[Dossier Hors-site] # 13 - Faire du hors-site une filière d’excellence de l’industrie française

Rédigé par

Amandine Guillaume

7080 Dernière modification le 23/10/2020 - 10:04
[Dossier Hors-site] # 13 - Faire du hors-site une filière d’excellence de l’industrie française

Le hors-site implique une forte industrialisation de la construction et la redéfinition des processus constructifs et des interactions entre les différents acteurs du secteur. Pour Kader Guettou, Directeur Général adjoint du pôle entreprise chez GA Smart Building et David Elbel, Directeur technique solutions bas carbone chez GA Smart Building, cette redéfinition est l’occasion de rattraper le retard français dans la construction. Entretien autour de la définition du hors-site et d’exemples concrets.

1. En quoi le hors-site invite à repenser les processus de construction ?

Kader Guettou : Le hors-site est une manière complètement différente de penser la construction dans son ensemble, comparé à un chantier traditionnel. Pour nous, le hors-site, c’est rechercher des solutions constructives qui puissent être industrialisées. Cela demande de repenser les processus de construction, et ce, dès la phase conception. Le mot d’ordre, c’est l’anticipation. Il faut développer l’ingénierie en amont autant que possible dans un projet, afin d’anticiper tous les détails d’un chantier. Le hors-site demande également que l’entreprise qui va réaliser l’industrialisation soit impliquée très tôt. Il y a donc d’importants échanges de compétences et de connaissances et une meilleure communication entre les acteurs d’un chantier. Le BIM est un véritable atout pour cela. Il permet aux différents acteurs d’un projet de décider à l’avance d’une maquette très précise, qu’il n’y aura plus qu’à appliquer pendant le chantier. Cela fait 7 à 8 ans que nous avons basculé en conception 3D. Le hors-site demande donc d’assimiler de nouvelles méthodes de travail, à toutes les étapes d’un chantier.

Une maquette numérique en Full BIM - crédits : GA Smart Building

2. Comment l’industrialisation de la construction peut répondre aux enjeux du bâtiment de demain ?

K. Guettou : L’industrialisation permet de répéter facilement la production de solutions qui marchent. Pour nous, le passage au hors-site est une nécessité afin de construire des bâtiments plus durables. L’enjeu aujourd’hui, c’est de bâtir des ouvrages de qualité supérieure, avec de très bonnes performances, un impact environnemental réduit, qui puissent évoluer dans le temps selon les besoins, sans pour autant devoir faire face à des coûts exorbitants. Le hors-site, grâce à l’industrialisation de la construction, répond à tous ces critères.  

D’une part, le hors-site permet de réaliser des véritables gains de temps de 30 % à 60 % comparé à un chantier traditionnel. Tous les éléments sont conçus en usine ou en atelier, il n’y a plus qu’à les assembler sur place au millimètre près. Cela permet de limiter la circulation, les nuisances liées au chantier et surtout le coût du chantier. 

De plus, le hors-site permet d’anticiper la modularité. Travailler en usine sur maquette 3D permet de concevoir des pièces d’une grande précision. Nous pouvons ainsi penser des modules qui vont facilement s’assembler et se désassembler, en fonction des usages d’un bâtiment. Par exemple, nous participons au projet d’un bâtiment à vocation sportive sur l’îlot D du village olympique. Celui-ci sera réaménagé très rapidement en tertiaire après les Jeux Olympiques et Paralympiques, grâce à sa modularité. 

Enfin, la précision du travail en usine permet d’optimiser les matériaux utilisés, donc d’utiliser moins de ressources.

3. Pouvez-vous nous en dire plus sur le mode constructif de GA ?  

K. Guettou : Notre travail commence avant même l’arrivée d’un projet. Nous concevons des solutions qui vont répondre à un besoin pour un marché donné (tertiaire, résidences thématiques, industrie…).. Puis, quand on entre dans un projet, nous proposons nos solutions pré-conçues. Nous avons choisi de fonctionner à partir d’objectifs de résultats plutôt que de moyens. L’industrialisation et le hors-site nous permettent de nous engager sur des résultats fiables : nous connaissons déjà les performances des solutions. Puis, les éléments nécessaires sont fabriqués en usine et acheminés sur le chantier au bon moment. Aujourd’hui, nous sommes capables de faire des opérations tertiaires dont quasiment toutes les parties sont industrialisées, jusqu’aux blocs sanitaires ou aux salles de réunion.

