogène liquide à l’horizon 2035 ». Pour les bateaux, Victorien Erussard mise plutôt sur « le mix énergétique » : de l’ammoniac vert pour « le transport hauturier de grande puissance » et de l’hydrogène liquide « pour les bateaux de croisières ».

L’hydrogène pose des enjeux réglementaires, techniques, opérationnels et économiques, auxquels les filières doivent faire face. Eric Delobel l’illustre en prenant l’exemple de VINCI Airports. En tant qu’opérateur aéroportuaire, le groupe doit garantir la sécurité des passagers et composer avec des normes « drastiques et précises (enjeu réglementaire). Or, « l’arrivée de l’hydrogène rebat complètement les cartes » de ces normes. De plus, VINCI Airports doit assurer l’interface entre les acteurs des complexes aéroportuaires (enjeu technique). Introduire l’hydrogène dans le secteur aérien demande de bien faire le lien entre la production, le stockage et la mise a bord de l’hydrogène. Le temps de recharge de l’avion en hydrogène pose également question (enjeu opérationnel). Dans l’idéal, « un avion doit pouvoir faire un aller-retour sur la plateforme aéroportuaire en moins de 30 minutes. Il faut donc être capable de « débarquer et embarquer les passagers sur ce temps tout en rechargeant l’avion en hydrogène ». Enfin, le secteur doit faire face au coût de l’hydrogène liquide ou gazeux (enjeu économique).

Créer un véritable écosystème industriel


Enfin, les intervenants s’accordent sur l’importance que tous les acteurs de ces secteurs travaillent de concert. Pour Christophe Arnold, « nous avons besoin que tous les acteurs de l’industrie travaillent ensemble. Nous devons établir le modèle dès maintenant » : « il faut accorder l’industrie, construire ensemble, confirmer la mission de l’avion ». Éric Delobel complète : « pour faire du secteur aérien un secteur décarboné, il nous fait travailler tous ensemble et sur l’ensemble des leviers ». Compagnies aériennes, manufacturiers d’avions, etc., tous les acteurs doivent être impliqués. Il en va de même pour le secteur du transport maritime.

Quels seront les avions, aéroports et bateaux de demain ?


Les intervenants ont présenté les différents projets en cours dans leur secteur, permettant ainsi de donner à voir ce que seront les avions, aéroports et bateaux de demain.

Par exemple, Airbus développe actuellement trois types d’avions à hydrogène :

Le « Turboprop », d’une capacité de 100 passagers pour 1800km, avec un moteur hybride utilisant de l’hydrogène liquide.
Le « Turbofan », capable d’embarquer 200 personnes sur une distance de 4000 km, équipé lui aussi d’un système de propulsion hybride.
Le « Blended-Wing Body », le concept le plus prometteur des trois d’après Christophe Arnold, mais également le plus long à développer. En effet, cet avion propose une nouvelle forme (fusion de l’aile et du fuselage) et un nouveau système de propulsion à hydrogène.
VINCI Airports, de son côté, travaille sur des nouvelles générations d’aéroport. L’objectif, détaille Éric Delobel, est « de faire de nos plateformes aéroportuaires des véritables hubs à hydrogène » et « de créer un réseau hydrogène au niveau européen ». Le groupe souhaite ainsi « développer des installations de production, stockage et distribution d’hydrogène gazeux et liquide vert au sein de l’aéroport », « favoriser l’usage de l’hydrogène vert au sein et autour de l’aéroport dans une logique de massification » (installation de bornes pour véhicules individuels, taxis, transports en commun, poids lourds) et « accueillir sur nos infrastructures les futurs aéronefs à hydrogène liquide vert ».

Enfin, Victorien Erussard a dressé un état des lieux des projets hydrogène dans le secteur maritime. D’après lui, les projets et réalisations liés à l’hydrogène sont environ une vingtaine dans le monde, soit un chiffre peu élevé. Une bonne partie d’entre eux sont situés en Europe. Parmi ces projets, EODev (à l’origine du bateau Energy Observer) travaille actuellement sur l’Energy Observer 2, qui a pour vocation d’expérimenter de nouveaux usages énergétiques (hydrogène, ammoniac, pile à combustible à haute température, etc.) ainsi qu’un renouvellement du design des bateaux. Conçu par un consortium de partenaires industriels français, sur un chantier naval français, l’Energy Observer 2 sera un cargo polyvalent, d’une longueur prévisionnelle de 80m. Il sera présenté officiellement lors de l’exposition universelle 2022, à Dubaï.

Tous ces projets montrent que les acteurs de l’aviation et du maritime sont conscients des enjeux et commencent à s’organiser. Cependant, la transition doit encore s’accélérer : « des expériences à grande échelle sont impératives et urgentes », conclut Victorien Erussard.

Actualité publiée sur Leonard - Vinci
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