Énergies renouvelables : une progression en trompe-l’œil

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CLER La rédaction

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880 Dernière modification le 05/05/2021 - 10:18
Énergies renouvelables : une progression en trompe-l’œil

Fin avril, le ministère de la Transition écologique publiait les données provisoires sur le bilan énergétique en France en 2020. Alexis Monteil-Gutel, responsable de projets Énergies renouvelables au CLER-Réseau pour la transition énergétique revient en détail sur ces chiffres. Entretien.

Que nous enseignent ces résultats provisoires ?

Selon ce premier bilan, la part des énergies renouvelables (EnR) dans la consommation finale brute d’énergie en France s’élève à 19,1 % en 2020, soit + 1,9 % par rapport à 2019 (contre + 0,6 % entre 2018 et 2019). La part des EnR dans la consommation finale brute d’énergie est de 24,8 % pour l’électricité, 23,3 % pour la chaleur et le froid et 9,2 % pour les transports. Aux côtés des pompes à chaleur, c’est le biométhane injecté et l’éolien qui enregistrent les meilleurs résultats  (+ 20% et + 12 % par rapport à 2019 respectivement), suivi par la filière solaire photovoltaïque (+ 11 %). La part d’EnR pour la chaleur et le froid stagne. Enfin, concernant les carburants renouvelables, la consommation de biocarburants chute de 16 % en raison de la forte baisse de la demande pendant les périodes de confinement.

Faut-il y voir un signal positif ?

À première vue,  ces résultats à la hausse en pourcentage peuvent sembler positifs. Or, si on y regarde de plus près, on s’aperçoit qu’ils ne correspondent pas à une production d’énergie renouvelable en augmentation. Ils résultent directement de la crise sanitaire, qui révèle en réalité une stagnation. Compte tenu du confinement et de la limitation des déplacements, la crise sanitaire a entraîné une baisse de la consommation d’énergie affectant davantage des secteurs relativement peu consommateurs d’énergies renouvelables, tels que les transports. La production totale d’électricité a baissé de 6,8 % du fait du repli de la production d’électricité nucléaire. Par ailleurs, comme la production d’électricité renouvelable ne dépend pas de la demande mais de la météo, la baisse de la consommation d’électricité tend à accroître, à parc de production donné, le poids des énergies renouvelables. Ainsi le volume de consommation (et donc de production) d’énergies renouvelables a stagné et même très légèrement diminué entre 2019 et 2020 (- 0,3 % à 307 TWh). L’augmentation observée est donc en trompe-l’œil et ne reflète pas une nouvelle dynamique positive.

Où en est-on par rapport à nos voisins européens ?

Premier constat, la  France demeure largement en-deçà de l’objectif fixé à fin 2020, soit 23 % d’EnR dans la consommation finale brute d’énergie, avec une part d’au moins 10 % à atteindre pour le seul secteur des transports. Depuis 2010, en passant de 12,7 % à 17,1 % d’EnR, elle n’a même pas réalisé la moitié du chemin. Pire, fin 2019, elle obtenait la place peu envieuse de pays de l’Union européenne le plus en retard sur l’atteinte de ses objectifs EnR. À contrario, au même moment, quatorze États membres avaient déjà dépassé leurs objectifs nationaux pour 2020. La Suède enregistre la part la plus élevée parmi les États membres, avec plus de la moitié de l’énergie produite à partir de sources renouvelables. Tout comme l’exemple suédois, la Finlande (43 %), la Lettonie (41 %), le Danemark (37 %) ou encore l’Autriche (33 %) nous montrent que c’est possible, a fortiori avec le potentiel dont dispose la France sur terre ou sur mer.

Comment sortir de l’impasse ?

Ce qui est le plus inquiétant, au-delà du bilan chiffré, c’est que l’on ne perçoit pas un changement de stratégie pour infléchir cette tendance. Malgré quelques mesures positives, le projet de loi Climat & résilience en discussion au Parlement ne contient pas de dispositions fortes pour faciliter le développement des énergies renouvelables dans les territoires et mobiliser les citoyens, un  sujet plutôt absent des débats. Aujourd’hui, les acteurs territoriaux n’attendent pas que l’État leur fixe des objectifs, mais qu’il garantisse enfin des moyens suffisants à l’atteinte de ceux-ci. Comme le CLER-Réseau pour la transition énergétique le propose depuis plusieurs années avec d’autres réseaux d’acteurs territoriaux, et dans l’esprit de la Convention citoyenne pour le climat, la territorialisation des objectifs énergie-climat doit s’accompagner de celle des moyens. Plus que jamais, la France doit changer de braquet pour développer les énergies renouvelables, en levant les freins rencontrés par les acteurs territoriaux pour (s’)investir dans les projets, et en développant des mécanismes de soutien adaptés aux disparités territoriales.

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