Les jeunes français de la "génération Y" sont-ils moins enclins à la voiture ?

1414 Dernière modification le 23/03/2020 - 09:09
Les jeunes français de la

La "génération Y" née après 1980 est-elle moins attirée par la voiture? Dans un article paru récemment dans une revue internationale en transport, un chercheur du Cerema interroge le rapport des jeunes français à la voiture. Sont-ils réellement moins enclins que leurs aînés à posséder leur propre véhicule ? Utilisent-ils moins la voiture et si oui, vers quels modes se reportent-ils ? Quelles sont les causes de ces évolutions ? Eléments de réponses...

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Actualité de l'Equipe projet de recherche ESPRIM : Perturbations et la Résilience des systèmes de Mobilité
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Il apparaît que si les jeunes utilisent moins la voiture que leurs aînés, et davantage les transports collectifs, c’est avant tout parce qu’ils mettent davantage de temps à entrer dans la vie adulte. Les études sont prolongées, l’entrée sur le marché du travail et la fondation d’un foyer s’en trouvent différées.

Cela se traduit par une évolution des schémas résidentiels qui rendent les nouvelles générations moins dépendantes à l’automobile, au moins en début de vie adulte. Cependant, comme les nouveaux comportements traduisent surtout une évolution des conditions de vie, la baisse de l’usage de la voiture pourrait ne pas durer.

 

Quel rapport des jeunes à la voiture?

Afin de mieux comprendre cette tendance et d’anticiper son évolution, cette étude réalisée par un chercheur de l’équipe de recherche ESPRIM du Cerema, dont le fil directeur est l’analyse des modalités d’adaptation des comportements des acteurs de la mobilité confrontés aux perturbations, s’appuie simultanément sur une revue de littérature recensant l’ensemble des études déjà publiées sur le sujet, et la compilation des résultats d’enquêtes locales sur les déplacements des ménages réalisées depuis 2009 en conformité avec la méthodologie standard du CEREMA (EMC2), réunies dans une base de données unifiée.

Il s’agissait notamment de déterminer dans quelle mesure ces générations présentent effectivement un nouveau rapport à la voiture, avec quel impact potentiel sur les comportements de mobilité, et quel est le poids relatif des conditions de vie et des contraintes économiques par rapport aux attitudes et aux préférences individuelles dans cette tendance à moins utiliser la voiture.

Dans le premier cas en effet, l’inflexion des comportements est susceptible de présenter un caractère transitoire, dans l’hypothèse d’un retournement des conditions économiques tandis qu’une évolution des mentalités pourrait avoir un effet plus durable.

L’analyse est constituée à la fois d’une partie descriptive et d’une partie ayant recours à la modélisation. Pour chaque cohorte générationnelle, on représente en fonction de l’âge plusieurs batteries d’indicateurs portant respectivement sur

  • Les comportements de déplacements : proportion d’individus possédant une voiture ou le permis, taux d’usagers quotidiens de la voiture, nombre moyen de voyages par jour en voiture comme passager…
  • Les conditions de vie : taux d’emploi, proportion d’étudiants, de célibataires, de parents, de résidents en centre-ville...
  • Les opinions : vis-à-vis de la construction de parkings, de la place du vélo, de la restriction des voitures en ville, ou sur les différents modes de transport.

 

Un rapport à la voiture lié aux différentes contraintes

L’étude a montré qu’un changement de comportement était bien observé au sein de la "génération Y" des adultes nés à partir des années 1980, avec une tendance à une moindre possession et utilisation de la voiture, principalement au bénéfice des transports collectifs. Toutefois, les attitudes de la génération Y ne diffèrent pas fondamentalement de celles de leurs aînés au même âge, de sorte que l’évolution des comportements semble surtout s’expliquer par celle des conditions de vie.

On montre également que les effets de génération s’atténuent fortement quand d’autres facteurs structurels sont contrôlés, et qu’au-delà de 25 ans, les comportements des jeunes tendent à s’aligner sur ceux des générations précédentes. Le recours régulier aux transports en commun reste toutefois davantage utilisé par les générations d’après 1980, surtout après 1985.

