Habiter la France de demain : les tables rondes

388 Dernière modification le 06/09/2021 - 08:52
Habiter la France de demain : les tables rondes

Co-construite par l’ensemble des parties prenantes (élus locaux, citoyens, professionnels, experts…) la démarche “Habiter la France de demain” remet à plat une vision à la fois réaliste du futur des villes et cherche à proposer un avenir désirable et positif aux Français. À partir du 30 août 2021, la démarche entre dans sa dernière phase : 6 semaines thématiques de réflexions organisées autour de tables rondes.

 

6 semaines de réflexion pour conclure la démarche "Habiter la France de demain"
Semaine Thème de la semaine
30/08 - 05/09 Impact de la crise sanitaire
sur le lieu de vie : exode
ou statu quo ?
06/09 - 12/09 Intérieurs / extérieurs : bien
vivre dans son logement
13/09 - 19/09 Rénover, réhabiliter, transformer
: de la qualité de vie
à la protection de la planète
20/09 - 26/09 Travailler, se déplacer, consommer,
habiter : l’alliance
des possibles
27/09 - 03/10 Vivre ensemble, mixité sociale
: dépasser les promesses
04/10 - 10/10 Aménagement, construction,
urbanisme : concilier
durable et désirable
Le 14/10 Habiter la France de demain : réconcilier les contraintes

Table ronde n°1 : Impact de la crise sanitaire sur le lieu de vie : exode ou statut quo ?

La 1ère des 6 tables rondes « Habiter la France de demain » s’est tenue mardi 31 août au ministère du Logement. Présidée par Emmanuelle Wargon, cette rencontre a permis de confronter des points de vue sur la situation réelle des mouvements de population des villes, par rapport à une hypothèse d’exode. La vingtaine d’intervenants a pu débattre et témoigner autour de deux études : l’une factuelle du Conseil supérieur du notariat sur le marché immobilier, ses prix et la réalité des transferts entre les régions, et l’autre de Procivis / Harris Interactive sur les trajectoires d’habitation des Français qui souligne plusieurs paradoxes.

Compte-rendu de la 1ère des 6 tables rondes « Habiter la France de demain »

 Un accélérateur de tendance plus qu'un mouvement massif

Le premier constat porté par Maître Frédéric Violeau, notaire à Caen et président de l’Institut Notarial de Droit Immobilier, est que l’on observe un mouvement accéléré sur les ventes de biens au cours de la crise sanitaire, mais « dans le marché » et sans généralisation à l’ensemble du territoire. On voit bien une augmentation des transactions et des prix sur certaines périphéries et +13 % de départs d’un département à un autre, mais essentiellement pour les grandes villes. Cette évolution notable ne signale pas d’exode mais une accélération d’une tendance déjà engagée depuis plusieurs années.

Ce qui fausse la perception générale sur ce sujet, c’est la tension immobilière qui existe dans les zones littorales très demandées (Pays Basque et Bretagne, notamment) où les prix ont subi une forte augmentation avec une offre limitée. L’étude du Conseil supérieur du notariat le montre clairement : cette demande sur les bords de mer très recherchés concerne plutôt des résidences secondaires. On peut y voir un impact de la crise sanitaire sur des populations (disposant d’un pouvoir d’achat) ayant mal vécu l’enfermement en ville lors des confinements.

L’impact sur les prix est donc très localisé. L’enjeu de l’accueil de nouveaux habitants est donc celui de la cohésion, du « vivre-ensemble » entre nouveaux arrivants et ménages ancrés dans le territoire. La tendance générale est confirmée par Caroline de Gantès, Country Managing Director du groupe SeLoger.com, qui précise que « la plateforme SeLoger enregistre beaucoup plus de requêtes pour les recherches de maison, notamment avec jardin. » Pour autant, les professionnels de l’immobilier s’accordent à dire que chez les acquéreurs potentiels, il y a une différence « entre ce que je veux acheter, et ce que je peux acheter… »

 

 Les révélations de l’enquête Procivis

L’enquête Procivis / Immo de France / Harris Interactive menée en octobre 2020 sur les trajectoires d’habitation des Français, montre que l’on est au bout de l’hypermétropolisation : des prix trop hauts, des déplacements en voiture de plus en plus compliqués, une offre sous le plafond de ressources, autant d’éléments qui éloignent une partie de la population des centres villes.

