En attendant RE2020 : ce qu’il faut retenir de E+C-

8956 Dernière modification le 04/10/2019 - 11:45
En attendant RE2020 : ce qu’il faut retenir de E+C-

Alors que RE2020 arrive à grands pas, il est utile de faire le point sur les enseignements tirés de l’expérimentation E+C-. Nous avons pour cela fait appel à Sabrina Talon, chef de groupe Bâtiment & Acoustique et référente Performances Energétique et Environnementale des bâtiments au Cerema. Cet établissement public accompagne l’Etat depuis le début du processus et propose aujourd’hui ses services aux professionnels, en qualité d’assistant à la maîtrise d’ouvrage ou de conseil auprès de la maîtrise d’œuvre, des BE et des entreprises.

Quelles sont les grandes lignes d’E+C- ?

L’expérimentation énergie carbone a été lancée fin 2016 par les pouvoirs publics afin de préparer la RE2020. Cette expérimentation pour les bâtiments neufs s’appuie sur différents travaux pilotés depuis 2014 par le ministère en charge de la construction, ainsi que sur des programmes précurseurs comme les travaux expérimentaux « HQE performance » lancés dès 2010 par l’Alliance HQE – GBC France, dans lesquels le Cerema s’est techniquement impliqué.

L’expérimentation énergie-carbone ou « E+C- » est une démarche qui prend en compte à la fois les aspects énergétiques et environnementaux des bâtiments, à travers leur cycle de vie. Côté énergétique, par rapport aux cinq usages que nous connaissons aujourd’hui en RT2012, sont ajoutées des consommations immobilières comme les ascenseurs, la ventilation ou l’éclairage des parkings souterrains et mobilières comme les électrodomestiques, la bureautique, etc. C’est le calcul de l’indicateur BilanBEPOS du bâtiment (bilan énergétique sur tous les usages énergétiques) ; il permet de déterminer le niveau énergétique atteint par le bâtiment (sur une échelle de 1 à 4).

Côté carbone, quatre contributeurs aux impacts environnementaux du bâtiment sont identifiés :

  • Les produits de construction et équipements (contributeur divisé en lots) : ensemble des composants (avec leurs consommations et émissions environnementales) sur le cycle de vie du bâtiment,
  • L’énergie consommée durant la vie en œuvre du bâtiment,
  • La consommation et les rejets d’eau durant la vie en œuvre du bâtiment,
  • La phase chantier, pour intégrer les consommations et émissions non déjà incluses dans le contributeur « produits de construction et équipements ».

Les impacts environnementaux de ces 4 contributeurs sont sommés pour calculer les impacts environnementaux du bâtiment, dont les émissions de gaz à effet de serre, via l’indicateur Eges. Cet indicateur permet alors de déterminer le niveau carbone atteint par le bâtiment (sur une échelle de 1 à 2). Parmi les autres indicateurs d’impacts environnementaux comptabilisés peuvent être cités l’eutrophisation, l’acidification atmosphérique, la pollution de l’air, la consommation totale d’énergie primaire non renouvelable, les déchets dangereux, etc. ; ils ne bénéficient pas d’une échelle avec des niveaux comme les indicateurs « énergie » et « carbone » mais fournissent des éléments complémentaires intéressants pour l’évaluation des performances globales du bâtiment.

Pour des informations plus précise, je vous invite à consulter les documents officiels disponibles sur le site de E+C-.

 

Quel est le lien entre E+C- et RE2020 ?

E+C- est le premier laboratoire de la RE2020. En lançant un appel d’offre pour qu’une vingtaine de projets déjà construits, puis pour que dix en conception soit accompagnés selon la méthode du référentiel « énergie-carbone » dans chaque région, l’ADEME, à travers son programme OBEC, a permis d’alimenter et d’enrichir la base de données de l’expérimentation E+C-. Tous ces retours d’expérience alimentent les débats pour clarifier et approfondir un certain nombre de sujets techniques problématiques dans l’élaboration de la nouvelle règlementation. La méthode et les niveaux énergie et carbone de l’expérimentation ne seront pas repris tels quels en RE2020. La philosophie de la RE2020 est définie dans la loi ELAN et E+C- a permis d’apporter de premières données chiffrées pour définir ce qui sera inclus et comment dans les calculs des consommations d’énergie et l’analyse de cycle de vie des bâtiments neufs de demain. Des points qui me viennent à l’esprit sont par exemple l’intégration ou non du lot VRD, la notion de « stockage carbone » par les matériaux, la durée de vie du bâtiment à prendre en compte ou encore la ou les surfaces de référence à utiliser (cf. rapports des groupes d’expertise et comptes-rendus des groupes de concertation).

