Le bois énergie et la qualité de l’air sont-ils compatibles ?

Rédigé par

Cercle Promodul/INEF4 Communication

Communication

4664 Dernière modification le 17/12/2019 - 10:36
Le bois énergie et la qualité de l’air sont-ils compatibles ?

Considérée comme une énergie renouvelable et abondante, disponible localement et quasi neutre au regard de l’effet de serre, le « Bois Energie » est utilisé par de nombreux ménages. Première source d’ENR (chaleur et électricité) utilisée en France (à 41,2%), environ 8 millions de ménages sont équipés d’un appareil de chauffage au bois dans leur maison individuelle[1].

Encouragé par les réglementations thermiques tant en rénovation qu’en neuf et compte-tenu de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte du 17 août 2015[2], le bois énergie apparaît donc comme un mode de chauffage économique et vertueux.Les chiffres clés 2018 des énergies renouvelables en France, Ministère de la Transition Écologique et Solidaire.

Mais, qu’en est-il de son impact sur la qualité de l’air intérieur et extérieur ? Le bois énergie serait-il un mauvais choix ? Plusieurs éléments sont indispensables à la bonne compréhension des enjeux du chauffage au bois pour l’amélioration de la qualité de l’air.

Les chiffres clés 2018 des énergies renouvelables en France, Ministère de la Transition Écologique et Solidaire.

Des émissions de particules problématiques ?

En France, malgré des progrès concernant la qualité de l’air et une volonté de réduire les impacts[3], les normes fixées pour la protection de la santé sont encore dépassées et le pays est souvent interpellée par la Commission Européenne[4] pour non-respect des niveaux de particules fines dans l’air des grandes villes et des vallées alpines.

Une des causes souvent mentionnées : la combustion de bois émettant des polluants, particulièrement dans le cas d’appareils anciens, et peut donc, à certaines périodes et dans certaines zones, contribuer de façon significative à la pollution de l’air (intérieur et extérieur).

Selon AirParif : « en détaillant par combustible les émissions du secteur résidentiel, le bois apparaît comme le contributeur majoritaire. [Par exemple] Bien qu’il ne représente que 5 % des consommations de combustible de ce secteur en Île-de-France, il est à l’origine de plus de 90 % des émissions de particules (PM10 et PM2.5)[5] ».

Ci-contre : Les chiffres clés 2018 des énergies renouvelables en France, Ministère de la Transition Écologique et Solidaire.

En effet, ces méthodes de chauffage favoriseraient les niveaux de concentration de particules fines (PM10 particules d’un diamètre inférieur à 10 microns) dans l’air ambiant.

Compte-tenu de ces éléments un certain nombre de mesures et d’arrêtés ont été pris dans plusieurs zones géographiques :

D’abord interdits en 2015, puis autorisés à nouveau avant d’être réinterdits, les feux de cheminées sont désormais autorisés sous condition en région parisienne [6].

Paris intramuros :  

  • Seule l’utilisation des systèmes de chauffages à foyer ouvert et les appareils de chauffage dont l’émission de particules fines est supérieure à 16mg/Nm3 (normo mètres cubes) est interdite. Les appareils indépendants émettant moins de 16mg/Nm3 pourront continuer à être installés et utilisés tout comme les chaudières domestiques de chauffage au bois.

Les zones dites « sensibles » :  

  • L’arrêté prévoit l’interdiction de l’utilisation des cheminées à foyer ouvert mais il sera toujours possible d’utiliser un appareil indépendant de chauffage au bois. Les nouvelles installations devront respecter les exigences du label « Flamme Verte » 5 étoiles ou équivalent en matière de performance et de faiblesses d’émissions de particules fines.

L’Ile-de-France :

  • Le chauffage au bois dans un foyer ouvert est autorisé en chauffage d’appoint. Les appareils indépendants type poêles, les foyers fermés et insert ainsi que les chaudières au bois pourront continuer à être utilisés et installés sans restriction.

