Immeuble durable : passe ton BACS d’abord

Rédigé par

Olivier Ortega

Avocat

2339 Dernière modification le 14/04/2023 - 12:00
Immeuble durable : passe ton BACS d’abord


Le Grenelle de l’environnement a donné le top départ de la nouvelle réglementation française du développement durable en général et de la réglementation de l’immobilier durable en particulier.

Après une première étape visant à la mise en mouvement de la société civile par des textes non pénalement ou administrativement sanctionnés, le cadre juridique se resserre progressivement et envoie des signaux de plus en plus précis et contraignants. Depuis 2010, les lois sur le climat se sont ainsi superposées les unes aux autres, créant de nouvelles règles ; les outils de programmation nationale ont été mis en place qui commandent une déclinaison micro-économique, à la source de nouvelles obligations. C’est bien dans cette logique d’entonnoir que sont intervenus, coup sur coup, deux décrets tournés vers l’efficacité énergétique du parc tertiaire, compris par les pouvoirs publics comme un parc essentiellement géré par des professionnels aptes à intégrer la nouvelle donne règlementaire.
Le décret n°2020-887 du 20 juillet 2020 relatif au système d'automatisation et de contrôle des bâtiments non résidentiels et à la régulation automatique de la chaleur, dit décret « BACS » (« Building Automation & Control Systems ») constitue un dispositif à prendre au sérieux, quoique d’application conditionnée. Il vient tout récemment d’être renforcé par le décret n°2023-259 du 7 avril 2023 relatif aux systèmes d’automatisation et de contrôle des bâtiments tertiaires, complété par son arrêté du même jour.

Un nouveau dispositif à prendre au sérieux

Le décret BACS constitue encore aujourd’hui un nouveau venu dans le paysage juridico-technique du bâtiment durable. Il ne doit pas pour autant ne pas être pris très au sérieux compte tenu du niveau de ses sources juridiques et de son articulation forte avec le dispositif Éco Énergie Tertiaire.

Sources juridiques

Le décret BACS dispose d’une assise juridique particulièrement élevée dans la hiérarchie des normes françaises. Il procède ainsi à la fois des obligations mises à la charge des États par les trois directives européennes des 30 mai et 11 décembre 2018, et de l’ordonnance du 15 juillet 2020 prise en application de l’article 39 de la loi énergie climat du 8 novembre 2019.
On peut difficilement faire plus musclé en termes de normes !
Concrètement, le décret transpose les articles 8, 14 et 15 de la directive 2010/31/UE du Parlement européen et du Conseil du 19 mai 2010 sur la performance énergétique des bâtiments requérant la mise en œuvre de systèmes d'automatisation et de contrôle des bâtiments non résidentiels, et de systèmes de régulation automatique de chaleur. Il vise à la fois les bâtiments neufs et existants en prévoyant des ajustements pour ces derniers.

Articulation BACS – Dispositif Éco Énergie Tertiaire

Les dispositions du décret BACS ont été codifiées dans le code de la construction et de l’habitation, à l’article L. 174-3 pour le volet législatif et aux articles R. 175-2 à R. 175-6 pour le volet réglementaire. Elles ont donc été insérées immédiatement après le dispositif Éco Énergie Tertiaire posé dans l’article L. 174-1 et dans le chapitre de la partie réglementaire précédant celui relatif au dispositif Éco Énergie Tertiaire. Il y a là plus qu’une simple proximité textuelle. En réalité, tous ces mécanismes, spécifiques au parc tertiaire, poursuivent une même finalité et constituent des signaux normatifs convergents.
Chronologiquement, le décret du 23 juillet 2019 relatif aux obligations d'actions de réduction de la consommation d'énergie finale dans des bâtiments à usage tertiaire, communément dénommé « décret tertiaire », a été adopté le premier et fait partie des visas (les textes visés en début de décret) du décret BACS : le lien juridique entre les deux textes est donc formellement affiché dès le départ. Au plan opérationnel, ce lien signifie que le décret BACS doit être compris comme une mesure d’accompagnement du dispositif Éco Énergie Tertiaire qui pose, on le rappelle, une obligation de réduction des consommations énergétiques (valeur relative) ou le respect d’un niveau maximum de consommations (valeur absolue).

Un dispositif conditionné

L’applicabilité du décret BACS dépend d’abord de la nature du bâtiment et de la puissance du système de production de chaleur ou de froid qui y est installé. Le décret permet, sous condition, d’éluder dans certains cas l’obligation qu’il institue.

