Le réemploi dans les certifications : outil de valorisation de la démarche

Rédigé par

lucile delettre

Cheffe de projet Bâtiment Durable, Référente Economie Circulaire

5857 Dernière modification le 18/11/2022 - 09:05
Le réemploi dans les certifications : outil de valorisation de la démarche

Les certifications environnementales, en fixant des objectifs de performance au-delà des réglementations, sont un moyen pour les propriétaires, gestionnaires et utilisateurs de bâtiments de mettre en avant les atouts de leurs projets de construction ou rénovation et immobilier en exploitation en matière d’environnement et de santé et bien-être. Par ce biais, elles ont aidé à une prise de conscience collective de la nécessité de réduire l’impact environnemental des activités liées au secteur.   La démarche est aujourd’hui bien avancée, voire acquise pour certains acteurs, sur les thématiques énergie, carbone, biodiversité, matériaux biosourcés… Mais qu’en est-il du réemploi ?

État des lieux de l’intégration du réemploi dans les certifications et labels : 

Il aura fallu attendre mais, aujourd’hui, l’économie circulaire, et en particulier le réemploi, sont intégrés dans une certaine mesure dans les certifications et labels environnementaux. Tous incitent les maîtrises d’ouvrage à considérer cette démarche pour leur projet de construction, rénovation et exploitation, même si le degré de prise en compte varie selon les référentiels.

Le tableau ci-dessous résume les thématiques relatives au réemploi  , qu’il est possible de valoriser dans les certifications :

Certifications / Labels

Référentiel

Valorise

NF HQE BD V4

Commun :

Neuf / Rénovation / Exploitation

  • Le recours à des filières locales de réutilisation des déchets
  • La réalisation d’une étude de faisabilité réemploi
  • La mise en place de matériaux issus du réemploi (en % d’unité par type de composants) - Le poids matériaux issus du réemploi est considéré comme nul dans l’ACV
  • La réutilisation des terres de chantier sur site et hors site

Spécifique Rénovation

  • La réalisation d’un Diagnostic Ressource
  • La valorisation en réemploi des matériaux de déconstruction in situ (en % d’unité par type de composants).De même, leur poids est considéré comme nul dans l’ACV
  • L’utilisation de locaux/équipements du bâtiment existant comme base vie

 

BREEAM V.2015

Commun :

Neuf / Rénovation

  • La mise en place d'un plan d'approvisionnement durable incluant la demande de sourcing réemploi
  • La mise en place de matériaux issus du réemploi (% en accord avec les objectifs du Plan d’Approvisionnement Durable)
  • L’utilisation de granulats recyclés ou réutilisation in situ
  • Le poids matériaux issus du réemploi est considéré comme nul dans l’ACV

Spécifique Rénovation et aménagement intérieur ( = « RFO » )

  • La réalisation d’un Diagnostic Ressource identifiant des objectifs de réemploi
  • 50% en poids minimum de matériaux issus de la démolition réutilisés/recyclés en boucle fermée
  • La réutilisation des matériaux de déconstruction in situ attribue un maximum de points sur la thématique gestion des déchets

BREEAM IN USE V.6

Exploitation

  • Un espace de stockage pour les produits et pièces détachées de remplacement similaires
  • La réalisation d’un Diagnostic Ressource en anticipation de futures rénovations
  • La mise en place d’un Plan d’Eco Fourniture pour le remplacement des matériaux/équipements
  • La valorisation des déchets et matériaux issus du site

E+C- / BBCA

Commun :

Neuf / Rénovation

  • À défaut de FDES les matériaux issus du réemploi seront comptabilisés pour "Zéro" dans l'ACV

Spécifique Rénovation

  • La réalisation d’un Diagnostic Ressource
  • La déconstruction sélective intégrée au DCE
  • 1 point BBCA pour 5kg/m²SDP de matériau réemployé

 

LEED O+M, BD+C, ID+C v4

Commun :

Neuf / Rénovation

  • Le recours à des produits sains, circulaires et à faible empreinte carbone. Le réemploi rapporte le plus de points.
  • L’approvisionnement en réemploi (de 15 à 75% en coût)
  • La valorisation des déchets de chantier

Rénovation

  • Le réemploi de la structure, enveloppe et éléments d’aménagement in situ (de 15 à 75 % en coût)

 

Living Building Challenge/ Living CORE

 

Commun :

Neuf / Rénovation

  • 50% à 80% du bois FSC ou issu de réemploi
  • Le recours à des produits locaux. Les matériaux issus du réemploi comptent en double
  • 20% minimum de valorisation des déchets de chantier
  • La rédaction d’un Plan de gestion de conservation des matériaux qui étudie l’optimisation des matériaux en conception, construction, exploitation et fin de vie.

Rénovation

  • La réalisation d’un Diagnostic Ressource identifiant des objectifs de réemploi
  • La réutilisation de matériaux ou d’une structure existante
WELL

Commun :

Neuf / Rénovation

  • L’intégration des éléments ou œuvre d’art en lien avec la culture ou l’histoire du bâtiment, ses occupants passés ou futurs, le quartier, la communauté, etc. Ceci peut être par exemple le réemploi des matériaux ou équipements sur site ou provenant d’un gisement local qui a du sens pour le projet.

