Les espaces verts comme dispositifs de rafraîchissement urbain

6098 Dernière modification le 23/12/2019 - 09:36
Les espaces verts comme dispositifs de rafraîchissement urbain

En France, toutes les villes de plus de 50000 habitants doivent mettre en œuvre un Plan Climat Air Energie Territorial. L’objectif est de réduire les émissions de gaz à effet de serre pour limiter l’impact du changement climatique et d’adapter le territoire au changement climatique. Il s’agit donc entre autre pour les villes d’être plus résilientes face aux canicules, exacerbées par le phénomène d’îlot de chaleur urbain (ICU), nom donné à la différence de température entre les centres urbains et les campagnes environnantes. La végétation en ville, arborée ou herbacée, est une solution bien connue des collectivités locales pour atténuer localement l’ICU.

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Certaines villes vont même aujourd’hui au-delà du simple objectif de rafraîchissement urbain en réfléchissant à la création l’îlot de fraîcheur où les habitants pourraient se ressourcer en période de canicule. La création de parcs urbains est donc un des principaux objectifs des villes pour traiter cette problématique, d’autant plus qu’ils ont un potentiel pour rafraîchir l'air au-delà même de leur propre enceinte. Mais pour que ces mesures soient efficaces, encore faut-il savoir dans quelle proportion cette fraîcheur est créée et surtout comment elle se diffuse au travers des quartiers avoisinants.

De nombreuses campagnes de mesures, menées par des chercheurs en micro-climatologie urbaine, ont permis de mettre en évidence que la température de l'air augmente généralement avec la distance à la périphérie d'un parc. Néanmoins, les mécanismes et paramètres influençant la diffusion de fraîcheur engendrée par un parc ont encore été peu étudiés.

Le Centre de Recherche Nantais Architectures Urbanités[1] (CRENAU) et l'Institut de Recherche en Sciences et Techniques de la Ville[2] (IRSTV) s’intéressent à la modélisation du microclimat urbain.

L’objet d’une de leurs études a été de caractériser l’effet de la configuration d’un parc et de son environnement urbain sur la diffusion de la fraîcheur engendrée par un espace vert. Une étude paramétrique a été réalisée en utilisant des outils de simulation numérique (mécanique des fluides) afin de déterminer les liens existants entre la morphologie de l’environnement urbain, la vitesse du vent et la diffusion de la fraîcheur. Pour cela, la surface de rafraîchissement[3] a été déterminée pour différentes configurations de quartier (densité de bâtiments[4], hauteur de bâtiment et rapport d’aspect[5]), vitesses de vent et paramètres intrinsèques au parc (dimension et forme du parc).

L’analyse des résultats de simulation a permis de faire les observations suivantes :

  • Plus la taille d’un espace vert est importante, plus le refroidissement engendré par chaque mètre carré de parc est prononcé (on parle d’une augmentation de l’efficacité du rafraîchissement du parc).La surface de fraîcheur générée par chaque mètre carré de parc augmente également avec la taille de l’espace vert (Figure 1). En comparaison, l’effet de la forme et de l’orientation de l’espace vert est négligeable par rapport à l’influence de sa taille.
  • Contrairement à ce que certains résultats de la littérature montrent, la densité de bâtiment ne semble pas être un paramètre déterminant dans le phénomène de diffusion de fraîcheur : l’augmentation de sa valeur peut soit augmenter ou soit diminuer la taille de la surface refroidit selon la stratégie adoptée pour la densification. 
  • L’augmentation du rapport d’aspect (à hauteur et densité de bâtiments constantes) accentue le processus de refroidissement. C’est pourtant un paramètre qui a rarement été identifié dans la littérature comme un paramètre impactant.
  • Au-delà d’un certain seuil, la hauteur des bâtiments semble canaliser le flux d’air frais dans les rues et donc renforcer l’effet diffusif.  Cet effet de seuil a été mis en évidence dans notre étude mais n’a pas fait l’objet de l’identification précise d’une valeur. Il est fort probable qu’il dépende de la vitesse du vent.
  • Le nombre de bâtiments (représentatif de la fragmentation d’un tissu urbain) concentrés autour d’un espace vert s’avère être un paramètre déterminant pour la bonne diffusion de fraîcheur. Une relation presque linéaire a été établie entre la surface rafraîchie et le nombre de bâtiments présents dans le quartier entourant le parc. Le nombre de bâtiments mais aussi d’autres indicateurs relatifs à la fragmentation de la ville (par exemple la direction des rues ou des bâtiments et la disposition des bâtiments entre eux) peuvent être des indicateurs intéressants, et devraient selon nous faire l’objet de travaux futurs.
  • Lorsque la vitesse de vent est faible la surface de rafraîchissement (telle que définie dans cette étude) augmente (Figure 2).

 

Figure 1: Surface de rafraîchissement fonction de la vitesse de vent. Source : Bernard et al. (2017)

 

Figure 2: Température d'air pour une vitesse de 0.5m/s (gauche) et de 2m/s (droite). Source : Bernard et al. (2017)


Pour en savoir plus sur la méthodologie mise en œuvre et les résultats obtenus, l’article scientifique complet est disponible au téléchargement (en libre accès) à l’adresse suivante : 
www.mdpi.com/2225-1154/6/1/10/pdf

Article rédigé par Auline Rodler, Jérémy Bernard, Benjamin Morille

[1] http://aau.archi.fr/crenau/

[2] https://irstv.ec-nantes.fr/

[3] Surface horizontale dont la température à 2 m est au moins inférieure de 1°C à la température ambiante (définit dans cette étude à 35°C). Cette surface est le résultat de la diffusion de la fraîcheur générée par l’espace vert pour une morphologie urbaine donnée.

[4] Ratio entre la surface couverte par le bâtiment et celle du quartier (à laquelle on a retiré la surface du parc)

[5] Ratio entre la hauteur des bâtiments et la largeur d’une rue

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