Fonctions des sols dans les documents d’urbanisme : quelle vision des acteurs, quelles pratiques ?

2854 Dernière modification le 18/12/2019 - 09:26
Fonctions des sols dans les documents d’urbanisme : quelle vision des acteurs, quelles pratiques ?
Les équipes en charge des projets de recherche MUSE et SUPRA, financés par l’Ademe, travaillent depuis quelques années sur l’intégration des critères de qualité des sols, caractérisée par leur multifonctionnalité, dans les documents d’urbanisme tels que les SCoT et PLU(i). Le poster présenté le 26 novembre par le Cerema fait la synthèse des éléments issus de ces projets sur la prise en compte des sols et leur vision par les acteurs des territoires que sont les collectivités et leurs partenaires.
 

Contexte : l’artificialisation constante entraîne la perte des fonctions des sols

Les sols, quels que soient leurs usages (agricoles, forestiers, naturels, urbains) rendent des services essentiels à la viabilité des sociétés humaines et répondent à de nombreux enjeux environnementaux (production de biomasse à vocation alimentaire, régulation du climat local, habitat de la biodiversité).Artificialisation des sols

Ils ont récemment été mis à l’agenda politique français, via le plan national pour la biodiversité, qui a permis de mettre en lumière leur rôle et les menaces qui pèsent sur lui.

L’objectif alors énoncé de zéro artificialisation nette considère de manière classique les sols comme un support en deux dimensions (surface foncière). Mais les volontés affichées pour y parvenir, de renaturation des sols, de protection de la biodiversité et de végétalisation des villes obligent à envisager l’écosystème qui se cache sous cette vision surfacique.

En complément de l’approche bio-physico-chimique permettant de qualifier la multifonctionnalité des sols, les équipes intervenant dans les projets MUSE et SUPRA s’intéressent également :

  • à la perception/considération des sols par les acteurs (aménageurs, maîtres d’oeuvre, élus, services en charge de la planification dans les collectivités et les chambres d’agricultures),
  • aux pratiques actuelles des collectivités et autres acteurs intervenant dans le domaine,
  • aux leviers et freins qu’ils voient à la prise en compte des sols en trois dimensions.
Méthodes : de l’approche documentaire aux entretiens avec les acteurs du territoire

Projet MUSELes projets ont comporté des travaux d’enquête auprès de collectivités et de bureaux d’études, basés sur des questionnaires, des entretiens et une analyse d’un certain nombre de documents d’urbanisme.

Le projet MUSE a permis d’interroger par le moyen de deux enquêtes en ligne, complétées dans certains cas par un entretien, différents acteurs en lien avec l’urbanisme dans les collectivités et dans les chambres d’agriculture. Ce travail a été complété par l’analyse de différents documents d’urbanisme.

Les chercheurs Anne Blanchart[1] et Yannick Poyat[2], pendant leur thèse, se sont également intéressés aux pratiques sur les sols dans les collectivités :

  • Yannick Poyat s’est particulièrement interrogé sur les liens d’influence entre représentations et pratiques d’aménagement ainsi que le «système de valeurs» encadrant les représentations du sol, auprès des élus notamment.
  • Anne Blanchart a réalisé une analyse lexicale de différents documents d’urbanisme complétée par un sondage auprès d’acteurs de l’aménagement du territoire afin d’interroger leur considération du sol dans la planification urbaine.

[1] Blanchart, A.. (2018). Vers une prise en compte des potentialités des sols dans la planification territoriale et l’urbanisme opérationnel. Thèse de Doctorat de l’Université de Lorraine en Sciences Agronomiques. 355p.

[2] Poyat Y. (2018). La cartographie des services écosystémiques rendus par les sols : un nouvel outil pour les projets d’urbanisme durable. Thèse de Doctorat de l’Université de Tours en Aménagement et Urbanisme. 541 p.

Résultats

Deux disciplines à croiser et un jeu d’acteurs complexe à décrypter

DisciplinesLes premiers ateliers d’échanges et les entretiens menés dans le cadre du projet MUSE font apparaître des cultures et des approches très différentes selon les structures d’origine et les métiers exercés par les acteurs du territoire.

Aménageurs, maîtres d’œuvre, élus, services en charge de la planification dans les collectivités ou services chargés des questions environnementales, pédologues des chambres d’agricultures, sont tous les acteurs qui ont été au cœur des investigations de ces projets.  Chacun aborde la question du sol dans la planification urbaine sous un angle différent :

  • Une priorité de conservation des terres agricoles pour les agronomes et pédologues des chambres d’agriculture
  • La question de la concurrence entre activités économiques et habitat nécessaires au développement du territoire et consommation de terres agricoles, pour les maîtres d’ouvrages des PLUi

Cerner et articuler les problématiques différentes qui se posent et parfois s’opposent sur chaque territoire est un enjeu de taille pour construire une aide à la décision sur l’usage des sols dans les documents d’urbanisme.

La perception d’un sol surface, essentiellement

L’analyse lexicale des documents d’urbanisme montre que le sol à l’échelle de l’aménagement du territoire,est un sujet abordé. Néanmoins, les occurrences de « sol » sont moins nombreuses que celles de « eau » ou « air » et concernent très souvent une vision surfacique, en deux dimensions.

« Le sol ? ben c’est le support ! C’est un support de tout. Le sol il y la maison de posée dessus, la piscine, l’étang, la haie, voilà pour moi c’est ça. » Un maire lors d’un entretien mené par Clémence Gazonneau, pour la chambre d’agriculture de l’Indre.

Une approche monofonctionnelle et calée sur la réglementation

Cette vision se retrouve au niveau des pratiques des collectivités à l’échelle de la planification en lien avec l’établissement de leur PLU(i). Les analyses de ScoT et PLUi montrent que les zones humides, la biodiversité (trames vertes et bleues) et les risques naturels et anthropiques, thèmes s’imposant réglementairement à la planification urbaine, sont traités en priorité et de manière indépendante.

Cela se fait au détriment d'une approche plus globale des sols, croisant leurs fonctions avec les enjeux du territoire. Seules quelques communautés considèrent le sol comme une ressource, mais elles se sont concentrées sur les fonctions d'approvisionnement en biomasse et de soutien physique aux activités humaines.

Un besoin d’outils appropriables et de sensibilisation aux fonctions des sols

Pour ces territoires, un besoin de méthodes et d’outils pour faciliter cette prise en compte est mis en avant ainsi qu’un besoin de sensibilisation. Le sujet est traité différemment par les territoires urbains qui s’appuient sur des services techniques plus importants. La meilleure appropriation du sujet, n’est toutefois pas retraduite par une approche globale des sols dans leurs documents d’urbanisme.

Ainsi, les démarches poursuivis par les projets de recherche opérationnelle tels que MUSE sont attendus quant à l’élaboration d’outils d’aide à la décision permettant d’intégrer la vision du sol comme un élément dynamique de l’écosystème (en 3D) ; mais il s’agit aussi d’adopter une approche pédagogique de sensibilisation des élus, et de tous les acteurs de l’aménagement ; ceci afin que tous aient une vision claire de l’intérêt général des sols et de leur valeur sociale, permettant ainsi que les sols, quels que soient leurs usages, soient dès aujourd’hui considérés comme un écosystème fragile, à protéger.

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Article publié sur Cerema Actualités
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