Jardins de pluie : un dossier du Cerema sur les expériences menées à l'étranger avec les habitants

1001 Dernière modification le 11/05/2020 - 12:33
Jardins de pluie : un dossier du Cerema sur les expériences menées à l'étranger avec les habitants
Différentes expériences de programmes participatifs menées à l'étranger proposent aux propriétaires de dé-raccorder leurs eaux pluviales contre une aide financière ou des offres de produits à prix réduit. Des démarches novatrices qui connaissent un vrai succès, et dont le Cerema partage ici les enseignements.
 
 

Dans le cadre du projet de recherche Gestion Intégrée de l'Eau en Milieu Urbain GIEMU, les expériences de gestion des eaux pluviales impliquant les habitants et les propriétaires ont été observées.

Dans ce dossier, retrouvez les différentes formes de démarches: récupérateurs d'eaux pluviales, jardins de pluie, marquage au sol, infrastructures vertes.

Chacun de ces programmes propose un accompagnement structuré pour sensibiliser et impliquer les habitants ainsi qu’un dispositif de suivi et d’évaluation des effets – notamment sur la maîtrise des eaux pluviales.

En France, quelques programmes similaires existent mais restent généralement centrés sur les questions d’économie d’eau. À l’étranger au contraire, une dynamique de mobilisation des citoyens dans la gestion à la source des eaux pluviales se dessine depuis plus d’une dizaine d’années. 

Plus de 150 programmes ont ainsi été identifiés, et figurent sur une carte interactive.

La plupart des programmes sont déployés aux États-Unis, au Canada et en Australie. Ils sont principalement portés par des collectivités locales, des petites villes aux métropoles. Les incitations financières proposées (réductions, bons d’achats, crédits, partage des coûts) sont complétées par d’importantes opérations de communication et de pédagogie.

Ces démarches menées en France et à l'étranger témoignent de la diffusion internationale de cette dynamique de participation des citoyens dans la gestion de l’eau de pluie en ville.

 

LES RÉCUPÉRATEURS D'EAU PLUVIALE /  RAIN BARRELS PROGRAMS

Il s'agit de collecter et utiliser l’eau de pluie de sa toiture. Les récupérateurs d’eau pluviale sont des dispositifs branchés sur une gouttière d’évacuation des eaux de toitures. Ils stockent l’eau de pluie qui ensuite peut être utilisée dans de nombreux usages domestiques. 

Quels sont les dispositifs mis en place par ces programmes ?

Les programmes d’incitation proposent selon les cas :

  • une distribution de réservoir d’eau à un prix attractif voire gratuite
  • une aide financière sous la forme d’un remboursement forfaire après achat auprès de partenaires
  • une assistance technique avec des fiches pratiques (installation, entretien…) qui peut être complétée par des ateliers et des conseils personnalisés, et même le remplacement gratuit de cuves lors d’un dysfonctionnement
  • un suivi dans le temps avec des animations régulières sur le terrain : ateliers "faire son récupérateur soi-même", présence d’un stand à des fêtes de plantes
  • des outils pour calculer ses économies d’eau après l’installation d’un récupérateur d’eau.

 

 Quelques enseignements

  • le récupérateur d’eau extérieur est plébiscité par les habitants, pour sa simplicité d’installation et son utilisation facile notamment pour le jardin
  • le bouche-à-oreille entre voisins fonctionne très bien
  • ce type de programme est un outil pédagogique de sensibilisation efficace et simple à mettre en place
  • ce programme est souvent une première étape avant de monter d’autres actions complémentaires.

 

Etude de cas : Kingston, Ontario, Canada

Livraison de récupérateurs d’eau de pluie à domicile
C’est un des rares programmes à proposer une livraison à domicile. Cette solution a été adopté par la ville afin d’éviter les files d’attente inutiles au vu du succès du programme. La période de distribution des citernes s’est adaptée pour correspondre à la saison de jardinage. Les modalités de paiement sont simples : la vente de la citerne est automatiquement intégrée à la facture d’eau des habitants.

 

 

LES JARDINS DE PLUIE / RAIN GARDEN PROGRAMS

Objectif: Aménager un jardin de pluie chez soi pour gérer l’eau pluviale. 