Yannick Borde, président de Procivis, explique que : « l’avènement du télétravail pourrait accélérer la transition de certains profils. Les personnes qui déclarent télétravailler aujourd’hui sont 64 % à vivre dans une grande agglomération, mais seulement 47 % à considérer qu’il s’agit du cadre de vie idéal. Une bascule vers un autre cadre de vie est donc envisageable. Le télétravail pourrait aussi constituer une solution aux temps de transports excessifs entre domicile et travail, qui dépassent 30 minutes par trajet pour une majorité des habitants de l’agglomération parisienne (59 %). Pour autant, la question des revenus reste hyper-déterminante des trajectoires résidentielles. 61 % des Français qui ont abandonné leur projet de devenir propriétaires l’ont fait pour des raisons financières. On peut craindre que la crise économique conséquente à la crise sanitaire aggrave encore cette inégalité. »

Le paradoxe français sur le logement idéal

L’enquête Procivis révèle plusieurs paradoxes, comme l’explique Jean-Daniel Lévy, PDG d’Harris Interactive : « Malgré la focalisation médiatique sur le désir de changer de cadre de vie, nos compatriotes sont finalement peu mobiles et restent majoritairement proches de leurs lieux de vie d’origine (75 % résident aujourd’hui dans un environnement comparable à celui de leur enfance).

L’aspiration à la propriété reste une valeur largement répandue dans toutes les catégories de population(63 % des non-propriétaires voudraient le devenir)maisseuls 56 % des Français le sont effectivement, avec des inégalités sociales marquées.

Et si les ¾ des sondé affichent une sensibilité à l’écologie, ils aspirent quand même à une maison individuelle, qui n’est pourtant pas le modèle le plus vertueux de l’habitat durable ». Enfin, outre ces paradoxes, on observe que ceux qui habitent dans le parc social ont du mal à en sortir(40 % des Français qui ont passé leur enfance en HLM vivent encore en HLM).

 

 Une grande différence du contexte logement selon la taille de la ville

Quitter une grande agglomération pour aller vivre dans une ville plus petite avec une meilleure qualité de vie serait donc une tendance sociétale plus que conjoncturelle. Encore faut-il que les villes de destination puissent répondre aux attentes de ces populations en termes d’équipement et de services.  

Henry Buzy-Cazaux, président de l’Institut du Management des Services Immobiliers, estime que : « l’attractivité des grandes villes demeurera car les maires font tout pour la maintenir. En revanche, ces métropoles savent accompagner les villes alentours — cas de Lyon et Saint-Etienne notamment — ce qui permet d’équilibrer l’offre et la demande de logements avec une diversité de prix au m2. »

Les villes, grandes et moyennes, souffrent quasiment toutes d’un manque d’offres de biens dans le neuf, sur le marché privé comme dans le logement social. L’une des explications avancées par Yann Dubosc, maire de Bussy St Georges et représentant de l’Association des Maires d’Ile-de-France, est que « la crise sanitaire et les élections qui approchent sont un frein aux décisions des élus. On peut vite passer de maire bâtisseur à maire bétonneur, et voir fleurir autant de pétitions que de grues dans le paysage… »

 

Place à l’imagination active

En contrepoint, plusieurs des participants de la table ronde s’accordent sur le fait que la solution au logement des jeunes actifs, des familles mobiles, des néo-ruraux ne passent pas nécessairement par la construction de bâtiments neufs. Il existe un gisement de biens privés et publics à rénover, y compris au centre des villes moyennes et petites. François Descœur,président de l’Association des Maires Ruraux du Cantal, estime que « l’accueil de nouveaux arrivants pourrait revitaliser les campagnes tout en luttant contre l’artificialisation, car il y a beaucoup de logements vacants à rénover. »

Denis Thuriot, maire de Nevers, témoigne « d’une évolution progressive dans la commune, avec des résidences secondaires qui pourraient devenir des résidences principales, permettant une attractivité de télétravailleurs désireux d’une meilleure qualité de vie, à condition d’avoir une offre numérique fibre ou 5G conséquente… »

Emmanuelle Wargon le souligne en fin de réunion : « Les aspirations au changement de lieux de vie d’une partie de la population sont légitimes. Pour autant, le passage à l’acte, le fait de quitter sa ville, reste limité. Il faut continuer à expliquer, notamment aux jeunes primo-accédants, que la qualité de vie doit sortir de l’opposition entre le pavillon avec jardin dans un lotissement, et l’immeuble collectif dont l’image est dégradée. Des solutions existent et la centaine de démonstrateurs que nous avons recensés est là pour le prouver. »

 

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Photo by Luke Shaddick on Unsplash

Actualité publiée sur MTES - Ministère écologie
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