La prise en compte du confort d’été dans le bâtiment, un chantier tout juste commencé

Rédigé par

La rédaction C21

5528 Dernière modification le 04/07/2022 - 11:31
La prise en compte du confort d’été dans le bâtiment, un chantier tout juste commencé

La RE 2020 consacre la prise en compte du confort d’été dans le bâtiment. Cependant, il reste encore de nombreux progrès à faire pour préparer et adapter nos bâtiments aux évolutions de température à venir. Quelles sont les pistes à suivre ? Quels leviers devons-nous activer ? Rencontre avec Nathalie Tchang, présidente de Tribu Energie, Bureau d'études Energie et Développement durable.

Quels sont les grands enjeux autour du confort d’été aujourd’hui ?

Nathalie Tchang : Les retours d’expériences de la RT 2012 ont mis en évidence un souci d’inconfort dans de nombreux bâtiments en été. Les bâtiments neufs livrés aujourd'hui font souvent l’objet de plaintes de la part des utilisateurs en ce sens. Cela montre que l’indice de Température intérieure conventionnelle (Tic), utilisé dans la RT 2012, n’est pas vraiment efficace en matière de conception pour le confort d’été. Or, nous savons que le changement climatique va induire des étés de plus en plus chauds, avec des canicules qui dureront plus longtemps. Il est plus qu’urgent de concevoir des bâtiments résilients et adaptés aux fortes chaleurs. C’est d’ailleurs pour cette raison que la Tic a été remplacée par un autre indicateur, celui de degrés-heures (DH), dans la RE 2020.

Justement, qu’est-ce que les Degrés-heures (DH), nouvel indicateur de la RE 2020 ?

Nathalie Tchang : Les degrés-heures (DH) représentent le nombre d'heures d’inconfort thermique estival. Plus précisément, ils expriment la durée et l’intensité des périodes d’inconfort dans le bâtiment sur une année, lorsque la température intérieure est supposée engendrer de l’inconfort. Ils sont évalués pour chaque partie de bâtiment thermiquement homogène.

En résidentiel, la RE 2020 définit deux seuils différents : l’un pour la journée et l’autre pour la nuit. Les autres types de bâtiments, occupés uniquement en journée, n’ont que le premier seuil. Ainsi, la nuit, la température ne doit pas dépasser les 26 °C, tandis que le jour, le thermomètre doit être compris entre 26 °C et 28 °C. Cette marge de 2 °C prend en compte la capacité du corps humain à s’adapter aux températures élevées après une succession de journées chaudes. Au-delà de ces températures, chaque degré du bâtiment est considéré comme inconfortable pour l’occupant.  

Les objectifs de résultats de la RE 2020 sont-ils suffisants pour améliorer la prise en compte du confort d’été dans le résidentiel ?

Nathalie Tchang : Cela va dépendre des zones climatiques. Si les seuils fixés dans les zones H3 et H2d (c’est-à-dire le pourtour méditerranéen) sont ambitieux et incitent à mieux concevoir les bâtiments, ce n’est malheureusement pas le cas dans les autres zones, dans lesquelles le seuil degrés-heures est rarement dépassé. Cela s’explique par la nature même des degrés-heures. En effet, les pouvoirs publics ont souhaité mettre une température maximale de confort unique pour tous les bâtiments. Or, vu que les conditions climatiques sont déjà très chaudes dans le sud de la France, ce seuil maximum sera de fait plus important pour cette zone. Cela incite les concepteurs à faire plus d’efforts dans le sud du pays qu’ailleurs. 

Quels sont d’après vous les leviers d’actions efficaces pour améliorer le confort d’été ?

Nathalie Tchang : De nombreux éléments ont un impact sur le confort estival. En particulier :

  • Les fenêtres et baies vitrées, qui influent grandement sur le confort des ouvrages. En effet, elles captent le soleil et peuvent contribuer à réchauffer un bâtiment. C’est pourquoi il est important de veiller au ratio surfaces ouvertes / surfaces opaques, à leurs orientations, au type de protections solaires dont elles disposent, à leurs positions les unes par rapport aux autres, en particulier à l’aspect traversant de l’édifice et, enfin, aux masques environnants.
  • Les protections solaires. Il est préférable de choisir des protections solaires de couleurs claires et ajourées, qui permettent le passage de l’air même en position fermée.
  • L’inertie. Cela permet d’avoir un déphasage thermique important entre la température extérieure et celle intérieure. Un bâtiment avec une forte inertie stockera mieux la chaleur dans ses murs, les planchers, etc. En résidentiel, il est préférable d’avoir une inertie à minima moyenne, de manière à stocker la fraîcheur nocturne lorsque les fenêtres sont ouvertes et ainsi déphaser les températures.
  • La couleur des parois. Des couleurs plutôt claires permettront de limiter l’absorption des rayons du soleil.
  • L’isolation des toitures. Plus l’épaisseur est importante, moins le rayonnement solaire traverse la paroi. Contrairement à des idées répandues, du strict point de vue du confort d’été, il n’y a pas vraiment d’isolant meilleur qu’un autre. Ce qui compte, c’est l’épaisseur du produit choisi, peu importe qu’il soit dense ou non, ce paramètre ayant un impact faible.

