[Entretien] La sobriété environnementale au sein de la conception et la rénovation des bâtiments

Rédigé par

Hélène MEYER

Responsable communication et marketing

1182 Dernière modification le 05/05/2022 - 11:00
[Entretien] La sobriété environnementale au sein de la conception et la rénovation des bâtiments


Face aux enjeux environnementaux, il est temps de concevoir et rénover nos bâtiments en conciliant sobriété environnementale, énergies renouvelables et activité économique. C’est notamment ce que souhaite encourager Thierry Bièvre, président du Pôle de compétitivité Fibres-Energivie, avec l’organisation de la cinquième édition du colloque Build & Connect, qui aura lieu les 22 et 23 novembre 2022 à Strasbourg.

Grâce à un format d’interventions revisité, Build & Connect propose d’échanger sur les tendances les plus prometteuses, de rencontrer des (futurs) partenaires ou encore de découvrir des solutions innovantes. Avec plus de 600 visiteurs lors du dernier colloque, Thierry Bièvre décrypte la manière dont le colloque entend répondre à l’urgence écologique et contribuer à mettre la filière construction sur la voie de la décarbonation.

Le monde est confronté à de nombreux défis et les bâtiments doivent contribuer à y répondre. Quel message souhaitez-vous faire passer aux professionnels du secteur, novices ou déjà convaincus, avec cette édition 2022 de Build & Connect ? 

Thierry Bièvre  : Le message que je souhaiterais faire passer est le suivant : l’actualité internationale révèle notre inaction, voire notre incompétence à faire évoluer les tendances et les bonnes pratiques, notamment dans le secteur de la construction durable. Nos manques d’engagements et de considérations relatifs à la protection de l’environnement, à l’exploitation inappropriée de toutes ressources fossiles ou encore à l’équité sociale nous amènent à constater notre dépendance énergétique et économique à certains pays.

L’objectif est donc de responsabiliser l’ensemble des acteurs du bâtiment, de la classe dirigeante aux citoyens, afin de se libérer des énergies fossiles et insuffler une réelle politique durable. Dans le secteur du neuf de la construction, tertiaire ou résidentielle, nous n’avons pas besoin des énergies fossiles. Nous pourrions dès à présent concevoir des bâtiments qui utilisent exclusivement des énergies renouvelables, sur l’ensemble de leur cycle de vie. 

Les inconvénients inhérents aux énergies renouvelables, tels que le stockage de l’électricité ou l’insécurité d’assurer une production suffisante lors des pics hivernaux, ne sont évidemment pas à balayer d’un revers de main. Toutefois, nous avons les technologies et les savoir-faire suffisants pour déployer un mix énergétique basé sur la biomasse, le biogaz, le solaire, l’éolien, l’hydroélectrique, etc... en écartant ou limitant les ressources fossiles par la même occasion. En effet, nous nous sommes privés des capacités d’indépendance énergétique de notre écosystème et avons obligé une majorité de citoyens à consommer des énergies fossiles. Il est temps d’y remédier. 

L’échéance de 2030 avec ses objectifs ambitieux en termes de décarbonation se rapproche, comment le secteur de la construction peut-il accélérer sa transformation ? 

Thierry Bièvre  : Plusieurs domaines peuvent accélérer la transformation du secteur de la construction. Il y a tout d’abord l’intégration des problématiques environnementales dès la conception du bâtiment. Cela passe par exemple par l’économie circulaire, le réemploi et l’utilisation de matériaux bio et géosourcés, et plus largement la recherche d’une forme de frugalité.

Je pense ensuite au secteur de la rénovation énergétique visant à limiter la consommation d’énergie, à améliorer le bâti et le confort, etc. dans le but d’en finir avec les trop nombreuses passoires thermiques présentes sur le parc immobilier français.  

Par ailleurs, en tant que président du pôle Fibres Energivie, je souhaite également accélérer la transformation du secteur de la construction grâce à la cinquième édition de notre colloque biannuel. Je considère par exemple qu’il faut horizontaliser les prises de décisions, notamment pour accroître la responsabilité de chacun des acteurs et favoriser grandement l’émergence d’idées.  