Concernant le planning d’application, il est difficile de donner des dates précises. On peut néanmoins tabler sur un retour définitif du groupe de travail « modélisateur » vers mars 2020 et la publication des premiers textes pour consultation au printemps. Ceux-ci déboucheront probablement sur une mise en application de la RE2020 fin 2020, début 2021.

 

Quels sont les retours d’expérience concernant E+C- ?

Au Cerema, au-delà de notre implication dans les groupes de travail ministériels relatifs à l’expérimentation E+C-, nous avons été sélectionnés, avec des BET partenaires, dans le cadre du programme OBEC de l’ADEME dans quatre régions (Auvergne-Rhône-Alpes, Grand Est, Bretagne et Pays de la Loire) et nous sommes en mesure de faire un vrai REX. Nous avons par ailleurs une mission complémentaire qui consiste en la synthèse du programme OBEC à l’échelle nationale dont les résultats seront disponibles prochainement.

D’un point de vue qualitatif, à travers les journées techniques, les colloques de lancement et de restitution ainsi que les formations spécifiques aux méthodes de calcul et logiciels, nous avons sensibilisé et formé plus de 600 acteurs, porteurs ou non des projets que nous avons étudiés (maîtres d’ouvrage, maîtres d’œuvre, BET, représentants de filières constructives, etc.).

Sur un plan plus quantitatif, il faut tout d’abord préciser que les bâtiments résidentiels représentent plus de 2/3 des études de cas sur les quatre régions où nous sommes intervenus.

Concernant l’obtention des niveaux, nous avons constaté :

  • Qu’il semble relativement aisé d’obtenir des performances énergétiques meilleures que celles de la RT2012. Beaucoup de projets ont ainsi obtenu le niveau E2 grâce à une enveloppe plus performante du bâtiment, quel que soit le mode d’approvisionnement en énergie choisi. Quant au niveau E3, celui-ci semble à la portée de la plupart, dès lors que la sobriété énergétique du bâtiment a bien été étudiée et que des énergies renouvelables sont utilisées (énergie bois, réseaux de chaleur urbains avec un taux d’énergie renouvelable et de récupération important, panneaux solaires photovoltaïques, etc.).
  • Pour le carbone, les retours sont plus nuancés. 80% des résultats sont au niveau C0. Il ne faut cependant pas tirer des conclusions trop hâtives. Cela ne signifie pas qu’il est impossible de réduire l’empreinte carbone d’un bâtiment. Au moment « t » de nos études, en 2017 et 2018, la base INIES était en pleine évolution et des données environnementales par défaut (pénalisantes) ont parfois été utilisées de manière majoritaire lors de l’analyse de cycle de vie des projets. Aujourd’hui, grâce aux fabricants de produits de construction et équipements et sous l’impulsion de l’expérimentation, de nombreuses données spécifiques (FDES, PEP) sont disponibles (dans la base INIES ou grâce aux configurateurs tels que Betie, SAVE, DE-Bois), ce qui pourrait changer la donne. Cette observation amène néanmoins à une réflexion sur le fait d’avoir un taux de complétude minimum pour effectuer le calcul et afficher des résultats représentatifs. En l’absence de données environnementales pour certains composants du bâtiment, le calcul carbone effectué ne traduit pas nécessairement la performance environnementale de ce bâtiment. Nous nous sommes ainsi rendu compte, dans notre échantillon, que les bâtiments ayant atteint le niveau C2 partageaient un taux de complétude très bas.

