Massifier la rénovation grâce aux modélisations énergétiques et environnementales : l'exemple de "Rennes 1 Campus 2030"

Rédigé par

Eduardo Serodio

Ingénieur énergéticien - co-gérant

3820 Dernière modification le 30/09/2022 - 15:17
Massifier la rénovation grâce aux modélisations énergétiques et environnementales : l'exemple de


L’université Rennes 1 a engagé le plan « Rennes 1 Campus 2030 » qui vise à rénover l’intégralité de ses sites en l’espace de quinze ans. Nous présenterons dans cet article comment le bureau d’étude Indiggo a mis en œuvre un processus BIM pour la réalisation des études thermiques et d’analyse de cycle de vie du projet. Ce retour d’expérience illustre l’utilisation des passerelles développées depuis plus de 10 ans par IZUBA énergies depuis divers outils de CAO et formats d'échange ouverts vers Pleiades, son logiciel d'écoconception des bâtiments.


Raccourcir les étapes de saisie pour que les simulations nourrissent la conception


Le processus de conception énergétique et environnementale des bâtiments passe par une série de modélisations à différents stades de la conception, de l'esquisse à la réception : modélisations thermique, énergétique, d'éclairement naturel, de la qualité de l'air intérieur, analyse du cycle de vie. Ces modélisations ont pour objet la simulation de variantes de conception pour guider les choix ou la vérification réglementaire.

Disposer de ces modélisations rapidement, dès les premières phases de la conception participe à la bonne collaboration entre architectes et bureaux d'études. Les simulations peuvent alors influer directement sur ces premières étapes de conception, où les leviers d'action sur la performance sont les plus importants.

Dans cette optique d’interaction rapide et pour éviter les longs temps de saisie, les professionnels ont besoin de s’appuyer sur un flux de travail BIM efficace entre les outils de CAO et les outils métiers concernés.
 

Une analyse spécifique de la géométrie pour l’étude thermique


Pour la simulation thermique, le modèle à établir doit comporter des pièces, des parois et leurs adjacences, des caractéristiques thermiques, des masques et des ponts thermiques. Une bonne partie de ces éléments peuvent être extraits de la maquette numérique.

Les outils de CAO proposent des exports de la géométrie et des données thermiques dans des formats d’échange ouverts (IFC ou gbXML notamment), mais les problèmes d’interprétation lors de l’export sont courants et la lecture de ces fichiers pose problème : absence des caractéristiques thermiques, volumes non fermés, murs saisis via plusieurs objets juxtaposés, mauvaise gestion des espaces techniques (joints de dilatation ou gaines techniques), erreurs dans les calculs des surfaces, volume ou adjacences, non-respect des standards gbXML ou IFC4, absence des ponts thermiques.

Pour parvenir à une analyse thermique correcte des fichiers exportés, des contraintes de saisie assez fortes doivent être imposées au modélisateur initial. L’expérience montre que ces protocoles de saisie ne sont pas tenus.


Rendre au bureau d’étude la maîtrise de la maquette analytique thermique


Ainsi, la promesse initiale d’une maquette unique adaptée à toutes les études n’est pas tenue. Nous assumons désormais la distinction entre la maquette géométrique et des maquettes analytiques propres à chaque métier, notamment la thermique. Nous avons pour cela cherché à rendre la maîtrise de la maquette analytique thermique au thermicien, via une nouvelle voie d’interopérabilité.

Tout d’abord, la saisie des caractéristiques et l’analyse de la géométrie peuvent être réalisées directement dans une optique thermique dans l’outil CAO, dans notre cas via un plugin Pleiades intégré à Revit. L’import est ensuite effectué dans l’outil métier Pleiades Modeleur qui a été complété par des outils d’analyse et de correction de la maquette. On obtient en fin de processus une maquette analytique thermique « propre », prête pour les divers calculs disponibles : simulation thermique dynamique, éclairement naturel, RE 2020… 

L’approche n’est pas limitée à Revit, des maquettes aux formats gbXML et IFC, issues d’autres outils de CAO peuvent également être importées, analysées et corrigées, toujours avec un protocole de saisie simple et peu contraignant.


