Les images satellite pour cartographier les îlots de chaleur urbains

4159 Dernière modification le 02/04/2020 - 10:19
Les images satellite pour cartographier les îlots de chaleur urbains
Avec des épisodes de chaleur de plus en plus fréquents depuis 30 ans, de nombreuses problématiques urbaines apparaissent : surmortalité (+ 141 % à Paris en 2003), vulnérabilité des infrastructures et des réseaux urbains, dégradation des conditions de confort… Quand le réchauffement climatique s’additionne à l’augmentation de la population et à la densité urbaine, les îlots de chaleur urbains (ICU) se multiplient et gagnent en intensité. Pour décrire ce phénomène, le Cerema a mis en place une méthode cartographique basée sur un traitement automatisé d’images satellitaires.

Le phénomène d’îlot de chaleur urbain (ICU) est une surélévation de la température de l’air dans le centre d’une agglomération par rapport aux zones rurales environnantes, et il peut accentuer l’impact néfaste des canicules en matière d’inconfort thermique extérieur voire de risque sanitaire, et de charge de refroidissement des bâtiments. Lors de la canicule de 2003, l'écart constaté des températures entre le centre de Paris et la périphérie était de 8°C.

 

UNE MÉTHODE POUR LES ACTEURS DE L'AMÉNAGEMENT

Cartographie des zones climatiques locales à Nancy
Classification des LCZ à Nancy.

Le Cerema a développé et testé une méthode de cartographie des îlots de chaleur urbains (ICU), dans le cadre d'une thèse réalisée par l'université de Lorraine, et intitulée "Caractérisation des îlots de chaleur urbain par zonage climatique et mesures mobiles : Cas de Nancy". La méthode est en expérimentation sur les métropoles de Lille et de Clermont-Ferrand.

Basée sur un travail de recherche, puis transposée dans un cadre opérationnel, cette méthode s’adresse aux collectivités et aménageurs, et plus largement à tous les acteurs du territoire. Elle vise à fournir des outils et des indicateurs pour mieux caractériser et comprendre le phénomène d’ICU, cibler les enjeux associés, éclairer la planification urbaine, orienter les futurs aménagements…

L'outil de diagnostic des îlots de chaleur urbains permet :

  • de déterminer les zones sensibles pour mettre en place une démarche de réduction des îlots de chaleur,
  • de prendre en compte la configuration du quartier pour de nouveaux projets d'aménagement,
  • d'intégrer le confort thermique dans la conception et l'aménagement des espaces urbains.

 

CARTOGRAPHIER LES ZONES CLIMATIQUES LOCALES ET LES ENJEUX

Les imageries satellites ou aériennes permettent d’obtenir des cartographies de températures de surface de la ville. Cela nécessite de passer des températures de brillance aux températures de surface, en connaissant l’émissivité des matériaux.

La méthode de cartographie des îlots de chaleur urbains (ICU) s’appuie sur le concept de Local Climate Zones (LCZ). Les îlots urbains sont décrits en 17 classes correspondant à des zones climatiques et caractérisés par des indicateurs liés à la morphologie des rues et du bâti, à la nature et l’occupation du sol.

Partant de cette classification, le Cerema utilise des images Pléiades qui présentent un double intérêt:

  • avec des images livrées à 50 cm de précision, les objets urbains sont plus finement analysables
  • les satellites Pléiades permettent d’obtenir des images stéréoscopiques, traitées par l’IGN qui fournit, sur demande du Cerema, un modèle numérique de surface (MNS). Ce MNS permet d’enrichir la classification LCZ initiale en intégrant de nouveaux indicateurs associés aux données du sur-sol (bâtiments, routes, végétation…).
carte des zones climatiques de Bordeaux métropole

Pour obtenir ces nouveaux indicateurs, des chaînes de traitement et des algorithmes d’intelligence artificielle ont été développés. A partir de bases de données exogènes (BD Topo de l’IGN, Urban Atlas utilisée par Copernicus…) et d’une méthode d’apprentissage par échantillons, les traitements fortement automatisés minimisent l’intervention humaine.

La typologie des zones climatiques urbaines (17 classes) est de plus en plus précise, notamment sur le plan géométrique (morphologies urbaines).

En associant la classification LCZ à des traitements automatiques, le Cerema a la capacité de fournir de nombreux supports d’analyse : cartographie de vulnérabilité des populations croisée avec la localisation des ICU (croisement entre des tranches d’âge estimées à risque et les ICU), indicateurs de vulnérabilité énergétique associée à l’âge du bâti…

Les résultats s’avèrent pertinents pour les grandes et moyennes agglomérations de France métropolitaine. Les cartes produites permettent d’étayer les documents de planification et d’aménagement (délivrance d’un permis d’aménager / de construire, élaboration d’un Schéma Régional d'Aménagement, de Développement Durable et d'Égalité des Territoires (SRADDET)...)

 

AVANTAGES ET LIMITES DE LA MÉTHODE

Les avantages...
  • Pour analyser finement des objets urbains à l’échelle d’une métropole, les images Pléiades sont bien adaptées : acquisition d’une métropole en un passage, images échantillonnées à 50 cm, stéréoscopie…. En revanche, pour une analyse à l’échelle régionale, mieux vaut utiliser des images provenant de satellites à résolution moins fine.
  • La classification LCZ est reconnue à l’échelle internationale : cette méthode cartographique enrichie par les images satellitaires est reproductible dans de nombreux pays.
  • Les images Pléiades traitées par l’IGN sont facilement superposables à la base de données cartographiques Urban Atlas. Une couverture sur toutes les villes européennes de plus de 50 000 habitants, gratuite et simple d’accès est disponible sur le site de Copernicus.
  • A la suite des expérimentations concluantes menées sur trois métropoles françaises (Nancy, Lille et Bordeaux), cette méthode de cartographie des ICU peut être aisément dupliquée sur d’autres grandes et moyennes agglomérations.
 
Les limites...
  • Créer des algorithmes à partir d’images satellitaire reste complexe. Même si les algorithmes évoluent (affinage au fur et à mesure des expérimentations, rapidité de calcul des ordinateurs…), ils doivent avoir un taux de sensibilité élevé pour s’adapter à des clichés hétérogènes (ombres des bâtiments, faible éclairement en hiver, etc.).
  • Le développement d’une méthode de traitement automatisé des images Pléiades nécessite du temps de recherche et d’expérimentation.
  • Comme pour toute interprétation d’images satellitaires, les résultats doivent être accompagnés tout au long de la chaîne de valeur, du géomaticien au planificateur / aménageur. L’objectif est d’éviter tout contre-sens de fond sur la donnée.

Crédit photo : Julien Borean via Unsplash

Article publié sur Cerema Actualités
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