 

Existe-t-il des techniques de constructions qui permettent d’atteindre de bonnes performances carbones ?

Je sais que cela déçoit toujours un peu quand je dis cela, mais la réponse est non en l’état de nos travaux ! Le niveau C2 a certes été atteint par deux bâtiments collectifs d’habitation de la région Grand Est qui ont en commun une construction bois et une pompe à chaleur, mais comme je vous le disais, le taux de complétude est trop bas pour en tirer des conclusions.

Les bâtiments qui ont obtenu C1 avec un bon taux de complétude de l’ACV sont eux divers dans leurs usages (habitats collectifs, bâtiments de bureaux ou d’enseignement) et leurs techniques de constructions. En Auvergne-Rhône-Alpes nous avons ainsi obtenu ce niveau avec des structures béton et bois-béton, pour des bureaux ou des logements collectifs d’habitation.

La sobriété dans l’utilisation des matériaux, la recherche exhaustive de données environnementales adaptées aux composants réellement mis en œuvre dans le bâtiment, des choix énergétiques pertinents, ainsi que des réflexions sur le cycle de vie des matériaux (renouvelabilité, recyclabilité) sont des pistes intéressantes à approfondir pour réduire les impacts environnementaux des ouvrages. Par ailleurs, il a pu également être observé qu’un bâtiment qui est très performant énergétiquement peut aussi souvent l’être sur le plan du bilan carbone (plusieurs bâtiments E3C1).

Selon les régions, nous avons également pu identifier que certains lots du contributeur « produits de construction et équipements » sont très impactants d’un point de vue « émissions de GES », en fonction des typologies de bâtiments étudiés. Pour ces lots, il est donc important de pouvoir utiliser des données environnementales les plus adaptées possible. Ils sont aussi à travailler en priorité en phase conception. Il s’agit des lots :

  • Structure ;
  • Menuiseries et façades ;
  • Revêtements intérieurs ;
  • VRD.

 

Pourquoi le Cerema développe aujourd’hui une offre commerciale autour de RE2020 et E+C- ?

Nous avons et continuons à collaborer avec des institutions et l’Etat sur le sujet. Aujourd’hui nous sommes l’un des acteurs qui a le plus de recul sur le sujet. Nous pouvons donc sensibiliser et former sur mesure des groupes d’acteurs en fonction de leurs besoins, mais aussi avoir un rôle de conseil auprès des maîtrise d’œuvre et maîtrise d’ouvrage. Actuellement nous accompagnons par exemple le conseil départemental de Côte d’Or pour la reconstruction d’un collège exemplaire.

Enfin, nous sommes également en mesure de réaliser des données environnementales spécifiques (FDES collectives), pour apporter des réponses pertinentes aux choix environnementaux des porteurs de projets.

 

Propos recueillis par Clément Gaillard - Construction21

 


Pour en savoir plus :

Les chiffres du retour d’expérience de la région Pays de la Loire

http://obec-grandest.fr/

https://www.cerema.fr/fr/activites/services/offre-formation-batiment-bas-carbone-preparation-re-2020

 

Le Cerema sera présent au salon Bâtimat, Stand 6-H044: l'occasion de découvrir ses projets de recherche dans le domaine du bâtiment, ses publications et actions de diffusion des connaissances auprès des milieux professionnels, ses modes d'intervention auprès des acteurs du bâtiment.

 

Thématiques des produits et innovations présentés sur son stand :

Lundi 4 après-midi et mardi 5 : Concevoir les bâtiments autrement : comment gagner le pari sur les performances environnementales et thermiques du bâti ? (réhabilitation du patrimoine ancien, mesures et performances du bâtiment E+C-, matériaux bio-sourcés, la nature comme condition de performance des bâtiments…)

Mercredi 6 : Stratégies  immobilières pour limiter et anticiper les changements climatiques (Cube.S, contrats de performance énergétique, projets Carnot…)

Jeudi 7 : Pour une meilleure qualité des environnements intérieurs (accessibilité du cadre bâti et de la chaîne de déplacement, qualité de l’air intérieur, systèmes de ventilation…)

Partager :