Retour d’expérience sur le projet « Rennes 1 Campus 2030 »

Le bureau d’étude Inddigo a utilisé cette passerelle sur le projet « Rennes 1 campus 2030 », projet pilote de rénovation thermique de 16 bâtiments pour le compte de l’Université Rennes 1.

Pour ce projet, des maquettes numériques au format Revit ont été fournies par le maître d’ouvrage. D’abord établies par un géomètre, ces relevés ont montré des problèmes de qualité et ont été complétés par un scan laser. L’approche en rénovation de la façade par l’extérieur par préfabrication nécessitait en effet un haut niveau de précision. Disposer d’une maquette numérique de qualité, établie selon un cahier des charges rigoureux est ici un préalable indispensable.

Le bureau d’études Inddigo a utilisé l’export depuis le plugin Pleiades dans Revit vers Pleiades Modeleur qui a donné de très bons résultats. La géométrie de 7 bâtiments, pour un total de 28 000 m², a été bien récupérée, avec assez peu d’erreurs à corriger. L’économie de temps de saisie, déduction faite de la correction des maquettes après import, peut être évaluée à 3 à 4 jours dans cette configuration plutôt idéale.

Le processus ne s’est toutefois pas déroulé sans aucun problème : quelques décalages de niveaux ont dû être corrigés dans Pleiades Modeleur et la maquette initiale ne comportait pas de caractéristiques thermiques, elles ont été ajoutées ensuite dans Pleiades.

Ces modélisations rapides ont permis de mener très tôt les études de simulation thermique dynamique nécessaires à la conception énergétique de la rénovation : simulation du bâtiment avant travaux et des différents scénarios de rénovation.

Pour les étapes suivantes de la conception, la maquette physique du projet a évolué, rendue plus précise par les architectes. La question de la cohérence entre la géométrie recalée et les études thermiques s’est posée. Le bureau d’étude a préféré conserver et faire évoluer « à la main » la première maquette thermique, d’une part parce qu’il n’a pas été possible d’utiliser la fonction de synchronisation prévue dans Pleiades et d’autre part car cela permettait de mieux suivre l’évolution des performances du projet au fil de la conception, sans perturbations liées à l’évolution de la précision de la maquette.

Les plans de repérage disponibles dans Pleiades, mis en parallèle des plans archis ont été utilisés pour vérifier les typologies de parois et de menuiseries, ce qui a contribué au contrôle de qualité de la maquette.
 

Dans le cadre de la démarche de commissionnement sur le projet, il a ensuite été demandé au bureau d’étude d’injecter dans la maquette physique les données issues du calcul thermique. Pleiades assure pour le moment la remontée de résultats de calcul au niveau des pièces : débits de ventilation et puissances chauffage et climatisation. Pour les caractéristiques thermiques des parois, l’enrichissement de la maquette a été réalisé à l’aide d’un tableur de correspondance entre les objets Revit et les bibliothèques de Pleiades, puis par l’injection dans la maquette sous forme de paramètres personnalisés. Un export au format IFC de la maquette analytique thermique aurait évité ce travail fastidieux, tout en répondant au besoin de collaboration et de mise à disposition des données.
 

L’analyse de cycle de vie : inventaire des composants et lien avec les données environnementales


Avec l’entrée en vigueur de la RE2020, l'analyse de cycle de vie devient l’une des évaluations phares de la performance des bâtiments.

Pour cette évaluation, le modèle à établir est constitué d’un inventaire complet des quantités des composants du bâtiment et de sa parcelle, classés selon un allotissement réglementaire dans le cas d’une étude ACV RE2020 et associées à une donnée environnementale qui permet de récupérer les impacts environnementaux unitaires. Ici encore, la maquette numérique peut apporter une aide précieuse.


Une complétude de la modélisation BIM compatible avec l’évaluation ACV ?


Pour l’établissement des quantités, les nomenclatures d’objets présentes dans les outils de CAO peuvent être exploitées. Le niveau de complétude de l’inventaire ainsi constitué dépend cependant des éléments présents dans la maquette. Dans la pratique, il est rare qu’une maquette présente en phase amont tous les composants nécessaires à une étude complète selon le cadre réglementaire. Les lots structurels (lot 2 et 3), cloisons et doublages (lot 5) et façades (lot 6) sont souvent bien modélisés. Les autres lots le sont rarement dans les premiers stades de conception. 
 

