#7 - Un budget climatique pour les collectivités ? Retour d'expérience de la Métropole Européenne de Lille et la Ville de Lille

Le besoin d'investissements massifs pour basculer vers un monde décarboné et résilient n’est plus à démontrer. Or, à travers leurs compétences, les collectivités territoriales jouent un rôle primordial pour répondre à l’urgence climatique. Leurs investissements « verts », nécessaires à l’atteinte des objectifs climatiques devront être conséquents, parallèlement, les dépenses « brunes », c’est-à-dire néfastes pour le climat, devront considérablement s’alléger dans les budgets. Il apparait alors indispensable d’outiller les collectivités pour aligner et mettre en cohérence l’ensemble des dépenses publiques vers ces objectifs ; c’est en ce sens que le  budget climatique intervient pour aiguiller le pilotage budgétaire.

Construire une méthode robuste permettant d’évaluer chaque dépense à l’aune des enjeux climatiques

Le budget climatique consiste à analyser, ligne par ligne, l’ensemble des dépenses de fonctionnement et d’investissement de la collectivité afin de déterminer si elles contribuent de manière (très/plutôt) favorable, neutre ou défavorable à nos objectifs climatiques. Afin d’utiliser une méthodologie robuste et partagée, la Métropole Européenne de Lille (MEL) et la Ville de Lille ont volontairement fait le choix d’intégrer le groupe de travail piloté par le think-tank I4CE pour co-construire un « cadre d’évaluation climat du budget pour les collectivités territoriales ». Cette méthodologie présente l’avantage de pouvoir qualifier, de manière simple et compréhensible, et selon un référentiel basé sur l’état des connaissances scientifiques, l’impact des projets et politiques publiques au regard des ambitions de neutralité carbone des territoires. Le choix a été fait de décliner cette méthode en interne, en élargissant le spectre d’analyse aux grands objectifs du Plan Lillois pour le Climat et du Plan Climat Air Energie Territorial métropolitain : l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre, l’adaptation aux conséquences du changement climatique et l’amélioration de la qualité de l’air. Les échanges et réflexions sur l’éventuelle intégration dans l’analyse d’autres enjeux environnementaux importants, tels que la préservation de la biodiversité, sont par ailleurs poursuivis avec nos partenaires.

Une démarche apprenante qui s’enrichit au gré des exercices budgétaires

En interne, le déploiement du budget climatique et de sa méthodologie nécessite plusieurs prérequis ; d’une part, un portage fort par les élus finances/transition écologique et l’administration est nécessaire, d’autre part l’ensemble des services thématiques doit être mobilisé et doit s’approprier l’outil pour en assurer l’opérationnalité. À la métropole comme à la ville, le pilotage technique est assuré par un chef de projet au niveau de l’équipe transition écologique, qui travaille en collaboration étroite avec la direction des finances et l’ensemble des services thématiques.

La mise en œuvre et le développement progressif de la méthodologie se traduit par l’organisation d’ateliers en interne, avec les services et les élus thématiques et se nourrit des réflexions menées à l’échelon local et national, lors de groupes de travail avec France Urbaine notamment. Ces temps d’appropriation de la méthode et de reporting, nécessaires pour disposer d’une « photographie » des dépenses la plus objective possible et réduire la part des dépenses « indéfinies », présentent un caractère chronophage lors des premiers exercices et doivent ainsi être optimisés et simplifiés pour une bonne adhésion des équipes.

Pour illustrer ces progrès d’analyse, les dépenses « indéfinies », dont l’évaluation n’a pas pu être réalisée par manque de méthode ou de données,  sont passées de 36% (soit 520 M€)  à 15 % (soit 210 M€)  entre les CA 2019 et CA 2020 à la Métropole Européenne de Lille. Quant à la Ville de Lille, ces dépenses sont passées de 31% (soit 61 M€) à 20% (soit 31M€) entre le BP 2021 et le CA 2020.
 

Vers un changement de paradigme dans la construction du budget ?

Les premiers exercices d’analyse climatique du budget étaient des analyses « ex post » afin d’expérimenter l’outil et de consolider notre méthode. L’outil a contribué à acculturer les services et les élus quant au lien étroit entre budget et impacts climatiques et permet un éclairage quant à l’évolution de leurs pratiques et à l’identification de leviers d’amélioration.

Désormais le questionnement climatique s’intègre progressivement dans le cycle budgétaire et le processus décisionnel. Comme indiqué dans la lettre de cadrage budgétaire, la mise en place des indicateurs se fait avec les services dès l’étape des propositions budgétaires et vient nourrir les questionnements et les arbitrages budgétaires techniques et politiques se déroulant en amont du vote du budget primitif.

Pour illustrer l’exercice, ces arbitrages ont permis à la Métropole Européenne de Lille de proposer un Budget Primitif 2022 qui se décompose comme suit sur la section investissement :

La stratégie de transition écologique de la collectivité ne se limitant pas au budget climatique, la démarche s’articule également avec le SPASER (schéma de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables), qui vise à la massification de l’intégration de clauses environnementales dans les marchés publics et le BEGES (bilan des émissions de gaz à effet de serre) qui permet de quantifier et ainsi prioriser les actions à mener. Cette stratégie globale se traduit par la nécessité d’adopter une approche systémique de prise en compte des enjeux climatiques et de sortir d’une vision en silo pour contribuer à l’atteinte de la neutralité carbone.

Auteurs : Audrey Beretta-Delmarre, Chargée de mission Budget Climatique àla métropole Européenne de Lille et Pierre Lommere, chargé de projet Budget Climat à la Ville de Lille

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