Le jardin de pluie est un aménagement végétalisé en creux qui fait partie des techniques de gestion intégrée des eaux pluviales au niveau de la parcelle.

En fonction de la taille de la parcelle, du type de sol et de sa topographie, le jardin de pluie peut prendre différentes formes : fossé ou noue végétalisée, bassin sec ou en eau.

 

Quels sont les dispositifs mis en place par ces programmes ?

Les programmes d’incitations proposent selon les cas :

  • Aides financières pour participer au coût de la réalisation du projet selon un processus et un calendrier strict
  • Assistance technique complète (fiches conseils…)
  • Des animations régulières permettent de mobiliser et de fédérer les citoyens sur l’enjeu de l’eau pluviale
    • rencontres festives autour de jardins de pluie "pilote"
    • des visites régulières sur le terrain avec les habitants sous la forme de "Rain Garden Tours"
    • organisation de concours du type "le prix du plus beau jardin de pluie"
    • proposer un défi à atteindre "1 000 jardins de pluie", "10 000 gallons d’eau économisée"…
  • Une cartographie de la localisation précise des participants au programme
  • Un compteur pour visualiser l’avancée du programme sur un site internet.

 

Quelques enseignements

  • Au démarrage du programme, les événements autour de projets pilotes favorise l’essaimage des projets de jardins de pluie
  • Les budgets consacrés à ces programmes sont évidemment limités, il faut donc veiller à ne pas être victime de son succès. Afin de contenir la participation des habitants, certaines communes imposent un calendrier strict pour l’obtention des subventions, la participation à des ateliers pédagogiques est parfois obligatoire.

 

Etude de cas : Puyallup, Washington, États-Unis

Un programme de jardins de pluie exemplaire
Une phase expérimentale de projets pilotes à l’échelle des quartiers a permis de jeter les bases du programme plus structuré de partage des coûts à l’échelle de la ville.

D’importants efforts de communication, d’éducation et d’accompagnement sont fournis, jusqu’à la formation des professionnels.

 

LES MARQUAGES AU SOL / ADOPT A STORM DRAIN PROGRAMS

Il s'agit d'actions citoyennes sur les avaloirs d’eau pluviales.
Les égouts de nombreuses villes se déversent directement dans les océans ou les rivières. Ces programmes ont comme objectif de sensibiliser les habitants aux risques de pollution directe lorsque ces égouts sont considérés (à tort) comme des poubelles.

L’idée est d’informer les passants via les avaloirs avec des messages comme "la mer commence ici" (Ville de Collioure) ou que "Tout part à la mer" (Ville de Nice/Métropole Nice Côte d’Azur).

Dans les pays anglo-saxons, certaines villes vont plus loin, avec les programmes Adopt a Drain, chaque habitant est invité à "adopter" ou plutôt "parrainer" des avaloirs de son quartier.

 

Quels sont les dispositifs mis en place par ces programmes ?

marquage au sol à Nice

Marquage au sol à NiceDes logos, des messages, des dessins au pochoir apposés contre les avaloirs pour sensibiliser les passants

  • Des animations, des campagnes de communication pour informer sur la gestion de l’eau, les enjeux liés à la biodiversité

Dans les programmes Adopt a Drain, les habitants ont des rôles actifs :

  • Actions sur le terrain avec des ateliers participatifs
  • Vigie/surveillance pour signaler des problèmes (présence de détritus et désordre divers)
  • Participation à son entretien (cf. l’exemple de San Francisco).

 

 

Quelques enseignements

  • Le changement de regard sur une simple grille d’égout. Définitivement ce n’est pas une poubelle !
  • Le montage du programme est à adapter en fonction du contexte local : choisir un message qui parle aux gens, s’appuyer sur des acteurs de terrain, organiser une première campagne de marquage sur une zone test, prévoir une évaluation du programme
  • La campagne de marquage s’étend généralement au-delà des zones strictement concernée par les problèmes d’inondation ou de pollution. L’important est de diffuser un message au passant, à savoir que chewing-gum, mégots, mouchoirs en papier… vont directement dans les eaux dans le milieu naturel et les eaux de baignade.
  • La concertation est indispensable avec les acteurs locaux, on pense notamment à la coopération des commerçants sur les zones de terrasses et les zones piétonnes.

