L’intégration de la démarche Energie Carbone dans les pratiques d’éco-conception d'Artelia

Rédigé par

Kévin THIZY

4295 Dernière modification le 07/11/2017 - 10:00
L’intégration de la démarche Energie Carbone dans les pratiques d’éco-conception d'Artelia

 

Le label d’Etat expérimental « Energie Positive et Réduction Carbone », lancé à l’automne 2016 et préfigurant la future RE 2020, est l’objet de toutes les attentions. Son but ? Mobiliser le secteur immobilier français pour atteindre la sobriété énergétique et décarbonner massivement les bâtiments neufs.

Dans ce nouveau paradigme, chaque acteur a un rôle clé à jouer pour mettre en musique cette partition audacieuse et indispensable à l’intérêt général. A commencer par les bureaux d’études.

Si l’exemplarité énergétique devient de plus en plus maîtrisée par les acteurs grâce à la RT 2012 et aux labels énergétiques qui ont montré la voie à suivre, il n’en va pas de même pour la performance environnementale et, dans le cas présent du label E+C-, pour la réduction de l’impact carbone du bâtiment.

Soucieux d’agir dès aujourd’hui et de s’assurer d’une conception exemplaire, les Maitres d’Ouvrage s’entourent d’ingénieurs conseil spécialistes comme le Département Bâtiments Durables d’ARTELIA, pour analyser, guider, évaluer puis optimiser la performance énergétique et environnementale de leurs projets par rapport aux références fixées par le label.

La qualité des ACV au service de la connaissance collective de l’impact carbone

Nous intervenons dès la phase concours, pour orienter les différents choix (constructifs, énergétiques, eau, chantier) à partir d’études de faisabilité basées sur le contexte du projet et nos retours d’expérience en chantier. Nos propositions sont adaptées et articulées autour d’une performance à la fois énergétique et carbone.

Nous réalisons des comparatifs d’impact carbone à « iso-environnement technique », c’est-à-dire à unité fonctionnelle et caractéristiques techniques égales dans le bâtiment. Cela implique de ne pas considérer seulement le produit mais le complexe technique dans lequel il est mis en œuvre.

Par exemple, lorsque l’impact carbone d’une variante poutre béton est comparé à celui d’une poutre métallique, il est indispensable de prendre en compte le poids carbone lié la reprise de charge structurelle supplémentaire qu’implique la variante poutre béton dans le bâtiment, afin de comparer à « service rendu égal ».

Tout aussi important : nous réalisons la modélisation du projet de la manière la plus complète possible, basée sur les quantitatifs et majorés d’un coefficient de sécurité qui permet d’anticiper la hausse de l’évaluation carbone du bâtiment en phase Construction. Nous suivons d’ailleurs avec intérêt la définition en cours d’une ACV de qualité par l’OPQIBI, puisqu’il nous semble primordial d’harmoniser la pratique de l’ACV afin d’établir un socle méthodologique commun.

Ces deux aspects de notre expertise sont cruciaux, puisqu’ils représentent un axe fort de crédibilité et de progression technique de la méthode auprès des professionnels du secteur.

C’est le 1er pivot pour passer de la prescription bas carbone théorique au stade appliqué. Un changement de dimension à haute valeur ajoutée pour la progression collective sur le sujet.

Le but est d’apporter tant que possible une solution « clé en main » à la Maitrise d’Ouvrage, pour laquelle seule la variable économique (à étudier en coût global) restera à arbitrer au regard des objectifs de performance.