 

OsmoZ

 

Commun :

Neuf / Rénovation

  • Pour toutes les thématiques OsmoZ propose « Autres bonnes pratiques non couvertes par les autres critères ». Un argument pourrait être établi, similaire au crédit WELL par exemple pour valoriser davantage l’économie circulaire et le sens qu’elle apporte aux projets.

CIRCOLAB

Commun :

Neuf / Rénovation

  • Label entièrement dédié à la mise en place d’une démarche de réemploi
  • Management de la démarche, propositions de scénarios, étude coût et carbone, diagnostic ressource, clauses CCTP…


Au sein des certifications et labels, une vraie dynamique en faveur du réemploi se met donc en place, pour toutes les échelles et typologies de projet (petits plateaux de bureaux, démolition, restructuration lourde…).

Les certifications, moyen de valorisation, d’accompagnement et levier pour le réemploi

Les certifications, au-delà de demander un effort sur la performance environnementale des bâtiments, sont également un moyen pour les maîtrises d’ouvrage de communiquer, de mettre en lumière l’intégration de techniques innovantes et la démarche RSE/Bas carbone de leurs projets, et donc du réemploi. Ainsi, un projet certifié HQE BD V4 avec un point fort sur la thématique « DVET2 Economie circulaire, réemploi et filières locales », pourra attester de la mise en place de matériaux et procédés réemployés mais également gagner plus de points qu’un projet classique. La certification Living Building Challenge, quant à elle, double les points lors de la mise en place du réemploi sur les points le proposant.

D’autre part, en fournissant une trame méthodologique, les certifications sont aussi un facilitateur à l’intégration du réemploi dans les projets. Pour atteindre des points, elles demandent la mise en place d’outils de suivi, de bilans, etc., permettant de cadrer et orienter la mise en place du réemploi. On citera par exemple les cahiers des charges des référentiels pour les diagnostics ressources, l’inclusion des clauses réemploi aux CCTP, ou encore des études économiques, carbone et sociale dans les projets de construction et rénovation. À titre d’exemple, le label Circolab évalue la performance qualitative du réemploi d’un projet immobilier tout en fournissant des outils de méthodologie et de management. Sur les référentiels exploitation (HQE, BREEAM in Use), il est demandé de favoriser le réemploi futur des produits du site par la réalisation, en amont de toute rénovation, d’un inventaire. . Cette réutilisation pourra se faire in situ, par une intégration des éléments démontés au stock des activités d’entretien maintenance. 

Enfin, par la répétition de l’intégration du réemploi dans différentes thématiques, déchets/matériaux/approvisionnement des référentiels, les certifications sont un vecteur d’influence intéressant pour montrer l'importance du réemploi dans la conjoncture actuelle. Elles incite à la diminution de la production de déchets, de l'impact carbone des projets et de l’épuisement des ressources.  Par ce biais, les maîtrises d’ouvrage et maîtrises d’œuvre comprennent que cette démarche ne concerne plus seulement la maison individuelle ou les projets démonstrateurs mais peut faire partie intégrante de grands projets immobiliers. L’intégration dans les certifications du réemploi lui confère une reconnaissance. Il a été testé et approuvé par des sachants, permettant son entrée dans les référentiels en tant que solution pertinente face aux défis environnementaux et à la crise des matériaux actuels. Le réemploi pourrait devenir rapidement une technique courante. Et le monde du BTP est encouragé à se saisir du sujet.

Au-delà, des certifications historiques généralistes concernant le bâtiment durable, un écosystème de démarche et de labels bas carbone s’est créé (Cradle to Cralde, LEED Compliant, ISO 17889-1, EcoLabel…). Il valorise l'économie circulaire à la fois à l'échelle du bâtiment et celle des matériaux. Les démarches s'emboîtent les unes avec les autres. À titre d’exemple, BREEAM, LEED et WELL mentionnent le C2C (Cradle to Cradle) pour les matériaux et mobiliers labellisés. Les fournisseurs de matériaux ou mobiliers sont incités à intégrer des objectifs de conception circulaire pour être retenus sur des projets à haute valeur environnementale. La réflexion sur la fin de vie des produits, et leur réutilisation ou recyclage est donc l’affaire de toute la chaîne du bâtiment, du maître d’ouvrage, aux fournisseurs. Et des organes de réflexion, de facilitation et d’échange entre acteurs de la démarche réemploi, tels que le Booster, se développent afin de consolider cet écosystème. 


Un article signé Lucile Delettre, Cheffe de projet Bâtiment Durable, référente Economie circulaire chez ARP Astrance


Article suivant : Le Cadran solaire, chantier pilote de réemploi et d’économie circulaire dans le bâtiment


Retour à la page d'accueil du dossier

 

 

Un dossier réalisé avec le soutien de : 

Partager :