En difficulté, le BTP attend des actes de l’Etat

Rédigé par

Simon Mercier

4842 Dernière modification le 29/03/2021 - 09:22
En difficulté, le BTP attend des actes de l’Etat

 

Comme de nombreux secteurs d’activité, le BTP traverse avec difficulté la crise sanitaire. Le premier confinement, en particulier, a considérablement ralenti l’activité sur les chantiers et un retour à la normale prendra du temps, surtout que le troisième confinement ne fait qu’aggraver la situation. C’est pourquoi les entreprises du bâtiment et des travaux publics espèrent beaucoup de France Relance, le plan de relance de 100 milliards d’euros annoncé par le Gouvernement en septembre dernier, dont plusieurs mesures devraient dynamiser le secteur. A condition qu’elles soient effectivement suivies d’effets…

Un secteur durement touché

En 2020, la crise économique liée à la pandémie de coronavirus n’a épargné quasiment aucun secteur : si la restauration et l’hôtellerie ont énormément souffert, et risquent de voir leur situation s’aggraver en 2021, le secteur du BTP a été rudement touché lui aussi et de nombreuses entreprises ne sont guère optimistes pour l’avenir. Ainsi, selon une étude réalisée par le cabinet Mazars, les majors français du BTP ont vu leur activité diminuer de 14% sur le premier semestre 2020. Les grands groupes que sont Eiffage, Bouygues et Vinci ont été particulièrement impactés puisqu’ils affichent des chiffres d’affaires en recul de 18,9%, 15,4% et 14,9%.  Le constat est le même du côté de la Fédération Française du Bâtiment (FFB): selon elle, le secteur a connu une chute historique de son activité de 15,2% en 2020. Plus inquiétant encore, 30% des entreprises sont inquiètes pour leur survie cette année et la FFB craint une disparition de 50000 postes en 2021. Autant dire que tout le secteur attend beaucoup du plan de relance gouvernemental annoncé en septembre dernier dont plusieurs mesures devraient lui être bénéfiques.

Plan de relance : quels bénéfices pour le BTP ?

Révélé le 3 septembre 2020, le plan baptisé France Relance ambitionne de construire la France de demain en investissant cent milliards d’euros afin de redresser durablement l’économie du pays et de créer des emplois. Parmi les mesures annoncées, plusieurs devraient avoir un impact positif sur le secteur du BTP. Tout d’abord la rénovation énergétique des bâtiments publics, car les financements envisagés par le plan doivent permettre de rénover environ 15 millions de mètres carrés sur l’ensemble du territoire français : actions d’amélioration de l’exploitation du bâtiment, remplacement d’équipement, optimisation technique des équipements, travaux d’économie d’énergie… tous ces projets de rénovation devront permettre une diminution de la consommation énergétique des bâtiments concernés. Pour cela, le plan de relance prévoit de mobiliser l’ensemble des artisans et des entreprises du secteur du BTP, permettant ainsi de redynamiser le tissu des PME et TPE locales.

Par ailleurs, les entreprises du BTP attendent beaucoup de l’extension de MaPrimeRenov’ à l’ensemble des ménages sans conditions de revenus, mais aussi aux coproriétaires et aux propriétaires bailleurs.  Cette aide à la rénovation énergétique des bâtiments privés est calculée en fonction des revenus du demandeur, mais également du gain écologique engendré par les travaux, comme le changement du système de chauffage ou l’isolation du bâtiment par exemple. En ouvrant ce dispositif à l’ensemble des Français, le gouvernement espère atteindre un objectif de 400000 à 500000 demandes déposées cette année, contre 190000 en 2020. Si cette extension de MaPrimeRenov satisfait Jean-Christophe Repon, président de la confédération des artisans du bâtiment, car elle ouvre un marché important aux entreprises du secteur, il ne s’enthousiasme pas pour autant. « Dans le passé les aides à la rénovation n'ont pas été consommées. Ce n'est pas parce qu'on double MaPrimeRenov que ça doublera l'activité. Encore faut-il qu'elle ne s'accompagne pas de contraintes telles qu'elle ne soit jamais consommée », tempère-t-il.