La pédagogie pour la mobilisation de tous

Tout au long de la conception du projet, le calcul ACV du projet est mis à jour afin de rendre compte en continu de l’impact de chaque modification sur le poids carbone total du bâtiment et de le comparer aux références en vigueur. Le but est double : suivre le poids carbone du bâtiment, mais également sensibiliser la Maitrise d’Ouvrage et ses Maîtres d’Œuvre à l’importance carbone de ces choix. Ce travail main dans la main avec les acteurs de la conception est incroyablement enrichissant. C’est ici que la construction bas carbone prend tout son sens et sa transversalité, accélérant l’acquisition commune de connaissances sur les bonnes pratiques à généraliser. Cela permet également de venir questionner les références fixées dans le cadre du label expérimental afin de faire remonter des enseignements opérationnels pour un ajustement ultérieur. Comme vu précédemment, il s’agit de mobiliser tous les acteurs de la conception, et de rendre perméable les domaines de compétence technique de chacun pour trouver collectivement un optimum adapté au projet du point de vue de la réduction de l’impact carbone.

C’est le 2ème pivot. En faisant preuve de pédagogie sur l’acte de concevoir bas carbone lors de nos missions, nous accompagnons le secteur du bâtiment à se réinventer et à s’améliorer. 

Suivi en continu du poids carbone d’un projet en fonction de ses choix de conception

Néanmoins, le manque de données environnementales spécifiques à chaque produit constitue le frein principal à la conception bas carbone. En effet, l’ACV implique de comptabiliser les impacts environnementaux de chacun des produits de construction et équipements. Dès lors que les données environnementales spécifiques d’un produit n’ont pas été calculés par son fabricant, l’ACV perd en représentativité et gagne en incertitude puisque le modélisateur est obligé d’utiliser des données environnementales collectives (FDES unique présentant la moyenne entre plusieurs fabricants d’un même syndicat) voir génériques (FDES par défaut à partir de données moyennes et intégrant un coefficient majoré d’impact par sécurité).

C’est pourquoi, le label E+C- impose que les données environnementales utilisées pour modéliser le projet soient : soit des données par défaut (pénalisantes car majorées), soit les données spécifiques aux produits mis en œuvre sur le projet. Ainsi : si le produit d’un industriel sélectionné pour son éco-conception, ne possède pas de FDES spécifique, il sera modélisé dans l’ACV par une FDES par défaut avec un impact plus élevé. Pire : il risque d’être remplacé par un autre produit concurrent possédant lui une FDES spécifique, contribuant mieux à réduire l’impact carbone du bâtiment. Dans les deux cas, le message est brouillé auprès du Maître d’Ouvrage. 

C’est le 3ème pivot essentiel : la mobilisation du secteur industriel du bâtiment par le label Energie Carbone, à réaliser ses FDES spécifiques et à les déposer sur la base de données nationale INIES. C’est le vecteur clé grâce auquel le secteur du bâtiment va accroître massivement la connaissance de son poids carbone. Pour rappel, la réglementation[1] impose aux industriels la réalisation de FDES au format NF EN 15804+A1 et XP P01-064/CN et vérifiée par tierce partie, depuis le 1er juillet 2017 pour les produits de construction et décoration, ainsi que pour les équipements techniques.

Aujourd’hui, la dynamique est amorcée par un certain nombre d’acteurs ayant compris l’enjeu économique sous-jacent. Il est du rôle des acteurs de la construction de communiquer avec les industriels pour les inciter à réaliser leurs FDES. De notre expérience, le message est très vite compris (qui plus est lorsqu’il est appuyé par la Maitrise d’Ouvrage) et les moyens sont mis en œuvre à temps lorsque nous rencontrons les industriels en amont, dès les premières discussions autour de leur produit.

Il est donc urgent que les acteurs de la construction incitent dès maintenant les industriels et ce, comme un nouveau réflexe, à réaliser leur FDES et à les déposer sur INIES pour qu’elles y soient vérifiées. Les instances de vérification étant bien entendues garantes du bon fonctionnement de cette chaine de valeur ; leur existence est indispensable et à préserver.

Il en va de la réussite du projet de réduction de l’impact carbone global du secteur du bâtiment.


[1] Arrêté du 23 décembre 2013 relatif à la « déclaration environnementale des produits de construction et de décoration destinés à un usage dans les ouvrages de bâtiment »

Article proposé par Artélia

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