Face aux tensions géopolitiques, le bâtiment a son rôle à jouer. Quelles réponses peut-il apporter aux enjeux énergétiques et à la hausse du prix des énergies ? 

Thierry Bièvre  : Les énergies renouvelables constituent des ressources essentielles pour le parc immobilier français, que ce soit dans le neuf ou l’existant. Inciter à y recourir pourrait engendrer une augmentation du bien-être pour le plus grand nombre.  

Se passer des énergies fossiles en France devrait être obligatoire, notamment en raison de notre parc nucléaire puissant. Il s’agirait de mener une contre-guerre écologique. En effet, l’écologie représente aujourd’hui une arme pour éviter que ceux qui disposent de manière autoritaire et autocratique des matières premières en aient des usages détournés.  

Build & Connect aborde les technologies pionnières, mais aussi l'évolution des pratiques. Comment le bâtiment peut-il faire évoluer les mentalités et les comportements ?

Thierry Bièvre  : L’un des objectifs de Build & Connect est de développer la numérisation dans le secteur de la construction. Il s’agit là d’outils phénoménaux en termes de gain de productivité, mais aussi pour imaginer et concevoir des bâtiments plus respectueux de l’environnement. Je pense par exemple aux jumeaux numériques qui permettent de mesurer les performances d’un bâtiment à partir de l’imitation numérique (maquette numérique) des actifs de l’organisation.  

Par ailleurs, le numérique permet d’intégrer un plus grand nombre d’acteurs sur un projet donné. C’est notamment le cas pour les industriels via les fiches FDES, les entreprises, mais aussi les futurs usagers lors des phases de conception d’ouvrages publics comme privés.  

Aujourd’hui, il est inutile de construire ou rénover un bâtiment sans se demander pour qui et pour quoi on le fait. Lorsqu’on se pose ces questions, le nombre de réponses à apporter est considérable et beaucoup plus large. Les outils numériques permettent de les intégrer dans les différentes phases de conception.

Build & Connect est à la fois ancré dans la Région Grand Est et habitué à recevoir une part importante de visiteurs internationaux, qu’apporte cette diversité d’acteurs ? 

Thierry Bièvre  : Lorsqu’on traverse les frontières, on se rend compte des problématiques que rencontrent d’autres écosystèmes économiques, d’autres filières et acteurs de la construction. Et pour cause, des différences notoires existent entre les pays d’Europe, notamment au niveau des politiques énergétiques, des capacités en ressources, du mix énergétique, ou encore des modèles industriels. C’est pourquoi nous voulons obtenir les retours d’expérience d’un maximum d’acteurs européens afin d’harmoniser nos façons de faire et de démocratiser les bonnes pratiques.

Pour susciter les échanges et les débats, vous avez revu cette année le format des interventions, que proposerez-vous ? 

Thierry Bièvre  : Notre objectif principal est avant tout de faire discuter entre eux les acteurs français, européens et internationaux afin de mettre en lumière les nouvelles manières de faire, les grands enjeux mais aussi les difficultés et échecs rencontrés par certains, et dont des leçons pourraient être tirées par le plus grand nombre.  

Pour ce faire, nous proposons un format hybride présentiel et distanciel, qui devrait permettre d’accueillir de nombreux congressistes désireux de se retrouver après plusieurs années compliquées.  

Des débats permettront à divers intervenants d’exprimer leurs désirs, solutions, chemins à emprunter, mais aussi et surtout d’opposer leurs idées a priori contradictoires. Des voix discordantes donnent souvent lieu à des débats plus vivants, et aident à mieux appréhender la complexité d’un sujet à travers des regards hétérogènes. Il ne s’agit donc pas de prêcher la bonne parole dans le but d’obtenir un consensus de la part des intervenants ou du public, mais bien de faire émerger des problématiques, analyses ou points de vue contrastés.  

Notez que des pitchs de décideurs et de représentants de startups auront lieu lors de cette édition 2022 de Build & Connect. Plusieurs personnalités connues du grand public seront également invitées à s’exprimer.

Propos recueillis par Construction21 - La rédaction.

Partager :