Les choix résidentiels, de mobilité et de motorisation étant en partie corrélés, il peut s’avérer utile de les représenter comme le résultat d’un processus de décision conjoint plutôt que comme des décisions séparées. Par exemple, le choix de résider en cœur de ville pourrait être en partie guidé par une préférence pour l’utilisation des transports en commun, ce qui conduirait à surévaluer l’influence attribuée à la localisation dans l’explication des comportements de mobilité.

Au final, il semble que le principal moteur du changement dans les comportements de mobilité quotidienne soit lié à l’activité professionnelle, ainsi qu’au lieu d’habitat. En effet, l’absence de contraintes professionnelles et familiales liée au prolongement des études dans les générations nées après 1985, incite à garder un mode de vie urbain plus longtemps, en réduisant le besoin de motorisation.

Cette évolution se traduit dans les choix résidentiels, avec une concentration croissante des jeunes adultes dans les zones les plus denses, dans les cœurs de ville des métropoles. La préférence des jeunes adultes pour la centralité et les grandes villes n’est pas nouvelle, et s’explique habituellement par la concentration des établissements d’enseignement supérieur et des emplois hautement qualifiés, et l’attrait pour les sorties extérieures au domicile. Toutefois, cette concentration pourrait s’être renforcée avec la métropolisation.

D’autres facteurs pourraient également contribuer à expliquer cette évolution des schémas résidentiels en début de cycle de vie, en particulier la pression croissante du monde professionnel, des conditions de transport dégradées en lien avec l’allongement des temps de parcours, ou encore des évolutions dans les préférences résidentielles et les styles de vie désirés, indépendamment de la question des choix de transport. Une évaluation plus précise de ces différentes hypothèses impliquerait en tout état de cause des recherches plus approfondies.

 

Des questions qui restent à étudier

Au regard de ces éléments explicatifs, Il existe une incertitude sur le caractère durable du recul de la voiture avec la progression dans le parcours de vie.

Pour approfondir ce sujet, d’autres questions mériteraient également de faire l’objet d’un examen plus précis :

 

1. Le rôle possible de contraintes économiques renforcées:

Ces contraintes économiques sont susceptibles d’expliquer pourquoi l’utilisation de la voiture persiste à être légèrement en retrait par rapport aux générations précédentes au-delà d’un certain âge, en lien avec le niveau de chômage, des ressources insuffisantes, la précarité des emplois ou le coût d’autres postes budgétaires, le logement par exemple.

Dans ce cas, les bénéfices environnementaux attendus d’une réduction de l’usage de la voiture représenteraient une forme de "victoire à la Pyrrhus", obtenue seulement au détriment de la cohésion sociale. Les enquêtes ménages déplacements ne permettent pas réellement de traiter cette question en raison de l’absence du revenu dans les variables explicatives, ce qui impliquera de passer par d’autres sources de données.

 

2. Liens de causalité:

Certains liens de causalité demeurent incertains. Ainsi, si les attitudes contribuent à expliquer les comportements, elles pourraient également évoluer en fonction des expériences de mobilité individuelles, ce que le modèle proposé ne permet pas de prendre en compte à l’heure actuelle.

 

3. Homogénéité des évolutions comportementales:

Les évolutions de comportements ne sont probablement pas homogènes au sein de la génération Y qui présente la caractéristique d’être très fragmentée, entre les résidents des "cœurs de ville", des "banlieues populaires" ou de la "France périphérique".

Une meilleure connaissance des comportements et des attitudes de mobilité des jeunes adultes résidant dans les espaces peu denses de la "France périphérique" (espace rural, petites villes et villes moyennes, zones périurbaines…) est essentielle.

Ces derniers sont en effet contraints de résider dans les zones périphériques, au regard des coûts résidentiels associés à un habitat en cœur de ville, ce qui les amène à devoir assumer les coûts de la dépendance automobile, potentiellement cumulés avec des difficultés socioprofessionnelles et financières, tout en subissant des injonctions de plus en plus impérieuses à la "mobilité verte".

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Crédit photo : Cerema Sud Ouest

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