[DossierFormation] #5 - Le réemploi, un défi de formation et de transformation !

Rédigé par

Coline BLAISON

4410 Dernière modification le 27/01/2021 - 12:16
[DossierFormation] #5 - Le réemploi, un défi de formation et de transformation !

D’après la dernière étude de l’ADEME sur les chiffres des déchets en 2020(1), il a été démontré que le secteur du BTP jette annuellement 58% de ce qu’il consomme. Face à ce constat, le bon sens voudrait que l’on jette moins afin de consommer moins de ressources et à nouveau de générer moins de déchets. Toutefois dans les pratiques quotidiennes ça n’est pas toujours simple à mettre en œuvre, qui plus est dans des projets immobiliers soumis à de nombreuses contraintes de délais, d’organisation et de budget, mais aussi juridiques et normatives. Pour ce faire, les méthodes doivent évoluer pour permettre l’intégration de démarches vertueuses dans les projets. C’est le cas de la démarche de réemploi des matériaux de construction qui permet à la fois de diminuer la production de déchets mais aussi l’impact carbone des projets et l’épuisement des ressources.

Le réemploi, un nouveau métier ? 

Le changement passe par la sensibilisation et plus encore la connaissance et les outils. La formation en est un. Pour que la démarche de réemploi soit un succès, l’ensemble des acteurs de l’immobilier doivent s’engager de l’aménageur au promoteur en passant par la maîtrise d’œuvre et l’entreprise de construction. Au regard de cette diversité d’acteurs, le partage de savoirs, d’expériences et d’outils devient indispensable.

Si la démarche est « en vogue » elle reste toutefois très minoritaire en volume et en valeur dans le secteur de la construction. C’est pourquoi il faut mobiliser le secteur dans son entièereté, sans pour autant imaginer que le chemin de la transformation soit si difficile. Ainsi les métiers du réemploi sont :

  • Le diagnostic : pour identifier les gisements,
  • La déconstruction : pour remplacer la démolition par une dépose sélective,
  • L’architecture et le design : pour trouver une seconde vie aux produits en développant une architecture ambitieuse et différenciée,
  • La caractérisation technique : pour sécuriser les performances des matériaux en vue de leur remise en œuvre quand cela est nécessaire,
  • La logistique : pour rivaliser avec les chaînes d’approvisionnement très efficaces en économie linéaire.

Tous ces métiers existent déjà, il n’y a pas de nouveaux métiers comme dans l’environnement ou le BIM qui viennent chambouler les rôles existants. Ajoutez à ces métiers : le courage de faire, l’ambition environnementale et la rigueur professionnelle : qui existent dans beaucoup d’entreprises et chez les professionnels du secteur !

 

 

Quelles compétences et nouveaux enjeux contractuels ?

Des compétences en études…

D’une part, si les métiers, rôles et responsabilités existent, il faut toutefois développer dans chacun de ces métiers un nouveau regard et de nouvelles compétences. Ainsi, tant dans les formations initiales du secteur que pour la formation continue, il faut repenser la question de la matière et de ses caractéristiques quand trop souvent on parle produit et performances. Ainsi, pour l’économie circulaire et le réemploi futur des produits qui pourront avoir plusieurs vies, les mises en œuvre collées ou encastrées pourront compromettre l’avenir de certains matériaux. La connaissance, voire la reconnaissance des matériaux est souvent la première étape de l’économie circulaire (Quelle pierre ? Quelle essence de bois ? Quel type de mortier ? Quelle mise en œuvre en fonction de la génération technique de l’immeuble ?). Cette connaissance est souvent l’apanage des professionnels expérimentés et il faut réussir à la diffuser chez les plus jeunes compagnons, ingénieurs et architectes qui n’ont pas acquis ces savoirs à l’école.

De plus, les réglementations évoluent dans le bon sens pour préserver l’environnement. On peut citer notamment l’évolution du diagnostic déchets avant déconstruction réglementaire vers un diagnostic étendu aux matériaux et produits et qui s’applique aussi aux projets rénovés. D’une part, les maîtrises d’ouvrage doivent être informées de ces évolutions et à travers eux l’ensemble des concepteurs qui ont aussi un rôle de conseil. D’autre part, les acteurs actuels du diagnostic déchets doivent alors faire évoluer leurs pratiques et leurs outils pour répondre à ces nouvelles obligations.

Par ailleurs, la construction est aussi un métier d’argent, avec ses économistes. La formation des prix et la composition de la valeur est souvent mal maîtrisée. Dans une chaîne de sous-traitance, la distinction de la main-d’œuvre et de la fourniture n’est pas toujours lisible dans une offre « fourni-posé ». Au-delà de cette comptabilité « boutiquière » viennent s’ajouter les externalités environnementales, prix du carbone, l’économie de la fonctionnalité, l’éco-participation… c’est ainsi en fournissant une vision économique complète que nous parviendrons à faire basculer les pratiques. 

 

…aux compétences chantier

Pour compléter ce panorama qui relève plutôt de l’éducation du regard, il faut aussi éduquer la main et le geste. La dépose sélective suppose une autre organisation du curage, une réflexion fonctionnelle, un outillage plus fin pour déposer une cloison ou un parquet que la masse et le burin. Une fois l’unité fonctionnelle identifiée, déposée, il faut encore l’entreposer et organiser les espaces de chantier pour préserver les matières ainsi mises de côté comme « précieuses » et devant être revendues. Le conditionnement et l’organisation logistique prennent alors une place significative sur le chantier de déconstruction. Ces compétences s’acquièrent, s’embauchent, se valorisent professionnellement et il faut espérer qu’un conducteur de travaux en économie circulaire soit valorisé et reconnu dans ses compétences nouvelles et qui n’enlèvent pas le besoin d'une solide maîtrise du métier. 

Pour éviter de devoir attendre l’arrivée sur le marché du travail dans 4 ou 5 ans d’une nouvelle génération professionnelle, il est capital d’opérer la transformation des métiers « sur le tas ». Dès la création de Cycle Up, nous avons souhaité établir une offre de formation pour les professionnels. D’une part, nous proposons un catalogue de formation, animé dans une logique ouverte, avec des confrères, des juristes, des designers… qui permet de mettre le pied à l’étrier des professionnels déjà en charge. D’autre part, de manière à articuler la montée en compétence pour une évolution rapide des pratiques, nous participons en outre aux MOOC, intervenons dans les formations d’ingénieurs et d’architectes, auprès des écoles, des fédérations professionnelles et des maîtres d’ouvrages. Chacun à un intérêt à agir dans la direction de l’économie circulaire et chacun a une part de montée en compétence à faire. 

Une fois cette montée en compétence opérée, il restera à tout le secteur à faire évoluer les pratiques, les contrats, les réflexes commerciaux et abandonner quelques facilités… mais ça bouge vite et nous pouvons être confiants.



Un article signé Sébastien Duprat, directeur général de Cycle Up

 

(1)Déchets chiffres-clés, Agence de la Transition Ecologique, Édition 2020.



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