La réforme du classement, une nouvelle étape pour accélérer le développement des réseaux de chaleur

Rédigé par

Guillaume Perrin

1640 Dernière modification le 23/01/2023 - 10:24
La réforme du classement, une nouvelle étape pour accélérer le développement des réseaux de chaleur

 

Si le développement des réseaux de chaleur bénéficie d’un catalyseur particulièrement puissant avec le contexte actuel des prix de l’énergie, un accompagnement par différentes mesures doit renforcer son attractivité sur le long-terme. C’est dans cette approche que la réforme sur le classement, processus rendant obligatoire le raccordement à un réseau de chaleur pour des bâtiments neufs ou faisant l’objet d’une réhabilitation importante (renouvèlement du mode de chauffage et/ou d’une rénovation énergétique lourde), a été menée.

Les importantes simplifications apportées par cette récente réforme, systématisant la mise en place du classement des réseaux de chaleur dans toutes les collectivités, conduisent à une affirmation du réseau de chaleur comme outil local de transition énergétique de manière particulièrement efficace !

Le classement, une réelle opportunité !

Depuis la mise en place de la procédure de classement en 1980, tellement lourde qu’elle n’a abouti au classement de seulement deux réseaux (dont un qui l’a abandonné quelques années plus tard…), du chemin a été fait ! D’abord avec sa facilitation de déploiement en 2010 avec la loi Grenelle 2, en faisant porter notamment la décision de classement à la collectivité et non plus à la Préfecture (ayant entraîné le classement, à l’heure actuelle, d’une vingtaine de réseaux), ensuite avec la réforme opérée par la loi énergie climat de novembre 2019 pour rendre le classement automatique, et les précisions apportées par son décret d‘application. 

La loi énergie-climat rend le classement des réseaux publics de chaleur et de froid systématique à compter du 1er janvier 2022 dès lors qu’ils satisfont à trois conditions-clefs :

  • Le réseau est alimenté à au moins 50% par des énergies renouvelables ou de récupération sur une période de référence (la période de référence à retenir pour l’appréciation de ce seuil est définie par un arrêté) ;
  • Un comptage des quantités d’énergie livrées par point de livraison est assuré ; 
  • L’équilibre financier de l’opération pendant la période d’amortissement des installations est assuré.

Avec cette systématisation du classement, plus de 75% des réseaux recensés sont concernés, soit 663 sur les 870 recensés par l’enquête de branche. La liste des réseaux concernés est publiée par arrêté, le dernier étant paru fin décembre 2022. Il est toutefois à noter que les réseaux classés avant le 1er janvier 2022 continuent à bénéficier de leur classement pendant la durée de validité de leur décision de classement prononcée par l’organe délibérant de la collectivité. Toutefois, il recommandé d’apposer une réflexion sur la révision du classement dès à présent. La FNCCR a participé aux groupes de concertation menés pour l’élaboration de ce décret, suivis d’une consultation à laquelle plusieurs contributions et travaux qui ont permis d’enrichir l’approche. 

Le classement au Danemark, un outil systématisé depuis les années 80 ! 
Au Danemark, les collectivités locales utilisent les réseaux de chaleur comme outil de planification depuis les années 80, rendant le raccordement obligatoire dans les quartiers où elles estiment que cette solution est la plus vertueuse sur les plans socioéconomique et environnemental

Un outil local…qui doit être pensé localement !

Si le texte encadrant le classement est national, un certain nombre d’espace de « respiration locale » existe, notons en particulier le seuil minimal à partir duquel s’applique le classement.  Faut-il rehausser le seuil des 30 KW en tant que collectivité, seuil minimal prévu par la loi mais qui peut être ré-évalué ?

Tout dépend du contexte dans lequel on se place : dans le cas d’un réseau urbain, ce seuil apparaît comme extrêmement faible (on tend vers du pavillonnaire), on est généralement dans des concessions classiques à un seuil minimal de 100kW pour assurer une bonne rentabilité de l’opération de raccordement. Ainsi, une obligation de raccordement à 30kW risque d’entraîner, si des dispositions différentes sont indiquées dans le contrat de DSP, un reste à charge pour la collectivité, le délégataire refusant de prendre en charge des extensions sur de faibles puissances, c’est donc un point d’attention majeur ! 

Dans le rural en revanche, la problématique est différente : ce seuil, bas de 30kW, permet de capter une partie de petits consommateurs, notamment privés, qui permettent d’asseoir un meilleur développement économique du réseau de chaleur, allant au-delà du périmètre classique des bâtiments communaux et de l’EHPAD par exemple. Mais en pratique, un seuil plus bas serait nécessaire, de manière à aller toucher du pavillonnaire plus présent dans ces territoires. 

