[Entretien] Les collectivités locales, figures de proue des investissements pour la transition écologique ?

Rédigé par

Leonard / Matthieu Lerondeau

Head of Communications & Communities, Leonard

1056 Dernière modification le 22/06/2020 - 15:49
[Entretien] Les collectivités locales, figures de proue des investissements pour la transition écologique ?

Les politiques de relance actuelles sont au cœur des débats sur le modèle économique qui façonnera le monde post-Covid. Relance verte, relance grise, comment doivent-être orientés les investissements pour poursuivre et même accélérer la transition écologique ? Quel rôle ont à jouer l’Etat et les collectivités locales ? Rencontre avec Antoine Guillou, responsable énergie-climat et membre du comité éditorial du think tank Terra Nova, invité par Leonard, le laboratoire ouvert du futur des villes et des infrastructures de VINCI, à l’occasion de la conférence « Financer la transition des villes et des territoires, vers un Plan Marshall ? ».

Quel rôle ont les collectivités à jouer dans le financement de la transition écologique et énergétique ?

Lorsque l’on étudie les sources d’émissions de gaz à effet de serre, on voit qu’une partie importante d’entre elles dépendent directement ou indirectement des collectivités territoriales. Directement au travers du parc immobilier ou de véhicules qu’elles possèdent par exemple, et indirectement par les politiques sur lesquelles elles ont la main, comme le transport et l’urbanisme. A ce titre, et au titre de plus gros investisseurs publics en France, les collectivités territoriales sont donc au premier plan pour mener des actions de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Elles doivent pour ce faire mobiliser davantage les outils dont elles disposent, notamment sur les politiques d’urbanisme, qui sont un moyen d’influencer les modes de vie et l’organisation des villes et des territoires. Les collectivités ont ainsi la capacité d’agir pour inciter ceux qui vivent et travaillent sur leur territoire à réduire leur demande en énergie, et donc leurs émissions de gaz à effet de serre. Avant même la production d’énergies renouvelables, c’est sur ce volet de la sobriété et de l’efficacité énergétique que les collectivités ont un rôle clé à jouer.

La conjoncture actuelle est-elle propice aux investissements verts ?

Non seulement la transition écologique est une nécessité, mais avec le faible coût de l’endettement actuel, c’est aussi une opportunité de relance. Certaines collectivités disposent des capacités nécessaires pour investir, comme la Ville de Paris qui a levé en 5 ans plus de 600 millions d’euros par le biais d’obligations vertes. Mais dans leur ensemble les collectivités ne pourront investir qu’avec un accompagnement et des mesures incitatives de la part de l’Etat, a fortiori dans le contexte actuel. Ce dernier doit envoyer des signaux forts, qui passent notamment par une évolution des normes et des réglementations, notamment dans le secteur du bâtiment. L’Europe a elle aussi un rôle à jouer, non seulement en définissant des normes ambitieuses – sur les véhicules par exemple - mais aussi en édictant un cadre de régulation financière en faveur des investissements verts.

Antoine Guillou

Comment accroître la capacité d’investissement des collectivités territoriales ?

Même si elles peuvent déjà mobiliser un certain nombre de leviers non-financiers, les collectivités ne disposent pas d’une capacité d’investissement suffisante par rapport aux enjeux. Avec Terra Nova nous avons proposé la création par l’Etat, et à destination des collectivités, d’une dotation pour la transition écologique. Celle-ci pourrait être financée par deux canaux principaux :

  • Une partie des revenus de la taxe carbone, à condition que celle-ci puisse reprendre sa trajectoire de hausse : cela supposerait que l’autre partie des revenus soit attribuée directement aux ménages modestes pour éviter qu’ils ne soient pénalisés.
  • Le dispositif des Certificats d’Economie d’Energie (CEE), financé par les fournisseurs d’énergie et alimentant un certain nombre de programmes d’investissements, encore peu utilisés par les collectivités locales.

Cette dotation permettrait de réduire les inégalités de moyens entre collectivités, tout en assurant leur indépendance vis-à-vis de l’Etat. Cette dotation devrait en effet être attribuée sans autre condition que d’investir dans la transition écologique : les collectivités devraient ensuite rester entièrement libres d’investir dans les projets qu’elles considèrent les plus bénéfiques pour les besoins de leur territoire. Le Président de la République a récemment souligné la nécessité de trouver un nouvel équilibre dans les responsabilités respectives de l’Etat et des collectivités locales : la transition écologique ne fait pas exception !

De quels autres moyens l’Etat pourrait-il doter les collectivités pour réduire les inégalités ?

L’Etat et les régions disposent de moyens d’ingénierie et d’expertise dont la plupart des petites collectivités sont dépourvues. Afin d’accélérer la transition écologique, il est nécessaire de mutualiser ces moyens et de les rendre aisément accessibles. Il s’agirait notamment de faciliter la mise à disposition, sur demande des collectivités, des compétences des opérateurs de l’Etat comme l’Ademe ou le Cerema. Il faut également interroger certains systèmes de péréquation existants qui fonctionnent par secteur, par exemple dans l’électricité ou le gaz, et non par logique territoriale. Cette organisation peut nuire à la capacité d’initiative des collectivités. Sans tomber pour autant dans un kaléidoscope de régies locales autonomes – qui présentent d’autres défauts – il serait sans doute possible d’inventer un nouveau modèle conciliant autonomie des collectivités et solidarité entre territoires. Terra Nova développe cette réflexion dans une note proposant la création d’un « service public de la sobriété énergétique ».

 

Propos recueillis par Mathilde Driot, Construction21

 

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De septembre 2019 à mai 2020, Leonard vous invite à explorer les transitions engagées et celles qui restent à entreprendre dans les territoires et les métiers de la construction et des concessions pour relever les défis imposés par l'impératif de la transition climatique. 

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