La brise thermique urbaine, un allié capricieux

Rédigé par

Eric LARREY

Directeur de l'innovation

2335 Dernière modification le 03/05/2023 - 08:35
La brise thermique urbaine, un allié capricieux

La lutte contre les îlots de chaleur urbains et l'inconfort thermique ressenti par les habitants des villes peut prendre bien des formes. Les plans de végétalisation et la désimperméabilisation des sols sont les solutions les plus fréquemment évoquées. Ce sont d'ailleurs celles qui offrent le plus de moyens d'action. La brise urbaine est un autre moyen d'action, plus complexe à manœuvrer, plus capricieux, mais dont on peut espérer tirer le meilleur. Essayons d'en énoncer les principes, d'évoquer sa mise en évidence expérimentale et de simuler ses effets pour en retirer quelques enseignements.

Le principe

Prenons le cas d'un milieu urbanisé situé à proximité d'une masse d'eau, comme ici avec le site de Bordeaux Lac.

La présence de bâtis et de surfaces minéralisées et le manque de végétation occasionne la création d'îlots de chaleur. 

 

En fin de journée, les sols et bâtiments qui ont emmagasiné de l'énergie thermique durant la journée continuent de chauffer l'air en surface. Cet air chaud, moins dense, à tendance à s'élever suivant un effet de cheminée.

Suivant les conditions climatiques, et notamment en l'absence de vent important, un régime local de convection naturelle peut se créer. 

 

La mise en évidence expérimentale

Le phénomène de brise thermique a été mis en évidence à de multiples reprises comme à Paris (cahier de l'APUR) ou plus récemment dans une étude chinoise "How to use lake breeze circulations to improve urban natural ventilation: A
case study in a typical inland multi-lake megacity"
 *.  

Les vitesses d'écoulement d'air observées se situent généralement entre 1 et 4 m/s au plus. Le phénomène peut être accentué par la présence de relief comme dans le cas de l'étude menée à Paris.

En ce qui nous concerne, nous avons pu mettre en évidence ce phénomène sur le site du lac d'Allier à Vichy, en étudiant les profils d'évolution de la température de l'air en fin de soirée et début de nuit, le long d'une ligne transversale au cours de l'Allier. Mais sur deux mois d'été 2022, le phénomène ne se produit qu'assez rarement. Il pourrait être qualifié de capricieux au sens où :

  • les courants d'air créés par cette convection naturelle sont de faible intensité. Si le site est pris dans un système de vent un peu intense, il ne peut être observé
  • il faut un gradient de température suffisant entre le sol et l'atmosphère pour générer un courant ascendant. Durant les nuits très chaudes (notamment dans le cas de déplacement de masses d'air très chaud en provenance des zones méridionales), ce gradient peut être insuffisant

La simulation

Pour aller plus loin, nous avons exploré la voie de la simulation aéraulique le cas de Bordeaux Lac. Nos travaux sur le confort thermique usager basé sur la mesure in situ et l'exploitation de données satellites nous a permis de construire une cartographie des températures en fin de journée sur ce même site. Celle-ci nous a servi de condition initiale pour alimenter notre modèle aéraulique.

La vidéo suivante présente le résultat de cette simulation au cours d'une soirée aux conditions idéales (pas de vent extérieur et ciel clair).

La répartition de température initiale correspond à cette situation, où la ligne noire représente le bord du lac : 

Les flux ascendants dépendent du gradient vertical de température, ce qui conduit à des brises plus fortes en direction des points les plus chauds. La circulation de l'air est largement favorisée dans les avenues perpendiculaires à la berge, alors que les bâtiments qui lui sont parallèles forment des obstacles aux écoulements.

 

Conclusion

Pour qu'un milieu urbain puisse bénéficier d'une telle source de rafraîchissement, il est nécessaire de dispose à proximité d'un "pôle de fraîcheur" d'une taille suffisante : lac, large cours d'eau, forêt périurbaine...

Il s'agit donc plus souvent d'une situation d'aubaine que d'une solution pouvant être déclinée à l'envie. Pour autant, cela peut militer pour la création de forêts et de parcs périurbains dont les avantages écosystémiques sont importants. 

Outre l'aspect "capricieux" de la brise urbaine, le positionnement de forêts périurbaines, situées en amont par rapport aux vents dominants, peut également apporter de la fraîcheur au milieu urbain. Un sujet que nous aborderons ultérieurement.

Ce que l'on peut cependant retenir, c'est que si ce phénomène est difficile à maîtriser, nous pouvons néanmoins penser à ne pas l'entraver. Dans le cas présenté ici, il apparaît clairement que les longues barres d'immeubles parallèles aux fronts de fraîcheur gênent notablement la bonne circulation des brises. Une situation pourtant très fréquente en bord de mer.

C'est d'ailleurs un des points que la ville de Zürich a retenu pour lutte contre la surchauffe estivale.

 

* Yatian Chen et al. Landscape and Urban Planning 230 (2023) 104628

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