Une fois que tous ces éléments ont été pris en compte, il est possible d’améliorer encore le confort d’été sans recourir au refroidissement, grâce à des dispositifs de sur-ventilation nocturne, de brasseurs d’air, de dispositifs d’humidification de type rafraîchissement adiabatique, qui peuvent être directs ou indirects, puits climatique et enfin de géocooling.

Ces leviers s’appliquent surtout pour le résidentiel. Ils peuvent varier selon les usages. Pour les bâtiments scolaires, ce sont à peu près les mêmes leviers. Pour les bâtiments de bureaux cependant, c’est différent. En effet, dans 90% des cas, ceux-ci sont climatisés. L’inertie n’est alors plus une problématique importante, l’objectif principal est de maîtriser les apports solaires pour éviter les pics de consommation de climatisation en cas de fortes chaleurs. Il faut absolument arrêter de construire des bâtiments entièrement vitrés, avec des fenêtres qui ne s’ouvrent pas. 


Pouvez-vous nous partager des exemples de bâtiments particulièrement vertueux ?

Nathalie Tchang : Je pense à deux projets en particulier où la thématique du confort d’été a été bien intégrée. Le premier concerne la construction d’un collège et gymnase à Cergy-Pontoise par le conseil général du Val-d’Oise. Conçu en BIM, avec une simulation thermique dynamique (STD), le bâtiment atteint le niveau E3-C1. L’autre projet est la construction d’un pôle enfance à Marne la Vallée par le Syndicat d'Agglomération Nouvelle du Val d'Europe. En ossature bois, le bâtiment a obtenu le label Effinergie+. Ces deux opérations ont bien respecté les différents leviers que j’ai cité ci-dessus : inertie, isolation performante de la toiture, couleur claire des façades, gestion des surfaces vitrées, etc.

Quelles bonnes pratiques et quels gestes du quotidien peuvent favoriser un bon confort d’été ? 

Nathalie Tchang : Les occupants ont un rôle important dans la gestion du confort d’été. Il est important de les former et de les sensibiliser. Il pourrait par exemple être intéressant de leur fournir un livret « gestes verts » afin qu’ils adoptent un comportement adapté à leur logement :

  • Fermeture des protections solaires lorsque les façades sont ensoleillées
  • Ouverture des fenêtres uniquement lorsque la température intérieure est supérieure à la température extérieure
  • Ventilation nocturne
  • Habillement léger
  • Etc.

Il y a un vrai sujet de pédagogie, surtout sur les logements. Pour l’enseignement et les bureaux, surtout avec le télétravail et les flex office, il est plus compliqué de mettre en place des campagnes de sensibilisation.

Les bonnes pratiques commencent à être intégrées, j’ai pu le constater lors des canicules en 2003. Les personnes avaient pris le pli au bout de quelques jours à peine. Il y a certes un temps d’adaptation quand un occupant s’installe dans un nouveau logement, mais en général les bons réflexes sont vite adoptés.

Quelles sont les prochaines étapes selon vous pour améliorer la prise en compte du confort d’été ?

Nathalie Tchang : Il faut pousser les concepteurs à réaliser une simulation thermique dynamique (STD) pour bien appréhender l’inconfort estival, en complément du calcul degrés-heures. Ce dernier est purement réglementaire, il sert à voir si le bâtiment est conforme ou non à la RE 2020. La STD permet de modéliser le bâtiment de manière bien plus fine, pièce par pièce, selon les façades, les étages, etc. Cela produit une analyse plus précise, qui intègre la situation et la fonction de chaque pièce. De plus, la STD prend en compte les climats locaux ainsi que les apports internes spécifiques au bâtiment. Il faut donc instaurer la STD comme un outil primordial d’appréhension du confort d’été et des futures canicules.

Il faut également raisonner à l’échelle du quartier, pas seulement celle d’un bâtiment. En effet, les effets d’îlots de chaleur urbain ne sont pas pris en compte dans les calculs réglementaires, alors même qu’ils impactent fortement le confort d’été. Il est plus qu’essentiel d’arrêter de minéraliser les villes et de mettre un maximum de pleine terre, d’eau et de végétaux dans les projets d’aménagement afin de favoriser l'évapotranspiration, ainsi que de profiter des vents dominants. Cela permettra de grands impacts positifs sur le confort d’été in fine. Il est aussi important d’encourager l’isolation par l’extérieur, de privilégier des couleurs claires pour éviter le stockage de la chaleur dans les parois maçonnées !

Un mot de la fin ?

Nathalie Tchang : Le confort d’été a été un peu le parent pauvre du bâtiment ces dernières années. C’est un point qui va devoir être traité de manière prioritaire pour tous les bâtiments neufs, pour concevoir des bâtiments résilients. Et le bon outil pour cela, c’est la STD.

 

Propos recueillis par la rédaction Construction21

Cet article fait partie du focus Confort d'été, soutenu par EDF, qui comprend études de cas, interviews, vidéos... Découvrez tous les contenus sur la page dédiée

                                           

Partager :