La place des contrôleurs techniques dans la massification du réemploi

Rédigé par

Alpes Controles

Organisme de contrôle

4606 Dernière modification le 21/11/2022 - 09:00
La place des contrôleurs techniques dans la massification du réemploi


Malgré de nombreuses initiatives, la filière du réemploi dans le secteur de la construction en est encore à ses balbutiements. Favorisée par un contexte environnemental, sociétal et réglementaire favorable, la pratique du réemploi doit néanmoins se fiabiliser et s’harmoniser au sein des professionnels du bâtiment afin d’envisager un déploiement à grande échelle. Les contrôleurs techniques, en tant que tierce partie indépendante, ont un rôle à jouer déterminant pour installer un lien de confiance technique entre tous les acteurs.

Alpes Contrôles et BTP Consultants, bureaux de contrôle engagés dans la construction bas carbone, s’impliquent activement pour favoriser l’acceptabilité de la pratique à tous les niveaux. Regards croisés sur la pratique du réemploi par François BRILLARD, Responsable du pôle bois et matériaux biosourcés chez Alpes Contrôles et de Ronan BEZIERS LA FOSSE, Directeur Technique Adjoint chez BTP Consultants.

 

Les contrôleurs techniques s’emparent des sujets du réemploi

Chantiers pilotes, groupes de travail, associations interprofessionnelles telles que le Booster du Réemploi* sont autant d’initiatives florissantes en faveur du réemploi. Conscients des avantages environnementaux, économiques et sociaux, les acteurs de la construction montrent un intérêt grandissant à intégrer le réemploi et la réutilisation des matériaux et équipements dans leurs opérations.

« Les maîtres d’ouvrages publics ont été les premiers à intégrer des exigences en matière de réemploi dans le cadre de marchés publics. Nous avons notamment accompagné les premiers chantiers pilotes tels que la réalisation d’une extension du groupe scolaire d’Ivry Levassor à Paris dont les éléments constructifs font largement appel à des matériaux réemployés. Aujourd’hui, on se rend compte que les acteurs privés eux aussi se saisissent de plus en plus du sujet. » François Brillard.

Les contrôleurs techniques, concernés au premier chef par les problématiques techniques et réglementaires du réemploi, participent activement aux discussions interprofessionnelles pour favoriser la massification d’une pratique encore à ses prémices, à l’image d’Alpes Contrôles et de BTP Consultants, tous deux partenaires du Booster du Réemploi.

« Convaincus par la nécessité de construire plus durable, nous avons renforcé notre positionnement sur le réemploi et plus largement l’économie circulaire. On constate néanmoins que le sujet soulève beaucoup de questions au sein de la profession et le contrôleur technique a un rôle à jouer important pour installer un lien de confiance entre tous les acteurs et leurs assureurs » précise Ronan Béziers la Fosse.

En effet, l’approche générale partagée par tous sur le réemploi fait toujours défaut du fait de l’absence de méthodes et de règles reconnues. Cela engendre inévitablement de nombreux freins de la part de l’ensemble des acteurs de la filière, notamment en ce qui concerne les problématiques de durabilité, de conformité au code de la construction et d’assurance.

 

Un contexte réglementaire favorable au réemploi des matériaux

Premiers pas vers une massification de la pratique, une évolution réglementaire favorable et persuasive est en train de voir le jour. Avec l’entrée en vigueur au 1er janvier 2022 de la RE2020, le réemploi est encouragé car les matériaux réemployés ne sont pas intégrés dans le calcul de l’impact carbone. 

Le réemploi est également favorisé par la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire du 10 février 2020, dite loi AGEC, qui entre autres, encourage le réemploi des matériaux et produits issus de la construction et démolition de bâtiments.

L’article L228-4 du code de l’environnement incitant la commande publique à avoir recours à des matériaux de réemploi ou issus de ressources renouvelables, de nombreux projets portés par les acteurs publics ou privés voient le jour sur le territoire.

« Le sujet du réemploi est quotidien et concret au sein des bureaux de contrôle, notamment par des exigences grandissantes de certains acteurs, comme les ZAC. Chez BTP Consultants, nous accompagnons déjà des acteurs et projets dans cette démarche. A l’image d’une opération à Paris où nous participons à la mise en œuvre de pierres agrafées réemployées sur structure bois nouvelle » souligne Ronan Béziers la Fosse.

 

Le rôle du contrôleur technique dans la massification du réemploi

 

Face à l’essor des projets intégrant des objectifs de réemploi, les contrôleurs techniques doivent apporter des réponses aux questions de faisabilité technique, de pérennité des ouvrages et d’assurabilité des opérations. Cet accompagnement par une tierce partie indépendante permet de professionnaliser et de fiabiliser la filière.

Le réemploi implique de prendre des mesures adaptées tout au long du processus, depuis l’analyse et la description du gisement de matériaux à réemployer à sa remise en œuvre, en passant par l’identification et la justification des performances attendues pour les usages futurs.