Toute source de donnée est cependant la bienvenue et les quantités issues de la maquette numérique constituent une première source de quantitatifs.

A noter que pour une évaluation réglementaire, les composants doivent être classés selon un système d’allotissement prédéfini de 13 lots et sous-lots. Cette information absente de la maquette numérique doit également être ajoutée à chaque élément de l’inventaire. 

De même, le niveau de détail de la maquette, également nommé « Level Of Development » ou LOD, a un impact sur la possibilité d’en extraire un inventaire utile pour l’ACV. Un niveau de détail de type LOD 300 ou 350 est la plupart du temps suffisant et compatible avec les unités fonctionnelles des données environnementales utilisées pour la modélisation ACV. Il faut par exemple connaître les différentes couches d’une paroi opaque et ne pas seulement disposer d’une épaisseur globale.
 

Associer la donnée environnementale


En complément des quantités, chaque composant présent dans la maquette doit être associé avec une donnée environnementale. Dans le cadre d’une évaluation ACV RE 2020, c’est dans la base INIES que ces données sont répertoriées : ce sont les FDES, les PEP et les données par défaut (DED).

Ces données peuvent être présentes dans la maquette numérique si les objets utilisés pour sa modélisation disposent de propriétés environnementales, telles que définies dans le dictionnaire national de propriétés POBIM.
 


Le standard IFC dispose également de propriétés prédéfinies par BuildingSmart prévues pour contenir les données environnementales, il s’agit des jeux de propriétés « Pset_EnvironmentalImpactIndicators » et « Pset_EnvironmentalImpactValues ». 

Dans la pratique, les maquettes utilisées disposent encore très peu de ces propriétés et l’association avec une donnée environnementale doit être réalisée par le bureau d’étude en charge de l’ACV. Elle est à ce jour réalisée directement dans le module RE 2020 ACV de Pleiades, elle pourra être prochainement réalisée directement sur la maquette numérique via le plugin Revit. 

La publication en avril 2022 de la norme ISO 22057, qui fournit des modèles de données pour l’utilisation des déclarations environnementales en BIM devrait conduire à une meilleure intégration de ces données dans les maquettes numériques.
 

Retour d’expérience sur le projet « Rennes 1 Campus 2030 »


L’ACV a été faite sur ce projet de manière très classique en associant des données environnementales à des quantités issues des DPGF du projet. Le bureau d’étude Inddigo a préféré cette solution qui sécurise l’étude du point de vue contractuel : les quantités issues des DPGF sont celles qui font foi lors d’un éventuel contrôle. 

Le bureau d’étude confirme que les quantités issues du modèle géométrique peuvent être extraites depuis la maquette et alimenter l’inventaire ACV en phase amont, quand les DPGF ne sont pas encore disponibles. Ces quantités sont toutefois jugées moins fiables et précises qu’une DPGF, établies par le savant savoir-faire d’un économiste.

Conclusion

Ce retour d’expérience confirme l’amélioration de la maturité des échanges BIM pour l’évaluation énergétique. Le gain de temps sur la saisie facilite la collaboration entre architectes et bureaux d’étude qui peuvent consacrer leur temps à la conception. Ce flux de travail efficace passe par une maquette analytique thermique maîtrisée par le bureau d’étude et distincte de la maquette géométrique. Pour l’évaluation ACV, l’extraction de quantités depuis le modèle géométrique est une voie prometteuse pour établir l’inventaire des composants à modéliser dès les phases amont du projet. 

La fluidité des échanges peut encore progresser : une meilleure normalisation des formats d’échange et leur respect plus strict par les logiciels améliorera la qualité des transferts. Des travaux ont lieu en ce sens au sein d’un groupe de travail d’éditeurs au sein de l’association BuildingSmart. 

Dans Pleiades, les prochaines évolutions envisagées vont dans le sens d’un plus haut niveau d’échange BIM : export de la maquette analytique thermique au format IFC et récupération des quantités et des impact environnementaux depuis le modèle Revit.

Un article signé Eduardo Serodio d'Izuba énergies et Adrian Larsonneur d'Inddigo.


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