L'humain dans le bâtiment vu par un médecin

Rédigé par

Suzanne DEOUX

Directrice Associée

5701 Dernière modification le 12/11/2018 - 08:30
L'humain dans le bâtiment vu par un médecin

L’homme est un être fragile. Un abri contre les intempéries et les dangers est, pour lui, une nécessité vitale. Le bâtiment doit donc remplir les fonctions essentielles et conjointes de protection et d’espace de vie permettant les activités humaines domestiques, professionnelles, récréatives, etc… Ainsi, il convient de mettre l’homme au cœur de la réflexion du bâtiment responsable et durable.

L’être humain dépend de son environnement. Cette dépendance le rend vulnérable aux caractéristiques de ses différents espaces de vie. C’est encore plus vrai pour les enfants et particulièrement pour les tout-petits. Face aux diverses sollicitations environnementales, notre organisme s’adapte constamment, mais plus ou moins bien selon les spécificités de chacun. La santé est vraiment une éco-adaptation réussie. En conséquence, le bâtiment ne peut être source de trop grands efforts d’adaptation.

Comment le bâti, notre premier environnement, nous sollicite-t-il en permanence ?

  • Par la respiration, nous sommes en contact permanent avec notre environnement. La qualité des 15 000 litres d’air inhalés chaque jour conditionne le transfert direct de nombreux composés atmosphériques vers le sang et tous nos organes.
  • Par nos sens, nous percevons les caractéristiques de nos différents espaces de vie. Les sens sont en lien étroit avec le système nerveux végétatif, notre « pilote automatique » qui régule, sans que nous en soyons conscients, les différentes fonctions vitales de l'organisme (digestion, respiration, circulation artérielle et veineuse, pression artérielle, sécrétion et excrétion). 
    Ainsi la lumière naturelle ne sert pas qu’à voir. Elle synchronise les différents rythmes biologiques. Ne se préoccuper que du confort visuel est donc une approche trop restreinte.
    Il en est de même de l’environnement sonore (ouïr) qui, par l’intermédiaire du système neuro-végétatif, a un impact sur la tension artérielle. Les expositions au bruit, surtout nocturnes sont ainsi corrélées avec un risque d’hypertension artérielle et une déstructuration du sommeil. Ces effets dépassent largement la notion du seul confort acoustique sans gêne subjective.
  • Le toucher ne jouit pas de la même attention que la vue et l’ouïe, considérés comme des sens nobles, des sens sociaux parce qu’ils permettent de communiquer à distance. Pourtant premier sens développé chez l’homme, le toucher doit être impérativement intégré, par exemple, dans la conception des bâtiments accueillant des enfants. Le besoin de sécurité et d’hygiène ne doit pas évacuer la dimension sensible et émotionnelle du toucher. Le tout-petit prend contact avec son environnement en le touchant. Pour son éveil, toucher est aussi important que voir. Le lien établi entre la main et le cerveau est fondamental. Le bâti doit donc être un espace à toucher. 
    Si tout commence par la sensibilité tactile, l’odorat apparaît en second lors de la vie fœtale. Sens chimique, la stimulation nerveuse est amorcée par certains composés volatils odorants véhiculés par l’air. Sentir une odeur est la conséquence de la respiration qui ne peut être évitée. C’est un sens qu’on ne peut contrôler, sinon partiellement en se bouchant le nez ! Ce caractère inéluctable de l’odeur est de plus en plus exploité à des fins commerciales pour créer des réflexes conditionnés d’achat de produits parfumés, même pour l’entretien des bâtiments. Ce marketing olfactif n’est pas sans poser divers problèmes de qualité de l’air intérieur. Les produits avec des fragrances florales, fruitées, forestières, iodées… n’améliorent pas le nettoyage mais dispersent dans l’air des concentrations de plus en plus élevées de composés organiques volatils, surtout des aldéhydes et des terpènes dont les potentialités irritantes et allergisantes interrogent.
    La sensorialité n’est qu’une partie de toutes les sollicitations sensibles reçues par l’organisme.
  • Par la sensibilité généraleou somatique, notre environnement apporte à notre corps de nombreuses informations indispensables. D’une part, la sensibilité extéroceptive, dite plus communément sensibilité cutanée ou superficielle, a plusieurs polarités : sensibilité vibrotactile dite d’exploration, sensibilité à la fois de protection et de perception au froid, au chaud. D’autre part, la sensibilité proprioceptive, véritable sens spatial, est la grande oubliée de la qualité environnementale des bâtiments. Le principe du vivant est d’être en mouvement. Le corps sent et comprend l’espace par sa position, son déplacement et la situation des différents segments des membres les uns par rapport aux autres. Cette sensibilité profonde reçoit les informations des récepteurs situés dans les muscles et les articulations.
  • Par l’environnement électromagnétique, des interactions avec le corps humain s’effectuent sans l’intermédiaire de structure spécifique. Les rayonnements électromagnétiques créés artificiellement par l’homme dépassent aujourd’hui ceux qui existent naturellement depuis des millions d’années à la surface de la Terre. La sensibilité des enfants est l’une des interrogations majeures des expositions électromagnétiques et impose l’application du principe de précaution pour les limiter le plus possible que cela soit aux extrêmement basses fréquences des installations électriques ou aux hyperfréquences des téléphones mobiles.
  • Par l’eau, aussi indispensable à la vie que l’air, l’homme compense sans cesse les quantités qu’il perd par son métabolisme, ses activités physiques et la chaleur de son environnement. Indispensable à l’hygiène du corps et du bâtiment, l’eau dans des pays développés comme la France, est soumise à une surveillance continue pour écarter les maladies liées aux pollutions hydriques qu’elles soient microbiologiques ou chimiques. C’est le produit alimentaire le plus contrôlé. Sa qualité ne peut donc être détériorée à l’intérieur des bâtiments, par son transfert dans des canalisations ou des équipements qui pourraient y disperser divers polluants.

Article signé par Suzanne Déoux, MEDIECO, ingénierie de santé dans le cadre bâti et urbain

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