Vallée de l’Arve [7] :

  • Le préfet de Haute-Savoie a signé un arrêté en décembre 20199 interdisant à partir du 1er janvier 2022 « toute utilisation de chauffage bois à foyer ouvert, y compris en appoint ou en agrément ». Connue pour être la vallée la plus polluée de France, le chauffage au bois y représente 70% des émissions de particules fines (PM10) selon ATMO contre 16% pour les transports. Depuis 2012, l’Etat incite les particuliers à remplacer les cheminées grâce au fond Air Bois (les cheminées à foyers ouverts étant jusqu’à 100 fois plus polluantes que des appareils de chauffage au bois performant, avec des rendements en matière de chauffage peu efficaces.

Ce problème d’émission de particules concerne également la qualité de l’air intérieur : les foyers ouverts génèrent une augmentation de la pollution de l’air à l’intérieur des logements (qui perdurent même après l’arrêt de l’appareil en combustion) et peuvent être à l’origine de pathologies multiples.

Cependant, une fois ces constats connus, l’ADEME[8] et autres acteurs en lien avec l’énergie et l’environnement[9] s’accordent à dire qu’une mauvaise pratique et l’utilisation de vieilles installations (pas aux normes) serait le déclencheur de cette pollution lié au bois énergie.

Il est donc primordial de mieux comprendre comment utiliser les appareils domestiques de chauffage au bois, particulièrement afin d’appréhender l’impact des pratiques sur la performance des équipements et sur la pollution et la qualité de l’air.

Une bonne utilisation pour de meilleures performances : les préconisations

Plusieurs facteurs influencent les performances environnementales et énergétiques des appareils de chauffage au bois et notamment les pratiques de l’utilisateur, la qualité du matériel et des conduits d’évacuation.

En effet, en s’appuyant sur des données scientifiques très précises de l’INERIS[10], il ressort que lors d’une combustion parfaite, il n’y a pas d’émission de polluant. Or, les conditions parfaites ne sont jamais réunies, surtout lorsque l’usager intervient (gestion manuelle des entrées d’air, qualité du bois, entretien de l’appareil) et que les conditions de ventilation du local peuvent avoir un effet significatif sur la qualité de la combustion (hotte aspirante, ventilation mécanique et amenée d’air comburante non étanche avec l’atmosphère du local, etc.). Cela peut empêcher que le combustible, dans ce cas le bois, ne brûle complètement et que des particules solides non réduites par la combustion (les PM) soient émises dans les produits d’évacuation de la combustion.

Quelles sont les bonnes pratiques à connaitre pour bien utiliser et tirer au mieux partie de l’énergie-bois, afin d’en limiter ses points faibles et optimiser ses qualités ?

Renouveler le parc pour favoriser les équipements les plus performants

Selon l’ADEME[11], la moitié des utilisateurs ont un appareil ancien (plus de 10 ans) ou un foyer ouvert non performant qui émettent 80 % des particules fines du chauffage au bois individuel. L’accélération de ce renouvellement est donc importante en s’orientant vers des appareils portant le label Flamme Verte. Lancé en 2000 par les fabricants d’appareils domestiques et la participation de l’ADEME, il labellise les appareils indépendants performants, tant du point de vue énergétique qu’environnemental[12]. Aujourd’hui, seuls les appareils les plus performants (6 et 7 étoiles) sont labellisés Flamme Verte et, à partir du 1er janvier 2020, les équipements 7 étoiles seront les seuls à bénéficier du label.

Des progrès importants ont été faits sur les rendements énergétiques (en les améliorant de plus de 25 % en moins de 15 ans[13]) et les émissions de polluants dans les concentrations de fumées des appareils individuels ont diminué considérablement.

Les industriels, regroupés au sein du label Flamme Verte, s’engagent, pour leurs équipements, à poursuivre et renforcer :

  • l’augmentation de leurs performances énergétiques
  • la diminution de leurs émissions de polluants dans l’atmosphère
  • le contrôle des performances annoncées
  • la sensibilisation de leurs clients aux bonnes pratiques d’installation, d’utilisation et d’entretien

Mais posséder un appareil moderne et performant n’est pas la seule condition à respecter pour optimiser l’énergie-bois, procurer un bon confort et préserver la santé.

