Les clés d’une bonne exploitation des réseaux de chaleur à base de géothermie

Rédigé par

Coline HUARD

2322 Dernière modification le 26/01/2023 - 20:00
Les clés d’une bonne exploitation des réseaux de chaleur à base de géothermie

Pour être au rendez-vous de ses objectifs de réduction en émission de gaz à effet de serre et l’augmentation de la part EnR&R dans la mixité énergétique, la France peut s’appuyer sur ses connaissances dans la valorisation de la chaleur géothermique. Déjà exploitée à hauteur de 2,4 TWh dans le Bassin parisien, en Alsace et Aquitaine, la géothermie dite profonde présente un fort potentiel de développement en France. Une bonne exploitation des réseaux existants et futurs participera à l’atteinte des cibles de la programmation pluriannuelle de l’Energie. 

Mais de quelle géothermie parle-t-on ?

La géothermie, en tant que ressource énergétique d’un réseau de chaleur, consiste à prélever l’eau contenue dans le sous-sol pour alimenter les usagers en chauffage et eau chaude sanitaire au travers d’une centrale de production et d’un réseau de distribution. Cette ressource, disponible en grande quantité, varie selon la profondeur de puisage. La géothermie dite superficielle ou « très basse énergie » permet d’obtenir des températures en têtes de puits à environ 30°C pour des profondeurs de quelques centaines de mètres. La géothermie « basse énergie », utilise une ressource plus profonde (jusqu’à 2 000 mètres) à une température pouvant atteindre 90°C. Au-delà, il est question de géothermie dit « moyenne énergie » qui exploite des gisements d’eau sous pression dont la température est comprise entre 90° et 180°C. 

La technologie dite « basse énergie » s’est fortement développée en Ile-de-France depuis les années 80, grâce notamment à la nappe du DOGGER, présente dans le sous-sol du Bassin Parisien dont la température varie entre 60 et 80°C. Exploitée aujourd’hui par une cinquantaine de réseaux de chaleur pour l’équivalent de 250 000 logements, cette nappe propose un fort potentiel de croissance par l’influence des collectivités, syndicats et entreprises privées.

Bien qu’ayant une expérience éprouvée dans l’exploitation de la ressource, son optimisation se doit de respecter un principe fondamental à savoir : la recherche d’une température de retour des réseaux de chaleur la plus basse possible.

Comment valorise-t-on la géothermie ? 

Le principe général à respecter pour le développement des réseaux de chaleur à base géothermique consiste à l’abaissement de la température de retour général du réseau. Intrinsèquement lié à la capacité de valorisation géothermale, chaque degré gagné permet de maximiser l’énergie récupérée sur les puits. Pour les réseaux exploitant la chaleur géothermale « basse énergie », les retours « directs » doivent donc être à la température la plus basse possible pour optimiser le COP de la centrale géothermique. A titre d’exemple, pour une géothermie moyenne d’Ile de France, 5°C gagnés sur les températures de retour permet un gain de 3 points sur le COP (énergie thermique/consommation électrique de pompage) en centrale.   

La mise en œuvre de pompes à chaleur couplé à une bonne exploitation peut permettre de diminuer encore la température de retour et limiter le recours aux appoints. C’est en gardant en mémoire ce principe que doivent être pilotés les réseaux de chaleur existants et que devront être conçues et contractualisées les futures opérations. 

Comment obtenir des températures de retour adaptées ?

Pour chaque nouvelle opération, l’objectif numéro n°1 doit être une conception adaptée à l’optimisation de la géothermie. Pour la production de chaleur en directe, minimiser l’écart entre la température des retours du réseau et la température de réinjection passe par des dimensionnements spécifiques des échangeurs à différents régimes de température et une attention particulière à l’équilibrage. Lors de l’intégration de pompes à chaleur, des montages type série / série inverse et ou série / parallèle pourront être mis en place pour optimiser leur COP et une réflexion précise devra être faite pour trouver l’optimum entre le besoin de température et le COP

En effet, satisfaire une augmentation des besoins de chaleur (temps froid, desserte de nouveaux abonnés, …) peut se faire en augmentant soit les débits soit les températures de départ. Alors que l’augmentation des débits peut présenter des limites en termes de capacité des équipements de distribution, l’augmentation des températures risque de nécessiter une augmentation des régimes de température au condenseur des PAC et une dégradation du COP. La maitrise de ce couple débit/température, en ayant éventuellement des approches différentes par antenne de réseau, est essentielle à l’optimisation des performances.