Dans les autres points d’attention, notons également la durée : celle-ci est laissée libre à la collectivité ; il est toutefois conseillé de l’aligner a minima sur la durée de la concession lorsque ce mode de contrat est choisi, voire d’aller au-delà, de manière à en faire un instrument politique efficace de la planification pour la collectivité. Une autre option est de faire le classement sur une durée plus courte, par exemple 10 ans, avec réévaluation régulière, qui peut par exemple être corrélée à la durée d’une opération d’aménagement. En revanche, la délibération fixant le périmètre de développement prioritaire est révisée lors de la réalisation ou de la révision du schéma directeur dudit réseau prévu à l’article L2224-38 du code général des collectivités territoriales, ou au plus tard tous les dix ans.

Le périmètre de développement prioritaire, l’un des éléments-clef à définir avec attention…

Dernier point mais non le moindre, le périmètre de développement prioritaire (PDP), zone dans laquelle le raccordement sera obligatoire pour le neuf et les bâtiments rénovés. Quel périmètre choisir ? Là encore, les approches sont à adapter localement : on peut choisir soit de classer l’ensemble du territoire couvert par la concession par exemple, soit l’ensemble d’une commune/collectivité, ce qui sera d’autant plus judicieux que l’on a un réseau compétitif que l’on souhaite renforcer, soit de ne choisir que certaines zones, comme les ZAC à venir. En la matière, la créativité locale, couplée aux réalités du territoire, est clef ! On peut en effet choisir une zone « en taches de léopard », continue, définie par rapport à une distance du feeder principal…tout ce qui concourt à définir au mieux la zone par rapport aux attendus est le bienvenu ! 

Notons par exemple deux approches différentes, l’une par un syndicat urbain en Ile de France, le SMIREC, et l’autre par une métropole, à Bordeaux :

L’analyse doit bien se faire au cas par cas, il faut ainsi tenir compte d’un faisceau d’indicateurs pour déterminer le zonage adéquat, qui peuvent notamment être : 

  • Contexte existence de dispositions incitatives pour certains quartiers ou pour les bâtiments situés à proximité du réseau ;
  • Compétitivité du tarif ;
  • Lisibilité des conditions de raccordement ; 
  • Dynamique de développement du réseau ;
  • Taux de couverture du réseau, à 50 % tout juste ou avec plus de marge (important selon la dynamique d’extension et de raccordements envisagés…) ;
  • Densité thermique ;
  • Zones rurale/urbaine.

La procédure de classement présentée par le décret ne fixe pas d’échéance. A minima, on peut signaler qu’il paraît cohérent de mener une procédure d’évaluation de ce classement, pouvant notamment conduire à une évolution du périmètre de la PDP, à chaque mise à jour du schéma directeur, soit au moins une fois tous les dix ans d’après le L2224-38 du CGCT. 

Que se passe-t-il en l’absence de délibération ? Pour les réseaux publics, lorsque la collectivité ne s’est pas prononcée sur le périmètre au terme d’un délai de six mois suivant la transmission du dossier complet par l’exploitant ou suivant la publication de l’arrêté prévu à l’arrêté définissant le taux ENR de chaque réseau pour la RE2020, la zone de développement prioritaire correspond au périmètre du contrat de concession lorsque ce mode de gestion est choisi ou, à défaut, le territoire de la ou des communes desservies par le réseau. Il est donc essentiel d’y travailler en amont pour garder la main sur cet élément central !

Mais si le classement est un processus systématisé par la loi, cela ne veut pas dire qu’il doit se faire sans concertation locale : celle-ci est obligatoire dans le cadre de la commission consultative des services publics locaux dont l’avis doit être recueilli préalablement à la délibération sur le périmètre prévu par l’article L712-2. En particulier, on conseillera de consulter la CCSPL sur le périmètre de classement, point assez central dans les sujets de préoccupations de cette commission. L’interaction, en termes de consultation, peut être renforcée avec le comité d’usager [1], en complément de la consultation obligatoire de la CCSPL, qui permet d’élargir le cercle des concernés. 

Et une fois que tout est mis en place d’un point de vue règlementaire et dans le choix du bon périmètre de développement avec la concertation adaptée, qui pourra faire l’objet d’une ré-évaluation régulière, le vrai travail de terrain commence : repérer les bâtiments qui changent leur chaufferie par un travail concerté avec les CEP, économes de flux ACTEE ou conseiller France Rénov’, formation des services instructeurs des permis de construire, lien avec les services urbanismes et patrimoine pour les nouvelles ZAC ou aménagement de bâtiments de la collectivité, pédagogie auprès des bailleurs, bureaux d’étude et architectes…cette charge n’est pas à sous-estimer, en particulier la première année, et peut être très chronophage si on n’a pas réfléchit en amont aux bonnes méthodes. Plus que jamais, c’est l’énergie humaine, la plus durable, qui fera la différence !

Un article rédigé par Guillaume Perrin (FNCCR).
 

 


 

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