Améliorer les pratiques

La bonne installation d’un équipement est primordiale, et en particulier l’évacuation des produits de la combustion via des conduits de qualité et bien mis en œuvre, tout comme l’amenée d’air comburant. Mais les pratiques de l’utilisateur, la qualité du combustible utilisé et l’entretien de l’appareil par la suite, influencent également les risques de pollution et d’émission de particules.

  • Veiller à la qualité et régler son appareil pour un rendement optimal

Pour favoriser une combustion complète il faut, d’une part, que le combustible bois soit de grande qualité (exempt de traitement chimique, taux d’humidité strictement inférieur à 25%, type d’essence du bois utilisée adapté), que l’air comburant (oxygène de l’air) soit en quantité suffisante (non confinement, amenée d’air et débits significatifs et suffisants, pas d’interaction avec les systèmes de ventilation du logement nécessaires par ailleurs), et qu’enfin, le foyer soit de puissance adaptée et non surdimensionnée.

Autant de facteurs à maîtriser impérativement, car c’est durant les 10 à 15 minutes après l’allumage ou le rechargement d’un appareil qu’ont lieu 80 % des émissions polluantes (la majeure partie des CO, COV et des PM)[14].

Un appareil à bois doit également fonctionner à plein régime pour avoir un bon rendement. Ses performances se dégradent dès qu’il marche au ralenti : il consomme plus, s’encrasse et la pollution augmente. Ne pas faire l’erreur de vouloir des appareils trop puissants par rapport au volume à chauffer en pensant que ce sera plus efficace. C’est plutôt l’inverse qui se produit !

Enfin, en plus de l’appareil, le conduit de fumée est un élément important. Il protège des émanations gazeuses issues de la combustion ainsi que de la propagation éventuelle du feu. Il doit résister aux hautes températures et aux chocs thermiques tout en assurant une bonne étanchéité dans le temps.

Enfin, un fonctionnement optimisé du conduit (un tirage bien réglé est essentiel au bon fonctionnement de l’installation – ni trop fort, ni trop faible) permettra d’optimiser les consommations d’énergies, les coûts d’entretien et préserver la durée de vie de l’appareil.

  • Entretien régulier de l’appareil

Des filtres peuvent être installés pour agir pendant ou après la combustion et réduire les émissions de polluants.

 

Le Plan Bois Energie Bretagne dans son guide « Qualité de l’air » préconise :

  • de faire brûler le bois à allure vive et ne pas chercher à faire durer le feu en coupant les entrées d’air.
  • de pratiquer l’allumage par le haut ce qui permettrait lors des allumages à froid, de réduire de 30 a 50 % les émissions polluantes d’un cycle complet de combustion (ERFI, 2017).

Un appareil mal entretenu est moins efficace et pollue plus. L’entretien très régulier par l’utilisateur doit évidemment se faire. Pour rappel, un entretien annuel par une personne qualifiée est obligatoire pour une chaudière et est très vivement recommandé pour les autres types d’appareils (poêles à granulés, poêles à bûches, inserts) pour vérifier notamment l’état des joints et du brûleur.

La formation des installateurs, l’information des fournisseurs et un travail de pédagogie auprès des utilisateurs sur les bonnes pratiques est essentiel pour limiter les paramètres influençant la pollution.

Le ramonage du conduit est également obligatoire et soumis à des règles de fréquence qu’il faut impérativement respecter. Il faut aussi rappeler que d’un point de vue réglementaire, le ramonage d’un conduit s’entend par des actions mécaniques dans le conduit. Tout autre moyen n’a aucune valeur régimentaire. Enfin, il convient que cette action soit réalisée par un professionnel qualifié.

Sensibiliser les producteurs de bois aux labels qualités sur le bois bûche, comme le label France Bois Buche qui informe le consommateur sur la qualité du combustible (essence et humidité) et sur les conditions d’utilisation du bois acheté ; ou encore adhérer à la charte France bois bûche ou NF bois combustible.

