État des lieux des grandes villes de France métropolitaine

Rédigé par

Eric LARREY

Directeur de l'innovation

5584 Dernière modification le 17/10/2022 - 10:43
État des lieux des grandes villes de France métropolitaine

 

Entre l’accroissement plus ou moins inéluctable de la population urbaine, la volonté et la nécessité de végétaliser nos lieux de vie et l’objectif « zéro artificialisation nette », de très nombreuses villes sont confrontées à des situations cornéliennes. Où en sont les grandes villes de France métropolitaine ? Les données disponibles permettraient-elles d’en tirer des tendances ? Voici un début d’enquête sur les 50 plus grandes villes de notre hexagone.

Comment combiner densification urbaine et bien-être en ville ?

Une étude INSEE de 2020 indique que « En France, neuf personnes sur dix vivent dans l’aire d’attraction d’une ville » alors qu’une seconde étude nous enseigne que « Huit personnes sur dix résident dans une unité urbaine et près de cinq sur dix dans une unité urbaine de plus de 100 000 habitants ». Si les périodes de confinement ont pu laisser penser que les grandes villes se videraient, ce mouvement semble loin d'être enclenché.

La densification de la population urbaine pourrait donc se poursuivre, posant de nombreuses questions sur la résilience de nos villes. En matière de résilience face au réchauffement climatique, les solutions les plus couramment abordées concernent la désimperméabilisation et la revégétalisation. Si le rafraîchissement urbain est souvent considéré comme le principal apport écosystémique de la nature en ville, du fait des périodes de canicules de plus en plus fréquentes, longues et sévères, il est loin d’être le seul. Citons par exemple la qualité de l’air, l’infiltration des eaux pluviales, la photosynthèse, sans oublier le bien-être ressenti par les usagers de la ville.

Le souci du bien commun conduit donc à maximiser la verdure dans un cadre urbain… aux dimensions finies. On imagine donc que la quantité d’espace végétalisé par habitant risque de tendre vers une limite.

Qu’en est-il aujourd’hui pour nos grandes villes métropolitaines ? L’analyse de l’existant peut-elle nous aider à comprendre les évolutions possibles ? À comparer des choix de stratégie ?
 

La méthodologie de l’étude

Tous les trois ans, l’observatoire des villes vertes publie un classement des 50 plus grandes villes françaises suivant plusieurs catégories, sur la base de nombreux critères.

Nous nous sommes inspirés de ce panel pour retenir dans un premier temps 50 villes du territoire métropolitain, auxquelles nous avons ajouté trois villes étrangères aux caractéristiques proches du panel : Genève, Bruxelles et Baltimore. Nous n’avons retenu que deux critères :

  • Le ratio d’espaces verts par habitant
  • L’indice de canopée

L’évaluation des surfaces d’espaces verts et de canopée a été réalisée à partir de données satellites Sentinel de l’année 2021 (l’année 2022, que l’on peut espérer exceptionnelle, conduisant à une réduction de ces espaces). Nous ne sommes donc pas partis de surfaces déclarées et nous prenons en compte la végétation issue des espaces publics et privés. Une logique qui nous semble correspondre au fait que tous les acteurs du territoire sont aujourd’hui impliqués dans la réalisation et la réussite des projets de végétalisation. Le diagramme suivant présente le panel avec en abscisse le nombre d’habitants et en ordonnées la superficie communale en km2.

Figure 1 Panel des villes étudiées

Nous avons ainsi des villes très contrastées en matière de densité d’habitants, dont la valeur varie de 770 à 20 500 hab/km2 et une moyenne située à 5 600 hab/km2.

Les mêmes critères ont bien sûr été retenus pour les 53 villes étudiées. Le territoire considéré pour l’indice de canopée est le territoire communal, considéré comme le territoire sur lequel les différents acteurs peuvent agir, quand bien même ce choix pourrait être interrogé à plusieurs égards :

  • Les structures des villes sont variées : certaines ont un vaste territoire entouré d’espaces naturels et/ou agricoles, d’autres sont insérées au cœur d’un vaste ensemble urbain
  • L’accès à la végétation est essentiel, comme nous l’avons déjà souligné par ailleurs. La prise en compte d’un espace végétalisé distant ou difficilement accessible est-elle légitime ?

La référence à la surface communale peut être interrogée, mais elle constitue une base bien définie par le cadastre, très utile dans cette première phase d’analyse.

