Durabilité du bois énergie : pratiques nationales et exigences européennes

Rédigé par

clarisse fischer

3922 Dernière modification le 19/01/2023 - 13:04
Durabilité du bois énergie : pratiques nationales et exigences européennes


La forêt française constitue une ressource stratégique, abondante et gérée durablement. C’est dans ce cadre que le bois énergie s’inscrit en France comme un outil incontournable pour la valorisation des bois d’œuvre et le soutien à la conduite et l’entretien des forêts, indispensables à leur résilience (adaptation au changement climatique, prévention des incendies, …).Première énergie renouvelable en France, le bois énergie participe fortement à la décarbonation des activités, à notre indépendance énergétique et à lutte contre la précarité énergétique. Les directives européennes sur les énergies renouvelables harmonisent, entre pays de l’Union, les exigences concernant la durabilité et la réduction des émissions de gaz à effet de serre du bois énergie.

Une expansion sans précédent de la forêt française

Au cours du XXème, la forêt française a connu un doublement du volume de bois sur pied siècle en passant de 15% du territoire en 1850 à 31% aujourd’hui.

Avec 17 millions d’hectares en métropole et 8,2 millions d’hectares en outremer, la forêt française avec une proportion exceptionnelle de feuillus (2/3),  est la 4ème forêt européenne en surface après la Suède, la Finlande et l’Espagne, et la 3ème en volume, après l’Allemagne et la Suède. 

La force de la pompe à carbone de la forêt française est la production importante de bois sur pied : la forêt française stocke 2.8 milliards de tonnes de carbone qui sont réparties de manière équilibrée entre biomasse aérienne et sols forestiers. Les forêts françaises contribuent ainsi à la stratégie nationale bas carbone (SNBC) en captant 20 % des émissions de CO2 du pays : pour 2/3 grâce à la séquestration dans les arbres, les sols forestiers et les produits bois, et pour 1/3 grâce à la substitution qui permet d’éviter les émissions en utilisant du bois à la place de matériaux très carbonés et d’énergies fossiles importées. 

En moyenne, un hectare de forêt permet de séquestrer 3.5 tCO2 /an. Cependant ce volume séquestré est en diminution parce que les peuplements plus matures séquestrent moins de carbone, mais surtout parce que les arbres sont directement exposés à des aléas (dépérissements, tempêtes, incendies, …). Par exemple et en moyenne, un hectare qui brûle complètement relâche près de 650 tCO2 .

Le bois énergie est un complément indispensable à l'économie forestière et à une sylviculture durable

La multifonctionnalité (rôles social, environnemental et économique) est un élément majeur des forêts françaises, et la production durable de bois d'œuvre (constructions bas carbone, matériaux biosourcés, ...), à plus forte valeur ajoutée et essentielle à la bioéconomie est le fil conducteur, l’objectif prioritaire,  de la gestion forestière française.

Aujourd’hui, les prélèvements de bois en forêt sont inférieurs à l’accroissement naturel des forêts. Ainsi l’équivalent de 64 % de l’accroissement naturel en volume des forêts est récolté tous usages du bois confondus (bois d’œuvre, bois d’industrie, bois énergie). 

Tout au long de la vie d’une forêt, pour produire des bois d’œuvre, des opérations de sylviculture sont nécessaires : des éclaircies pour « desserrer les arbres », des ouvertures de cloisonnement pour permettre le passage d‘engins de récolte, des coupes sanitaires éventuellement pour éviter la propagation de maladies ou ravageurs, etc. Ces opérations sont coûteuses et peuvent être en partie financées grâce aux revenus complémentaires issus de la vente du bois-énergie. La production d'énergie intervient en bout de chaîne, permettant la valorisation des bois qui n'ont pas d'autres débouchés économiques. 

Soucieux de produire du bois-énergie de façon exemplaire, les acteurs de la filière veillent notamment à respecter les préconisations des deux guides nationaux sur la protection des sols (Prosol et Praticsols) et du guide des bonnes pratiques publié par l’ADEME pour la récolte durable de bois-énergie. 

Le bois énergie, la première énergie renouvelable de France

  

Le bois-énergie est la première énergie renouvelable en France : il représente à lui seul 36% de la production d’énergies renouvelables et 66% de la chaleur renouvelable
Il est la source d’énergie renouvelable la plus utilisée aujourd’hui par les particuliers : près du quart des ménages occupant 7 millions de logements sont équipés d’un appareil de chauffage au bois (bûches ou granulés). Le bois énergie représente également près du quart des énergies distribuées par les réseaux de chaleur qui permettent de garantir dans la durée une facture énergétique maîtrisée à ses usagers.