Le chauffage domestique au bois est un enjeu incontournable et stratégique de la transition énergétique (une production d’énergie plus décarbonnée et renouvelable) notamment avec le déploiement massif de solutions mixtes et complémentaires.

De plus, une utilisation optimale, durable et raisonnée de la biomasse « stockable » et normalisée fait du bois énergie une ressource locale et contribuant à l’indépendance énergétique et au développement ou au maintien d’emplois territoriaux [15].

Mais, afin d’atteindre les objectifs de moindre émission de CO2 dû aux bâtiments et limiter les émissions de particules fines, il est nécessaire d’accélérer le renouvellement du parc de système de chauffage bois existant en y associant une diminution des besoins de chauffage par une politique d’isolation du bâti ambitieuse. Tout en poursuivant bien sûr une volonté forte de formation et de professionnalisme des entreprises afin d’améliorer la qualité des travaux et de tenir la promesse d’une performance et de son maintien dans le temps.

Enfin, un soin tout particulier devrait être apporté au choix des matériaux et à la qualité des assemblages dans le cadre d’une démarche d’éco-conception (combustible de qualité, appareil et conduit de fumée durable, recyclable).

Ressource utile : 

« Le chauffage au bois : mode d’emploi. Pour un chauffage au bois efficace et peu polluant », ADEME, octobre 2019.

Sources :

[1] A fin 2016  : selon les chiffres du SER « Le chauffage au bois domestique ».

[2] qui prévoit de porter la part des énergies renouvelables à 23% de la consommation finale brute d’énergie en 2020 et 32% en 2030 (elle atteignait 16,3% en 2017), chiffres CGEDD « Chiffres clés des énergies renouvelables, Édition mai 2019 ».

[3] Le Plan National de Réduction des Emissions de polluants Atmosphériques (PREPA) fixe en France des objectifs de réduction des émissions de PM2,5, SO2, Nox, NH3 et COVNM à horizon 2020, 2025, et 2030 notamment pour le secteur du résidentiel-tertiaire. Décret du 10 mai 2017 et arrêté du 11 mai 2017. « Politiques publiques pour réduire la pollution de l’air », Ministère de la Transition Écologique et Solidaire, novembre 2019.

[4] « Pollution de l’air : la Commission européenne reconnaît que la législation actuelle n’est pas assez protectrice », Le Monde, publié le 29 novembre 2019.

[5] « Les émissions en quelques chiffres », AIRPARIF.

[6] « Feux de cheminée : ce qui est autorisé à Paris et en Ile-de-France », Le Parisien, 12 décembre 2019 et

[7] « Haute-Savoie : les feux de cheminées bientôt interdits dans la vallée de l’Arve », Le Parisien, 11 décembre 2019.

[8] « Connaissance des usages liés au chauffage domestique au bois en France », ADEME, Août 2018.

[9] « David Rozenfarb, ATMO Grand Est et Thibaut Diehl, ALEC : chauffage au bois quel est le problème ? », France Bleu, 14 novembre 2019.

[10] « Synthèse des études à l’émission réalisées par l’INERIS sur la combustion du bois en foyers domestiques », INERIS, 04 mai 2018.

[11] Dossier « Le bois biomasse », ADEME.

[12] « Les émissions de particules ont été divisées par dix entre un foyer fermé (antérieur à 2000) et un appareil labellisé « Flamme Verte » 5 étoiles » : Chauffage au bois : trop d’appareils encore polluants et de faible rendement, Actu-Environnement, 25 octobre 2013.

[13] Dossier de presse 2019, Label Flamme Verte.

[14] « Synthèse des études à l’émission réalisées par l’INERIS sur la combustion du bois en foyers domestiques », INERIS, 04 mai 2018.

[15] « En 2015, la filière du bois domestique représentait 15 560 emplois directs (ETP), ce qui correspond à plus de 19 % des emplois dans les énergies renouvelables » issu de « Le chauffage domestique au bois », ADEME, Mai 2019.

 

Article publié sur Promodul
Consulter la source

Partager :