Bâtiments tertiaires & Puissance installations

S’agissant de son périmètre, le décret BACS est applicable aux bâtiments à usage tertiaire, neufs ou existants. Les bâtiments concernés peuvent héberger une activité marchande ou non marchande et le texte précise que sont également concernés les propriétaires relevant du secteur primaire ou secondaire. Ce qui compte donc, c’est l’affectation tertiaire du bâtiment et non la qualité de son propriétaire.
Sur le sujet du parc couvert par le texte, le décret BACS est par conséquent en phase avec le dispositif Éco Énergie Tertiaire. Là où les deux mécanismes diffèrent tient dans la condition de dimensionnement du bâtiment concerné : quand le décret tertiaire raisonne en surfaces (1 000 m2), l’applicabilité du décret BACS repose sur la puissance du système de chauffage ou de climatisation, combiné ou non avec un système de ventilation.
Aux termes du décret d’avril 2023, l’obligation d’équiper les bâtiments tertiaires existants et neufs de systèmes d’automatisation et de contrôle s’applique comme suit :

  • d’ici le 1er janvier 2025 pour les bâtiments possédant un système de chauffage ou de climatisation de plus de 290 kW ;
  • d’ici le 1er janvier 2027 pour les bâtiments équipés d’un système de chauffage ou d’un système de climatisation, combiné ou non avec un système de ventilation, de plus de 70 kW et dont le permis de construire est déposé après le 8 avril 2024 ;
  • d’ici le 1er janvier 2027 pour les autres bâtiments équipés d’un système de chauffage ou d’un système de climatisation, combiné ou non avec un système de ventilation, dont la puissance nominale utile est supérieure à 70 kW.

Lorsqu’il est applicable, le décret BACS crée l’obligation pour les propriétaires des installations de chauffage ou de climatisation d’équiper leurs bâtiments du système d'automatisation et de contrôle prévu à l'article L. 174-3 du code de la construction et de l’habitation. Cette obligation devra être respectée sur tous les bâtiments conformément au calendrier rappelé ci-dessus (sauf le cas des bâtiments dont le permis de construire a été déposé un an après la publication du décret).
Les fonctionnalités minimales du système d'automatisation et de contrôle sont détaillées à l’article R. 175-3 et visent, pour l’essentiel à suivre, enregistrer et analyser en continu, par zone fonctionnelle et à un pas de temps horaire, les données de production et de consommation énergétique des systèmes techniques du bâtiment et à ajuster les systèmes techniques en conséquence. Elles permettent de situer l'efficacité énergétique du bâtiment par rapport à des valeurs de référence, de détecter les pertes d'efficacité des systèmes techniques et d’informer l'exploitant des possibilités d'amélioration de l'efficacité énergétique. Ce système doit enfin être interopérable et permettre un arrêt manuel et la gestion autonome d'un ou plusieurs systèmes techniques de bâtiment.
Les systèmes d'automatisation et de contrôle des bâtiments sont soumis à inspection périodique dont la teneur est fixée par l’article R. 175-5-1 du code de la construction et de l’habitation. Les modalités d’inspection sont précisées dans l’arrêté publié le même jour que le décret.

Exemption de soutenabilité budgétaire

A l’instar du dispositif Éco Énergie Tertiaire, le décret BACS ne méconnaît pas l’impact économique de l’obligation qu’il pose et des investissements qu’il rend nécessaires. C’est ainsi qu’un mécanisme de soutenabilité financière, un peu à l’image des modulations de l’article R. 174-26, III du code de la construction et de l’habitation, est prévue : l’obligation d’installation du système d'automatisation et de contrôle peut valablement ne pas être respectée si le propriétaire assujetti justifie par une étude qualifiée que cet investissement, déduction faite des aides financières publiques, ne dispose pas d’un temps de retour inférieur porté à dix ans par le décret d’avril 2023.
Le temps de retour sur investissement est calculé selon des modalités fixées par arrêté des ministres chargés de l’énergie et de la construction, publié le même jour que le décret.

La pyramide des normes environnementales applicables au bâtiment est donc très fournie. Elle suppose toutefois de descendre encore d’un cran pour être mise en œuvre opérationnellement.
De ce point de vue, l’annexe environnementale au bail, codifiée à l’article L. 125-9 du code de l’environnement, permet d’une part, d’organiser un échange d’informations entre bailleur et preneur et, d’autre part, de contractualiser les actions d’amélioration de la performance énergétique dans le bâtiment, auxquelles le système d'automatisation et de contrôle se rattache. Elle constitue donc, comme pour le dispositif Éco Énergie Tertiaire, un excellent véhicule pour formaliser les rôles du bailleur et du preneur.

 

 

Un article signé Olivier Ortega, LexCity Avocats


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