La distribution jusqu’aux abonnés ne doit pas être négligée et doit être adaptée au profil des consommateurs sur le réseau. C’est une analyse précise de la configuration des installations de chaque abonné qui sera la clef de cette optimisation. Localement, des réseaux trois tubes pourront être mis en œuvre afin d’utiliser les températures de retour des émetteurs haute température pour alimenter des bâtiments fonctionnant à plus faible régime de température. Chaque point de livraison devra être traité spécifiquement en favorisant l’épuisement local et la suppression des recirculations. Les équipements techniques choisis s’inscriront dans cette optique par la mise en place de pompes à débit variable, vanne de régulation, échangeurs spécifiques, etc. L’automatisation des installations et la conduite de celles-ci devront se faire par la mise en œuvre d’une analyse fonctionnelle spécifique et pour laquelle la supervision des installations sera le maître mot permettant de disposer d’un outil performant de pilotage de l’exploitation et sa supervision.  

En complément d’une conception adaptée, les phases réalisation et exploitation d’un réseau de géothermie sont exigeantes et spécifiques, et doivent ainsi être définies et encadrées contractuellement de manière particulière selon le mode de gestion et le montage juridique. Que ce soit dans le cadre d’une Concession de Service Public, d’un marché d’exploitation, d’un MPGP ou d’une Régie, la réussite d’une opération de géothermie associée à un réseau de chaleur dépend de la qualité de sa mise en œuvre et de son pilotage ; des objectifs qui doivent se traduire clairement par des engagements précis et détaillés dans un corpus contractuel adapté au montage juridique retenu. 

Par ailleurs, les échanges avec les abonnés ainsi qu’une pédagogie renforcée permettront d’appréhender les enjeux d’un raccordement à un réseau de chaleur géothermique. C’est au travers des polices d’abonnement et de conventions de raccordement incitant les abonnés à concevoir des installations à basse température qu’un raccordement sera optimisé. Pour le raccordement de bâtiments neufs à un réseau de chaleur géothermique, l’édition de cahiers de prescription, permettra, sans surcoût pour le futur abonné de disposer d’installations compatibles avec le réseau. Pour les bâtiments existants, il est indispensable de prévoir un travail approfondi pour adapter les installations existantes au raccordement et permettre une bonne livraison de la chaleur et optimiser l’exploitation globale du réseau. 
Enfin, la bonne conduite des installations par les équipes d’exploitation passe par une sensibilisation de celles-ci et leur bonne compréhension de la conception spécifique et des paramètres particuliers d’exploitation permettant l’abaissement des températures de retour et la valorisation géothermale. 

Quel gain lié à cette bonne exploitation ?

Par sa conception et son dimensionnement, aujourd’hui un réseau de chaleur géothermique ne subvient pas à l’ensemble des besoins de chaleur des abonnés sans avoir recours à une énergie fossile permettant l’appoint et/ou le secours du réseau. Cependant, une conception, réalisation et exploitation optimisées, permet de minimiser l’utilisation de ces compléments de production. Les avantages sont, à la fois économiques et environnementaux. De notre expérience, pour une opération d’environ 80 000 MWh/an, c’est-à-dire environ 10 000 équivalent-logements, gagner 5°C sur les températures retour d’un réseau de chaleur à base de géothermie (ressource à 70°C) c’est environ :

  • + 9% de part EnR&R sur le réseau, 
  • 900 k€HT/an de charges d’exploitation évitées (consommation de gaz, d’électricité principalement),
  • Et plus d’EnR&R disponible pour alimenter plus de logements. 

D’après les comparatifs économiques annuels réalisés par l’AMORCE, le prix de vente moyen de la chaleur d’un réseau à base de géothermie est significativement inférieur à celui des réseaux à base d’énergies fossiles grâce entre autres aux subventions du Fonds Chaleur gérés par l’ADEME qui rappelle dans sa démarche ENR Choix que le recours aux réseaux de chaleur est à privilégier ainsi que la ressource géothermale, en tant que ressource locale.

Les réseaux de chaleur géothermiques exploitant la géothermie « basse énergie » ont de beaux jours devant eux, si nous contribuons tous à en faire des vecteurs vertueux de la transition énergétique avec un coût de chaleur maîtrisé en veillant à une exploitation performante et durable.

Un article rédigé par Pierre Bignon, Maxime Lhenri et Coline Huard - MANERGY


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