 

Espaces végétalisés et part de la canopée

La première analyse a porté sur la comparaison entre surface végétalisée (incluant toutes les strates végétales) et la surface de canopée. Le diagramme suivant présente en abscisse la surface de canopée (en échelle logarithmique, pour mieux dissocier les villes entre elles) et en ordonnées la surface d’espaces végétalisés.

Figure 2 Espaces végétalisés et surface de canopée

À cette échelle, la part de canopée semble extrêmement homogène. En première approximation, la surface de canopée représente en effet 50% de la surface d’espace végétalisé. Pour autant, en regardant plus en détail, il est possible de constater de très importantes variations, majoritairement dues à la prédominance de l’agriculture ou de la sylviculture en zone périurbaine.
 

Espaces végétalisés et densité d’habitants

Ces données surfaciques établies, passons au premier indicateur étudié, celui du ratio d’espaces végétalisés par habitant.

Le graphe suivant le représente en fonction de la densité d’habitants au kilomètre carré pour chaque ville du panel.

À première vue, l’évolution de la surface d’espace végétalisé par habitant semble logiquement inversement proportionnelle à la densité d’habitants. Cependant, à densité presque identique, la surface d’espaces verts par habitants peut varier du simple au double, voire plus. En moyenne, la surface d’espaces verts par habitant se situe à 197 m2 avec de très importants écarts.

Figure 3 Surface d’espaces végétalisés par habitant VS densité d’habitants

Des écarts largement imputables au mode à l’histoire, au mode de densification et à l’intégration des villes dans des espaces urbains plus vastes. Difficile donc d’envisager un objectif identique à chaque ville. Mais peut-on imaginer des niveaux d’ambition représentatifs du panel existant ?

Sur le graphe suivant, deux enveloppes ont été ajoutées, représentant en quelque sorte :

  • Une ambition haute (courbe rouge)
  • Une ambition de base (courbe orange)

 

Figure 4 Espace d’évolution au sein de trajectoires d’ambitions variées

Imaginons une ville située dans ce mode de représentation, dont la densité urbaine augmentera dans les années à venir. Son champ de possible serait inscrit dans le schéma suivant.

Une trajectoire basse, sans aucun projet de verdissement, où la surface des espaces verts par habitant déclinerait de manière inéluctable.

Une trajectoire « idéale », visant à atteindre une sorte d’optimal, au bémol près de sa morphologie propre.

Une trajectoire de maintien, visant à préserver le ratio existant.

Toute trajectoire comprise entre le maintien et l’idéale, nourrie de chaque effort supplémentaire pour accroître le ratio d’espaces verts complémentaires.

Figure 5 Schémas d'évolution
 

Indice de canopée et densité d’habitants

L’indice de canopée représente le rapport entre la surface de canopée du territoire étudié et la surface totale de ce dernier, et varie forcément beaucoup en fonction de la surface de référence (cœur urbain, zone habitée,…). Pour rappel, notre étude se base en premier lieu sur la surface communale, conduisant au graphe suivant ?

Figure 6 Indice de canopée VS densité d’habitants. La taille des disques représente le nombre d’habitants

Retrouve-t-on des valeurs publiées, sachant que les surfaces de référence peuvent différer ?

Il y a finalement assez peu de référence récente sur ces villes ou, du moins, ne les avons-nous pas encore identifiées. Voici deux exemples :

  • La ville de Lille annonçait ainsi en 2019 un indice de canopée de 30, soit, très exactement, la valeur calculée ici.
  • Pour la ville de Montréal, nous avons calculé un indice de canopée de 24,7 qui semble tout à fait correspondre aux données actuelles 

Si American Forest a proposé une cible à 40% d’indice de canopée, ce niveau semble difficilement atteignable pour l’ensemble des villes, pour lesquelles un objectif de 30% serait déjà pertinent. En ce qui concerne notre panel, la répartition est la suivante :

 

 

 

 

 

 

 

Figure 7 Répartition des villes par indice de canopée

4% des villes dépasseraient ainsi l’indice de 30. Un ratio qui devrait rapidement évoluer au vu plans de plantation et de verdissement engagés par nombre de villes et de collectivités.


Poursuites de l’étude

Ces premiers résultats nous permettent de constituer une première base d’observatoire, tant sur les données brutes et leurs évolutions, que sur les stratégies de verdissement que les villes et métropoles mettent en œuvre.

L’objectif est de comprendre afin d’être à même de proposer des solutions, des orientations générales qui pourront ensuite être déclinées localement de manière opérationnelle, en nous appuyant sur ensemble des outils précédemment présentés. (https://www.construction21.org/france/articles/h/arbresicunord.html )

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