 

Étude de cas : San Francisco, Californie, États-Unis

Logo Adopt A drain

Parrainage d’avaloirs par les habitants.

Pour la ville de San Francisco, un tel programme contribue à prévenir des inondations certains quartiers ainsi qu'à protéger la baie et l’océan des pollutions.

Ce programme est avant tout basé sur des actions pédagogiques et de sensibilisation. L’idée est de faire prendre conscience aux habitants de l’enjeu de l’eau pluviale et de les impliquer dans la gestion et l’entretien des avaloirs.

 

LES INFRASTRUCTURES VERTES / GREEN STORMWATER INFRASTRUCTURE PROGRAMS

L'objectif est d'utiliser une palette de dispositifs pour gérer à la source les eaux pluviales
Dans les exemples étudiés, les infrastructures vertes sont :

  • Un réseau constitué de zones naturelles, semi-naturelles et urbanisées (avec les espaces verts) qui offre des services écosystémiques
  • Un outil qui permet de gérer les enjeux environnementaux actuels : limiter les risques d’inondation, la pollution des milieux aquatiques et la formation d’îlots de chaleur en ville.

Concrètement, un programme du type "Infrastructures vertes" regroupe un ensemble de dispositifs :

  • Chez les habitants à l’instar des programmes précédents (récupérateurs d’eau pluviale, jardins de pluie…) avec des actions complémentaires : dés-imperméabiliser les sols, mettre en place des toitures végétalisées, déconnecter son réseau pluvial du réseau d’assainissement
  • Dans l’espace public, avec comme objectif de former un maillage vert et bleu à l’échelle des quartiers et de la ville. Il s’agit de réaliser des aménagements comme des réseaux de noues et de jardins de pluie et de parcs publics. Ces actions intègrent des plantations d’arbres d’alignements, de mails, voire un Plan de Canopée Urbaine à l’échelle d’une métropole.

 

Quels sont les dispositifs mis en place par ces programmes ?

  • De nombreuses actions de sensibilisation et des événements festifs autour de la thématique de l’eau
  • Des sites internet proposant des outils pédagogiques, des conseils, des info-lettres
  • Des aides financières multiples pour l’installation de dispositifs d’infrastructures verte (récupérateur d’eau pluviale, jardins de pluie, sols perméables, toitures végétalisées, déconnections au réseau d’assainissement). Ces aides sont selon les cas : partielles/totales, limitées dans le temps/annuelles, sous conditions strictes/sans condition
  • Des animations scolaires
  • Des partenariats (universitaires, associations, autres collectivités) pour mutualiser et diffuser les bonnes pratiques à l’échelle régionale.
  • Un appui scientifique et pédagogique pour tous les acteurs
  • Un suivi des programmes menés (contrôle des polluants, suivi de la biodiversité).

 

Quelques enseignements

  • Ce sont des métropoles innovantes et moteurs qui expérimentent. Ces programmes sont ensuite déclinés et adaptés à l’échelle régionale dans des communes plus petites.
  • L’animation régionale du programme est portée par des fondations, des associations ou des laboratoires universitaires. Des groupes de travail intégrant les services techniques des villes sont montés régulièrement afin de partager les matériaux pédagogiques et le savoir scientifique et technique.
  • Les actions menées à la fois dans le domaine privé et l’espace public améliorent grandement l’image et le cadre de vie des quartiers.
    Les aménagements paysagers sont qualitatifs. Les retours de terrain des habitants sont très positifs.
  • Les évaluations menées dans certains programmes montrent une diminution des risques d’inondation et une amélioration de la qualité des eaux.

 

Etude de cas : Lidydale,Victoria, Australie

Expérimentations sur les effets d’un programme à l’échelle d’un quartier pavillonnaire de la banlieue de Melbourne

Little Stringybark Creek Project (LSCP) est un projet expérimental dont l’objectif est de vérifier si des techniques de rétention et d’infiltration des eaux de pluie ont un impact pour restaurer l’hydrologie et améliorer l’écologie d’un ruisseau.

Ce programme propose de nombreuses actions avec les habitants et des contrôles scientifiques.

Les projets réalisés chez les particuliers sont subventionnés en fonction du bénéfice environnemental estimé. Son montant est décorrélé du coût réel des travaux.

 

 

Article publié sur Cerema Actualités
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