Environnement et entreprises : la transition climatique comme stratégie

Rédigé par

Leonard / Matthieu Lerondeau

Head of Communications & Communities, Leonard

1803 Dernière modification le 28/05/2020 - 09:44
Environnement et entreprises : la transition climatique comme stratégie

L’événement de clôture du cycle de rencontres dédiées à la Transition Environnementale des territoires et de leurs métiers, lancé par Leonard en septembre 2019, se tenait en ligne le 12 mai dernier. Réunis pour débattre de la façon dont l’impératif climatique peut inspirer la stratégie des entreprises, Jérôme STUBLER, président de VINCI Construction, Gilles VERMOT-DESROCHES, Sustainable Development Senior Vice-President chez Schneider-Electric, Claire TUTENUIT, déléguée générale chez Entreprises pour l’Environnement (EPE) et Romain GRANDJEAN, Project Manager chez The Shift Project se sont amicalement prêtés au jeu de l’interview par écrans interposés. Un exercice exigeant animé par le journaliste David ABIKER.

Urgence climatique, crise sanitaire, les paramètres environnementaux mettent les entreprises sous pression. Dans un monde fini où l’ensemble des activités économiques apparaissent de plus en plus étroitement liées à la bonne gestion des ressources naturelles, la question environnementale s’est imposée en quelques années comme un enjeu de performance et de pérennité pour les entreprises.

Le défi climatique est immense. Romain GRANDJEAN le formule en ouverture de la rencontre : « pour maintenir le réchauffement climatique sous les 2°C à l’horizon 2050, il faut réduire les émissions de CO2 de 5 à 6% chaque année. Tout le CO2 qui est actuellement rejeté dans l’atmosphère vient en grande partie de l’énergie qu’on consomme et qui est constituée à 80% d’énergies fossiles ». La domination des énergies fossiles est encore plus criante dans les secteurs qui font l’objet de nos travaux, à Leonard : « les transports, le bâtiment, l’industrie tournent aux énergies fossiles et leur croissance est entièrement dimensionnée sur la base de ce facteur ».

Les entreprises donnent le « la »

Devant les alarmes répétées et chaque année plus pressantes lancées par les scientifiques et organisations mobilisées en faveur du climat, les entreprises s’organisent. Elles appelaient par exemple dans une tribune récente à l’initiative d’EPE, co-signée par 93 dirigeants d’entreprises françaises et internationales – dont font partie Schneider et VINCI – à « [mettre] l’environnement au cœur de la reprise économique ». Et Claire TUTENUIT de compléter : « nous essayons, avec les membres d’EPE, de faire de la crise sanitaire et économique inédite que nous traversons, et qui va durer, une opportunité pour la transition écologique ».

Le ton est donné donc, mais les actions doivent suivre. Pour ce faire, le Shift Project a par exemple co-produit avec l’AFEP, dont VINCI et Schneider sont également membres, une étude soulignant la nécessité de faire de la transition bas carbone et climatique non pas un enjeu de communication ou de simple reporting, mais bien un enjeu de stratégie pour les entreprises car pour faire face à d’inéluctables ruptures profondes d’ordres technologique, politique, économique et social, « les entreprises doivent se forger une connaissance précise des enjeux énergie-climat, appliquée à leur propre modèle d’affaires. »

Croissance et transition, sœurs ennemies ?

Faut-il choisir entre croissance et transition ? Non, affirment de concert Jérôme STUBLER et Gilles VERMOT-DESROCHES. « Il faut passer de la compliance à l’action. Attelons-nous à changer les choses de manière très concrète et volontariste », propose Jérôme STUBLER. Et des leviers concrets, le secteur de la construction en regorge. Parmi eux, par exemple, le recours à des matériaux à moindre impact, comme le béton bas-carbone, qui permet de diviser par 2 voire 3 la signature CO2 du premier matériau de construction employé sur la planète.

Même écho du côté de Gilles VERMOT-DESROCHES, qui complète : « il va falloir accompagner le nécessaire rebond de l’économie. Pour Schneider Electric, le numérique, qui pénètre les secteurs de l’énergie et du bâtiment, sera décisif dans la conduite des grands mouvements qui s’annoncent ».

Mobiliser toutes les parties prenantes

La transition environnementale des territoires ne se fera pas sans les clients et donneurs d’ordre des entreprises qui en conçoivent et construisent les infrastructures. « Il y a quelques années, on nous assurait que les clients refuseraient de payer plus cher un bâtiment mieux isolé thermiquement, puis la RT2012 a poussé à des changements de perception et de comportement. Nous avons une opportunité unique avec la future réglementation environnementale, la RE 2020, qui sortira au 1er janvier prochain », rappelle Jérôme STUBLER, pour souligner le rôle crucial des pouvoirs publics dans l’inflexion de la demande.

Avis partagé par Claire TUTENUIT : « il faut dans le même temps stimuler la demande par des normes et l’offre par de l’incitation à de l’innovation avec un cadre réglementaire qui va la faciliter. Mais il faut aussi par ailleurs une contrainte pour que l’écologie rentre dans ce cadre : elle ne peut pas être le fait de chaque acteur pris individuellement, elle vient du secteur public ». Et de conclure : « pour être juste, la transition écologique nécessite la coopération des entreprises privées, des acteurs publics et des citoyens ».

EPE soulève l’importance des investissements publics « notamment quand les modèles économiques spontanés ne vont pas dans le sens de la transition énergétique », mais aussi et surtout du secteur privé. Les actionnaires, comprenant les épargnants privés individuels également, ont à ce titre un rôle essentiel : « Le monde financier a réalisé la responsabilité qu’il portait dans la gestion du climat et qu’il avait des leviers et moyens d’agir importants. Il pousse pour que les entreprises précisent leurs échéances de transition, leur trajectoire », complète Claire TUTENUIT.

Génération Greta, vent debout ?

Pour Gilles VERMOT-DESROCHES, « les Millenials, ces jeunes talents que les entreprises veulent attirer pour être plus innovantes, sont de plus en plus exigeants sur les choix qu’ils portent et la question la plus complexe pour les entreprises n’est pas de les attirer, mais de les retenir ».

C’est d’ailleurs « dans les entreprises dont les activités sont les plus polluantes qu’il faut convaincre les talents de prendre part à la transition », note Jérôme STUBLER : là même où les enjeux sont les plus forts et où l’impact sera le plus grand.

Cependant, souligne-t-il encore, la prise de conscience et le pouvoir d’agir ne sont pas affaire de génération : « cette transition nous touche tous quel que soit notre âge. Elle nous concerne tous, individuellement et au sein des entreprises. Chez VINCI Construction, dans nos 840 business units, sur nos 30 000 projets annuels, la transition environnementale s’incarne concrètement, avec des actions qui s’installent dans la durée, des réflexes, des offres nouvelles pour satisfaire et anticiper les besoins de nos clients. ».

Pour aller plus loin : Entretien de Jérôme Stubler avec Construction21

Article publié sur Leonard - Vinci
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