Enfin, le volet consacré à la biodiversité sur les territoires, la prévention des risques et le renforcement de la résilience devrait engendrer de très nombreux chantiers et donc nécessiter l’intervention des entreprises du BTP, premier acteur des travaux de génie écologique. Dans le même ordre d’idée, la mesure portant sur la densification et le renouvellement urbain devrait elle aussi profiter au secteur puisqu’il s’agit de réhabiliter des friches ou du foncier déjà artificialisé, mais sous-utilisé. Là encore, le gouvernement espère dynamiser et relancer l’activité des entreprises du BTP.

Soutenir le BTP, c’est soutenir l’emploi !

Investir dans des projets impliquant des sociétés de BTP est souvent perçu comme un moyen efficace de jouer positivement sur l’emploi. Le ministre de l’Economie et des Finances,  Bruno Le Maire lançait d’ailleurs en août dernier aux entreprises du bâtiment « Faites travailler les ouvriers français, engagez des jeunes ! », lors d’une table ronde à l’université d’été du Medef. Si le secteur a commencé à recruter, les fondations restent encore fragiles d’autant que l’incertitude demeure pour la plupart des acteurs économiques confrontés à des restrictions et des budgets en baisse. Le soutien et les initiatives de l’Etat semblent plus que jamais essentiels à l’image des  4214 projets retenus pour la rénovation énergétique des bâtiments publics de l’État, de l’enseignement supérieur, de la recherche et de la vie étudiante dans le cadre du plan France Relance. Un chantier d’ampleur dont se félicite Bruno Le Maire car, selon lui : « Les 4108 projets de moins de 5M€ vont favoriser les artisans, TPE et PME sur tout le territoire. Le taux de sélection de 32%, a permis de sélectionner des projets avec un fort gain énergétique et pouvant être mis en œuvre rapidement »

Au-delà de ce plan, l’Etat est aussi engagé dans des projets de très grande envergure, comme celui du Grand Paris Express, dont l’ensemble des chantiers va mobiliser plus de 15000 emplois directs par an. Aussi gigantesque soit-il, ce chantier a lui aussi connu plusieurs semaines de suspension lors du premier confinement avant de redémarrer progressivement, en appliquant les mesures sanitaires indispensables à la protection de la santé de toutes les personnes intervenant sur des chantiers. Une difficulté symbolique de ce que traversent toutes les entreprises du secteur dans la situation actuelle.

Autres travaux que l’Etat peut soutenir afin de dynamiser le secteur du BTP : la construction d’infrastructures autoroutières qui emploient chaque année des milliers d’ouvriers de tous corps de métier ; d’autant qu’en ce moment, entre confinements et couvre-feux, les déplacements sur autoroutes se sont réduits et que des travaux peuvent être entrepris sans trop gêner la circulation. Les sociétés autoroutières emploient déjà près de 12500 salariés et dépensent chaque année près de 18 millions d’euros dans la seule formation. À chaque nouveau projet, elles veillent à inclure dans leurs marchés une clause sociale d’insertion obligatoire afin de permettre l’accès ou le retour à l’emploi de personnes rencontrant des difficultés sociales ou professionnelles particulières. Sans compter que ces chantiers, qui facilitent la mobilité et le désenclavement de certains territoires, sont de véritables accélérateurs de l’activité économique.

Les secteurs qui portent activement la mission de transition écologique, comme le BTP, et qui génèrent de nombreux emplois, directs comme indirects, tout en ayant un impact positif sur l’urbanisme et la mobilité sont rares. Un tel secteur doit être soutenu d’autant qu’il constitue le premier employeur de France avec 80 000 personnes recrutées chaque année selon la FFB. Un argument dont les pouvoirs publics confrontés à un futur tsunami de chômage tiendront compte peut-être davantage au cours des prochains mois.

 

 

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