Pour émettre ses avis dans le cadre d’une démarche de réemploi, le contrôleur technique doit prendre en compte une double analyse technique et réglementaire. Technique pour un objectif de zéro sinistre et réglementaire pour répondre aux obligations légales de conformité à la réglementation.

« Réglementairement, le code de la construction n’impose pas de construire avec du neuf à partir du moment où l’on réussit à justifier des performances des produits pour répondre aux objectifs à atteindre. Le contrôleur technique peut donc se prononcer sur les matériaux de réemploi incorporés dans l’ouvrage et créer le maillon manquant entre les acteurs en amont et aval du réemploi » précise François Brillard.

Il est cependant important de préciser que le rôle du contrôleur technique diffère de celui de l’AMO économie circulaire. Alors que le rôle de l’AMO économie circulaire est de proposer un référentiel et un cadre pour l'évaluation des matériaux réemployés ou encore de définir l’ensemble de leurs caractéristiques et leurs usages, la mission du contrôleur technique est d’analyser et remettre un avis sur la démarche ainsi que le processus d’évaluation des matériaux réemployés en vue de leur intégration dans la construction.

Une validation des caractéristiques des matériaux nécessaires pour rassurer l’ensemble des acteurs

Il existe encore aujourd’hui une forte appréhension des assureurs à couvrir les risques inhérents à la pratique. Leur réticence à l'égard du réemploi se comprend quant à la classification du réemploi principalement en Techniques non courantes (TNC). De ce fait, ces derniers pourraient être enclins à refuser la souscription des garanties dans le cadre d'opérations intégrant le réemploi de matériaux, ou de prévoir des exclusions de garanties ou des surprimes.

Il est cependant possible de procéder en amont à des analyses de risque, des essais, des tests, à la mise en place de procédures de contrôle suffisantes pour confirmer que le risque est maîtrisé.

 

« Plus qu'un simple contrôle réglementaire, notre objectif est de nous adapter aux contraintes du projet et de mettre au service de l’ouvrage nos analyses de risque afin d'assurer que le réemploi de matériaux réponde aux exigences de pérennité de l'ouvrage » indique Ronan Béziers la Fosse.

« Sur un chantier pour lequel des briques de réemploi sont prévues, des essais de gélivité et de compression pour vérifier les caractéristiques mécaniques (au plus proche d’une brique neuve) ont été réalisés sur un échantillonnage pour que nous puissions nous prononcer. Cela permettra de réutiliser les briques dans l’ouvrage » explique François Brillard.

Cette intervention est un gage de viabilité et de sécurité pour la maîtrise d’ouvrage qui s'assure que la démarche de réemploi est maîtrisée via une validation du matériau à intégrer dans l’ouvrage. Elle permet également de faciliter l’assurabilité du projet en confirmant que celui-ci est conforme aux exigences réglementaires et se rapproche au plus près des normes DTU.

Or aujourd’hui, la qualification d’un matériau de récupération en vue de son réemploi éventuel ne fait pas partie de la mission du contrôleur technique.

 

Une disparité de matériaux à réemployer

La caractérisation des performances des produits issus du réemploi et de l’assurabilité des pratiques s’avère complexe du fait de la grande diversité de produits, matériaux et équipements. Les performances ainsi que les conditions de vieillissement à prendre en compte sont propres à chaque situation. De fait, il convient d’avancer par étape en se concentrant progressivement sur des familles de produits spécifiques.

Il est facile et peu coûteux aujourd’hui de valider les caractéristiques de matériaux de construction inertes tels que des briques, carrelages ou dalles de plafond. On peut réaliser des essais au plus proche des essais initiaux réalisés lors de la fabrication du matériau pour réduire le risque lors de son insertion dans l’ouvrage. Ce qui est vrai pour cette famille de matériaux ne l'est pas pour les éléments de sécurité tels que les tourelles de désenfumage ou les blocs lumineux d’issues de secours avec batterie qui posent des problèmes de sécurité et de normalisation imposée réglementairement. La technicité des essais et des justifications à produire pour pouvoir réemployer des éléments mettant en cause directement la sécurité est très délicate et engage fortement la responsabilité des acteurs.  

 

Vers une homogénéisation de la pratique du réemploi au sein de la profession

Pour déployer le réemploi à plus grande échelle, il est indispensable de maîtriser les leviers qui rendent le réemploi performant et d’harmoniser les pratiques d’évaluation pour sortir de l’approche chantier par chantier.

Pour atteindre ses objectifs environnementaux, la pratique du réemploi doit être évaluée et la filière doit se structurer pour répondre aux enjeux économiques, juridiques, et assurantiels.  Les attentes sont donc fortes et le potentiel du réemploi dépend largement de la robustesse des méthodologies de caractérisation et d’évaluation de la performance.

Dans ce contexte, les contrôleurs techniques contribuent aux réflexions et actions engagées par les parties prenantes, échangent sur le positionnement de la profession, et adaptent leurs pratiques pour accompagner cette évolution vertueuse.

 

Un article signé par Amélie Courson de BTP Consultants et Olivia Caillou d'Alpes Contrôles 


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