Safran Juin 2020 - crédits : Elise Robaglia

 

4. Vous développez un plancher bois béton hors-site. Qu’est-ce que ce type de plancher apporte à un bâtiment ?

David Elbel : L’atout principal de notre plancher bois béton hors-site, c’est son bilan carbone. Avec ce développement R&D, nous avons souhaité aller plus loin que la RE2020, en continuant à décarboner nos produits. Il faut savoir que 20 % du poids carbone d’un bâtiment standard GA Smart Building provient du gros œuvre. Et sur ces 20 %, nos planchers pèsent 50 %. Il y a donc un travail de fond à mener sur l’impact carbone de cet élément. Nous nous sommes posé la question des matériaux à utiliser. Nous considérons que le béton a tout à fait sa place dans le plancher : il fait office de coupe-feu entre deux niveaux et a de très bonnes performances acoustiques, grâce à la masse qu’il apporte. Nous avons souhaité compléter le béton avec une nervure de bois lamellé-collé, qui supporte très bien le travail de flexion. Il existe déjà des planchers en béton bois en France, mais à notre connaissance, nous sommes les seuls à préparer une production en usine. Dans les autres projets de ce type, le béton est coulé sur place. Les premiers tests nous donnent entière satisfaction sur les performances de ce produit. Nous allons pouvoir assumer des portées de 9m, voire 11m, là où les systèmes coulés sur place n’atteignent que les 7m de portée. Au niveau du coût, nous sommes moins chers que des solutions 100 % bois, grâce à l’optimisation de la matière. Nous souhaitons industrialiser le produit en concevant un banc de coulage dédié qui sera opérationnel début 2022 avec une capacité de 25 000 m²/an.

Crédits : GA Smart Building

5. Quels leviers pour développer davantage le hors-Site en France ?

K. Guettou : Le hors-site, c’est une histoire de conviction. Personnellement, je suis convaincu que la construction doit se transformer. En France, elle a pris du retard par rapport à d’autres secteurs, alors qu’elle peut réellement devenir un atout pour l’industrie française. Les acteurs de la construction sont assez éclatés. Nous devons apprendre à fonctionner mieux ensemble, à nous fédérer aussi tôt que possible sur un chantier. Il faut donc des acteurs engagés, qui donnent l’impulsion nécessaire. Les donneurs d’ordre doivent s’impliquer, ils ont un grand rôle à jouer pour fédérer les acteurs. Il est donc essentiel de les sensibiliser aux projets hors-site. Les acteurs du hors-site doivent donc démontrer les avantages de ce mode de construction. Enfin, il est nécessaire de développer les formations liées à l’industrialisation et au hors-site.

 

Kader Guettou

Directeur Général adjoint du pôle entreprise chez GA Smart Building 

 

David Elbel

Directeur technique solutions bas carbone chez GA Smart Building

 Crédits photos portrait : Artem Tchaikovski, David Elbel

 

GA Smart Building est une entreprise française, spécialisée dans la promotion immobilière, la construction et la gestion des bâtiments. Créée en 1875, son siège est basé à Toulouse. L’entreprise est depuis longtemps tournée vers le hors-site et l’industrialisation des procédés de construction. Elle propose notamment des solutions pré-conçues pour les bâtiments.

 


 Propos recueillis par Manon Salé - Construction21, la rédaction

 

Consulter l'article précédent :  # 12 - Le modulaire, vertueux par nature

 


           

Dossier soutenu par

Rector, Construction, Hors-Site

 

Construction Hors Site, construction durable ?

Retrouvez tous les articles du dossier

 Construction Hors-Site, construction durable ?

 Crédit photo principale : Elise Robaglia

Partager :