Le bois énergie joue un rôle majeur dans la décarbonation de la chaleur qui repose encore à plus de 75% sur des ressources fossiles alors que la chaleur représente 45 % de notre consommation finale d’énergie. Il est nécessaire d’accélérer le rythme de développement de cette filière pour conforter notre indépendance énergétique et viser la neutralité carbone. 

Développer le bois énergie, c’est également participer à la création de milliers d’emplois pérennes en particulier en zones rurales. A ce jour, la filière bois énergie compte plus de 50 000 emplois directs et indirects, des milliers de TPE et crée une valeur annuelle de 1,3 Md€ dans nos territoires. En suivant la trajectoire de la Programmation annuelle de l’énergie (PPE), la filière bois énergie compterait plus de 70 000 emplois directs et indirects en 2028.

Un nouveau cadre réglementaire européen sur la durabilité en cours de déploiement

Depuis 2021, la directive sur les énergies renouvelables dite RED II exige que les installations de puissance supérieure à 20 MW (puissance bois PCI) respectent des critères de durabilité et de réduction d’émission de Gaz à Effet de Serre (GES) par rapport à une référence gaz fossile, afin que le bois énergie puisse bénéficier d’aides publiques et être comptabilisé dans les objectifs de production d’énergies renouvelables nationaux et européens. 

Les opérateurs économiques doivent prouver le respect des critères de durabilité par des contrôles indépendants, sur l’ensemble des points suivants :

  • La légalité des opérations de récolte
  • La régénération de la forêt dans les zones de récolte
  • La régulation pour les zones protégées
  • La préservation de la biodiversité
  • La préservation de la qualité des sols
  • Le maintien de la capacité de production à long terme de la forêt
  • L’utilisation des terres, changement d’affectation des terres et foresterie, concernant les émissions et les absorptions de CO2.

Organisés en consortium, les acteurs de la filière forêt bois (CIBE, CNPF, COPACEL, EFF, FEDENE, FNB, FNCOFOR, FNEDT, FRANSYLVA, ONF, ONFE, UCFF et SER) se sont mobilisés pour mettre en œuvre la transposition de la directive RED II.

Les exigences de la directive RED II se basent sur une analyse de risques de la zone d’approvisionnement.  Cette analyse de risque a été rédigée au niveau national avec le soutien du Ministère de l’agriculture en charge de la forêt et l’ADEME et avec la contribution du Ministère en charge de la transition énergétique, coordonnée par le consortium. Cette analyse décrit notamment la réglementation, les pratiques et les contrôles en France métropolitaine et outre-mer en matière de gestion durable des forêts en précisant l’ensemble des dispositifs permettant de limiter le risque de biomasse non conforme aux exigences de la directive. Elle a été mise en consultation publique et sera publiée en janvier 2023. Les opérateurs de la filière pourront ainsi justifier de la durabilité de la biomasse forestière en se basant sur cette analyse. 

Au niveau des exigences de réduction des GES, les opérateurs doivent prouver que la chaleur ou l’électricité produits à partir de biomasse permet une forte réduction (de 70% ou 80% selon la date de mise en service de l’installation), avec une méthode en analyse de cycle de vie. Le résultat est comparé à une valeur de référence fixée par la directive RED II. 

Les opérateurs concernés seront également soumis à des obligations de contrôles et de transparence. Pendant la phase transitoire (du 1er juillet 2022 au 1 er juillet 2023), les opérateurs pourront utiliser les modèles d’attestation et de déclaration mis en place par le consortium. Après cette période transitoire, des certifications seront exigées. La France n’a pas fait le choix de retenir un schéma de certification national. Le consortium a donc pris l’initiative de réaliser une analyse comparative des schémas volontaires existants au niveau européen portant sur la biomasse forestière (SURE, SBP, PEFC) afin de pouvoir proposer aux opérateurs le/les schémas de certification les plus adaptés au contexte national.

Les débats autour de RED III

La révision de la directive sur les énergies renouvelables dite REDIII, intégrée au paquet ‘Fit for 55’, est en cours de discussion en trilogue pour une mise en application en 2026. 

La filière forêt bois française s’est exprimée en opposition au vote du Parlement européen en septembre 2022 qui exclut la biomasse issue directement de forêt en tant qu’énergie renouvelable. Cette disposition loin des réalités terrain risque au contraire de nuire à la résilience de nos forêts comme à la décarbonation progressive de nos sociétés.

Le Gouvernement français devrait soutenir le bois-énergie, première énergie renouvelable en France, indispensable à la gestion durable de nos forêts et à la décarbonation de notre économie, dans un contexte de crise énergétique et de dérèglement climatique.

Un article signé CIBE, CNPF, EFF, FEDENEFNB, FNCOFOR, FNEDT, FRANSYLVA, ONFE, SER, UCFF


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